Chapitre 18

33 5 2
                                    

Marina se retenait de pleurer. Moi je conduisait. Sa mère continuait de parler de billets d'avion, de valises, comme si on partait en vacances.

On est arrivés. Au bout d'un certain temps d'attente la mère de Marina a été prise en charge par les infirmières. On attendait dans une salle d'attente pendant qu'elle voyait un médecin. Ensuite il nous a demandé de venir dans le bureau, il avait des trucs à dire à Marina.

— Bonjour, est-ce que vous pourriez clarifier quelques points. Raphaël, c'est qui ?

Marina a pris une grande inspiration, pour ne pas fondre en larme devant le psychiatre.

— C'est mon père, il est mort dans un braquage il y a six ans.

Le toubib a hoché la tête.

— Ça fait combien de temps que votre mère souffre de bouffées délirantes ? Elle a déjà été suivie par un service psychiatrique ?

Là, Marina n'a pas pu se retenir d'éclater en sanglots. Elle m'a regardé.

— Raconte lui.

Euh... D'accord. J'ai essayé de faire simple, concis et de ne rien oublier. Le type en face de moi prenait des notes et hochait la tête.

— Vous êtes frère et soeur ?

Marina a secoué la tête.

— C'est mon petit ami.

— D'accord, qui a suivi votre mère pendant ces six ans ?

Marina s'était remise à pleurer, elle détournait la tête. Le psy la regardait d'un air compatissant. J'ai répondu.

— Je crois pas qu'elle était vraiment suivie, elle prenait des médicaments mais...

— C'était quoi le traitement ?

J'en savais rien. Marina a répondu et le type a froncé les sourcils.

— Pendant six ans ? Sans suivi. Qui vous a prescrit ça ?

Elle n'a pas répondu. Ça m'a semblé important alors j'ai insisté du regard.

— Un médecin qu'on connaissait, il est en retraite mais il continuait de me faire des ordonnances pour ma mère. Je lui ai raconté que les délais dans les cabinets médicaux étaient trop long pour juste un bout de papier...

Le psy a soupiré. Marina regardait ses pieds.

— Je voulais pas l'abandonner...

J'ai vu dans le regard du médecin qu'il avait pitié d'elle. Pitié au sens noble du terme, qu'il comprenait sa souffrance, ou du moins qu'il essayait.

— Mademoiselle Attali, en venant ici vous n'abandonnez pas votre maman, au contraire, vous lui donnez une chance de s'en sortir. Les médicaments qu'elle a pris pendant six ans ont énormément d'effets secondaires néfastes, comme des bouffées délirantes et sont soupçonnés d'entraîner des Alzheimer précoces...

— C'est ma faute si elle est dans cet état ?

Il secoué la tête.

— Vous avez fait ce qu'il vous a semblé être le meilleur, maintenant, il faut passer la main...

Elle a hoché la tête, elle pleurait toujours. Je lui ai pris la main.

— Tu veux un truc à boire ?

Elle m'a fait signe que non. Le médecin a continué.

— Vous vous êtes occupée seule de votre maman pendant six ans ?

— Oui...

— Je peux vous demander votre âge...

— 20 ans...

Le type a halluciné.

— Vous ne receviez aucune aide? De la famille, une infirmière ?

— Non...

Il a soupiré, à la fois emmerdé et impressionné.

— Vous devriez consulter un psychologue.

— Pourquoi ?

J'ai vu dans les yeux de Marina qu'elle avait peur de devenir folle aussi.

— Vous avez passé six ans à vous occuper de votre mère sans aucune aide extérieure à un âge où le plus gros problème aurait dû être votre vie de lycéene. Ça n'a pas dû être facile et il y a trop de gens ici à cause d'un traumatisme non traité.

Devant son air septique, il a ajouté.

— Vous comprenez ?

— Non...

— Si vous vous blessée au pied et que vous désinfectez tout de suite, le plus grave que vous risquez c'est une petite cicatrice. Par contre si vous vous blessée et que vous laissez la blessure s'infecter, quelques temps après on devra vous couper la jambe. La santé mentale c'est pareil. Un traumatisme avec un suivi correct se règle plutôt bien, par contre si on ne fait rien, qu'on planque les problèmes sous le tapis, il y a un risque de développer des maladies mentales.

Marina a hoché la tête.

— Si je peux me permettre un conseil, voyez un psychologue.

Elle a soupiré. Je lui ai caressé le dos. J'allais pas insisté sur ce coup là, moi aussi j'aurais sûrement eu besoin d'un psy. Non merci.

On s'est retrouvés dehors après avoir apporté les affaires de sa mère. Marina pleurait toujours un peu. Elle fixait le bâtiment de ses yeux larmoyant. Je lui ai pris la main.

— T'inquiètes pas...

On s'est installé dans la voiture et on est rentrés. Il était vingt deux heures quand on est arrivés. Elle s'est laissée tomber sur le canapé et a longuement soupiré.

— Tu veux que je commande des pizzas ?

Je voyais bien que c'était pas ce soir-là qu'elle allait nous mitonner des bons petits plats.

— J'ai pas faim...

— Sushis ?

Elle a secoué la tête. Je me suis assise à côté d'elle.

— Kebab ?

Elle m'a regardé. J'ai éclaté de rire et j'ai vu son sourire revenir.

— Un jambon beurre peut-être ?

Là, elle s'est marré et elle m'a tapé le bras.

— Arrête de dire des bêtises.

Elle s'est levée.

— Je vais prendre un bain.

Je savais même pas qu'il y avait une baignoire chez Marina. Elle est entrée dans la chambre de sa mère.

Quarante cinq minutes plus tard elle est ressorti en peignoir, les yeux rougis mais elle semblait aller un peu mieux.

— T'es fada Asher !

— J'ai faim.

Elle a rigolé et ça m'a fait du bien de la voir sourire. La soirée avait été rude.

— On a à manger pour quinze jours là.

J'avais commandé deux pizzas, des sushis, des nouilles et des falafels du resto casher préféré de Marina. Vive Deliveroo. Elle s'est assise à côté de moi.

— Je peux changer ?

Elle a montré la télé et je lui ai filé la télécommande, même en sachant pertinemment qu'elle allait mettre un truc chiant.

Machinalement, elle a pris des baguettes et à commencer à manger des makis. Au fond elle devait avoir un peu faim.

Elle a mis un documentaire Arte sur la politique immigratoire de l'Allemagne. Je me suis concentré sur ma pizza.

Si Dieu croit en toi... [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant