Chapitre 36

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Il était à peine neuf heures. Le paysage défilait. Il faisait super chaud, heureusement on avait la clim. Marina portait une robe longue vert pastel. Vert menthe, il paraît que ça s'appelle...

On avait bien dormi. Le petit-déj de l'hôtel était monumental, enfin continental. Marina avait presque rien mangé, mais moi je m'étais pas privé.

On allait à Jérusalem.

C'était même pas une idée de Marina. C'était moi. Il y avait un Asher Meschalam à Jérusalem, et je sais pas pourquoi, je sentais que c'était lui. Que ça allait être le bon. Autant le trouver du premier coup.

- On peut aller au Kotel ?

Le Kotel... C'est le nom hébreu du Mur des Lamentations. Et le Mur des Lamentations, ça faisait des années que j'y étais pas allé.

J'ai pas pu dire non à Marina. Je savais que c'était important pour elle.

Elle a tiré un carnet à spirale de son sac à main et s'est mise à écrire alors que je conduisait. J'ai pas regardé ce qu'elle écrivait mais je savais. Elle devait demander à Dieu que sa mère aille mieux, et que je retrouve mon père.

Jérusalem, le deux juillet.

Des cars de touristes partout. Toutes les couleurs, toutes les langues, toutes les nationalités.

Le Dôme d'Al-Aqsa brillait dans le ciel bleu, les japonais prenaient tout et n'importe quoi en photo, des haredim aux policiers du contrôle de sécurité.

- Les hommes c'est là-bas, à tout à l'heure.

Marina est partie mettre son papier dans le mur du côté des femmes. J'ai attendu sur l'esplanade en regardant les gens. Les gosses qui couraient, criaient. Les parents qui priaient. Les touristes. Les flics.

Le bordel Moyen Oriental.

Il était à peine onze du matin il faisait déjà une chaleur à crever.

J'avais aucune envie de m'approcher du Mur, des types en train de prier. J'avais même pas de kippah, juste une casquette de l'OM. Me demander pas où je l'ai trouvée, celle-là.

Marina est revenue. Les larmes aux yeux derrière ses lunettes de soleil.

- Ça va ?

Elle a sourit.

- Je suis toujours émue quand je viens ici... Surtout...

Je l'écoutais. Je lui ai pris la main et on a commencé à marcher vers la sortie.

- Surtout que la dernière fois, j'avais treize ans, c'était avec mon père et ma mère.

J'ai hoché la tête, Marina m'a entraîné dans le vieux quartier juif. On a acheté deux limonades frappées.

On s'est dit qu'on avait le temps, ça servait à rien d'aller chez Asher Meschalam maintenant. Il devait être au travail, autant essayé plus tard dans l'après-midi.

On a déambulé dans le souk juif de Jérusalem. Avec ses marchands arabes qui vendent des keffiehs, des kippahs, des drapeaux israélien et des t-shirts pro palestiniens. Tout ça sur le même stand.

L'argent n'a pas d'odeur. Ni de race, ni de couleur.

Marina m'a acheté une Hamsa. Elle a dit en me l'a donnant.

- Ça porte chance.

Ouais, je sais.

Je l'ai mise, plus pour lui faire plaisir que parce que j'en avais vraiment envie. J'aime pas les bijoux. Et les chaines en or, sérieux.

Bon là je pouvais plus rien dire, j'en avais une autour du cou.

Malgré la chaleur, le bruit, les vendeurs et de keffiehs, de kippahs, de tout et n'importe quoi, c'est vrai que l'atmosphère était particulière. Comme ouatée, sacrée, je saurais pas expliquer.

On a finit à la terrasse climatisée d'un resto qu'avait choisit Marina.

- T'étais jamais venu en Israël ?

- Si, quand j'étais petit avec Simon...

Elle a hoché la tête. On venait de commander le déjeuner.

- D'ailleurs je me rappelle d'un truc, des pièces sombres avec des objets et un train.

Elle a pas capté.

- Un train ?

- J'ai que des souvenirs flous, mais je me souviens que Simon m'avait emmené dans un endroit, des pièces sombres en enfilade, avec des objets anciens, comme des pièces de maison recréées. Et au milieu de tout ça, un wagon rouillé.

Elle y a réfléchi en buvant une gorgée de Limonana.

- Un wagon... Yad Vashem ?

- C'est le musée ferroviaire ?

Elle a pouffé. M'a regardé comme si j'étais teubé.

- Le mémorial de la Shoah, Asher.

Ah...

- D'ailleurs on peut y aller si tu veux.

Je veux pas.

J'aurais préféré aller au musée des trains. Je sais pas pourquoi Marina a voulu aller là-bas. Ça m'a fait flippé.

On est rentrés dans le musée, et j'ai tout de suite reconnu. Les pièces sombres en enfilade. L'ambiance pesante, presque oppressante. J'avais juste envie de dire à Marina que je l'attendais à la sortie.

Je sais pas pourquoi, je suis resté.

L'origine de l'antisémitisme.

J'ai lu. Par curiosité. L'Empire romain. Je pensais pas qu'ils allaient commencer par ça.

La montée du nazisme. Les lois raciales. Allemagne, Belgique, France.

Je lisais tous les panneaux explicatifs et Marina a fini par me tirer par le bras pour continuer la visite.

On est sortis, on parlait pas. J'avais appris des trucs auxquels je m'étais jamais intéressé jusque là.

J'ai réalisé, un peu bêtement, que si j'avais vécu à cette époque là, je me serais aussi fait buter. J'y avais jamais pensé.

Être juif pour moi, ça veut rien dire. Ou alors ça veut dire être comme Simon, et ça... Pourtant Marina, elle est juive aussi, pratiquante aussi, et j'imagine pas ma vie sans elle.

Je pensais à ça quand Marina a rompu le silence.

- Ça va ?

Ça allait, juste je cogitais. On s'est baladé un peu dans le campus de Yad Vashem. La vue sur les montagnes autour de Jérusalem était magnifique. Marina m'a dit que c'était un centre de recherche et conférence.

- Ils trouvent encore des trucs ?

Elle a hoché la tête.

- Il y a des fouilles en Allemagne et en Pologne, dans les camps de concentration. Les chercheurs trouvent des objets cachés par les déportés, soit pour essayer de s'évader, soit pour les conserver.

J'ai hoché la tête. Marina a continué.

- J'ai lu un article sur ça il a pas longtemps, je te le retrouve si tu veux.

Je veux.

On est allés chez Asher Meschalam. Joli petit quartier de Jérusalem. On est monté jusqu'à l'appartement. J'ai sonné.

Si Dieu croit en toi... [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant