Chapitre 16

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J'ai garé la Porsche de Simon devant le lycée. Pour passé inaperçu c'était un peu loupé.

— Asher t'as piqué ça où ?

Ahmed fumaient avec trois autres de ses potes. Enfin deux autres fumaient avec lui et le troisième les engueulaient. Il avait le look d'un prédicateur Pakistanais.

— A la Corniche.

Ils se sont marrés. Plutôt impressionnés qu'on puisse tirer une caisse dans un quartier truffé de caméras et de policiers.

— A vendredi les gars, à la mosquée.

Le prédicateur Pakistanais m'a regardé.

— Tu peux venir aussi mon frère.

J'ai pas répondu. Il s'est éloigné. Les trois autres se sont marrés. Ils mettent jamais les pieds à la mosquée. Et ça n'a pas l'air d'être demain qu'ils vont commencer à y aller.

À midi Simon m'a appelé. Machinalement, j'ai décroché.

— Asher...

Je ne l'ai pas laissé parler.

— Le nom de mon père ?

Il a mis du temps avant de répondre.

— J'en sais rien Asher...

— Mauvaise réponse.

Je l'ai entendu soupiré dans le téléphone, c'était agaçant.

— Demande à ma mère, tu sais la femme à qui t'as juré fidélité.

Il a pas répliqué. J'ai raccroché. J'avais un message de Marina qui voulait déjeuner avec moi.

Heureusement, la Porsche était toujours sur le parking. J'ai planté là Nolan et Quentin pour prendre la route de l'IUT de Marina.

Celui qui a inventé les sushis a rien compris à la gastronomie... Forcément Marina, elle adore ça...

En la regardant manger, j'ai remarqué qu'elle s'était maquillée. Ça m'a rassuré. Si elle y avait pensé c'est qu'elle se sentait mieux que ce matin.

— Tu manges pas Asher ?

Si, si... Un sushi, deux sushis...

Mon portable a vibré.

"Asher Meschalam"

J'ai ouvert des yeux tellement grands que Marina m'a demandé.

— C'est qui ?

— Simon...

Elle a hoché la tête. Elle m'a regardé avec son air de madame pas trop contente de mes conneries.

— Faudrait que tu lui rendes sa voiture un jour...

J'ai réalisé. Je lui ai montré le message.

— Je vais appeler mon oncle.

Puis elle a ajouté.

— Il va sûrement falloir que tu ailles là bas...

J'ai hoché la tête. Simon allait raquer.

— On ira.

Marina a laissé son maki saumon avocat en suspend dans l'air.

— On?

J'ai souris.

— Tu parle hébreu, pas moi...

Le seul truc que j'ai retenu en hébreu est assez ridicule. Shalom eifo shiroutim ? Comprendra qui pourra...

Marina a baissé les yeux vers ses baguettes...

— Je peux pas partir Asher...

Forcément... Elle a ajouté sans me laisser le temps de répliquer.

— Vas-y avec Dylan...

Là, je me suis marré. Nolan qui n'aligne pas deux mots d'anglais, qui n'a sûrement jamais quitté Marseille, essayant de se faire comprendre par un chauffeur de taxi israélien... On va éviter.

— Nolan, et lui tu l'emmène en Israël il reste à l'aéroport, en France, avec les douaniers...

Elle a pouffé. J'ai insisté

— J'ai besoin de toi sur ce coup là...

Elle m'a fixé, je savais très bien pourquoi elle voulait pas. Elle ne pouvait pas laisser sa mère. Qu'est-ce que je pouvais dire à ça ?

— C'est pas possible Asher...

— Ta mère...

Elle a hoché tristement la tête. J'ai avalé ma salive.

— Je peux te dire un truc ?

Elle m'a fait signe que oui. J'avais pas vraiment envie de lui dire ça mais...

— Tu crois que ça va pouvoir continuer combien de temps comme ça ?

Elle m'a regardé. J'ai vu dans ses yeux que je venais de passer du statut d'allier à celui d'ennemi.

— J'abandonnerais pas ma mère Asher...

J'étais sûr qu'elle répondrait ça.

— Je te dis pas de l'abandonner mais il en dit quoi son médecin qu'elle prenne un fauteuil du salon pour ton père ?

Elle a regardé son assiette de sushis, puis moi, puis à nouveau les sushis et elle est partie.

Je me suis levé aussi.

— Marina.

Elle ne s'est pas retourné. Je suis resté là, comme un con. Jamais j'avais fait le moindre commentaire sur l'état de sa mère. Je savais pas quoi dire, il y avait rien à dire et elle était assez malheureuse comme ça. Mais voir sa mère parler toute seule en étant persuadée que son mari était encore là. La voir parler à Marina comme si c'était elle qui était folle... C'était trop pour moi. Je venais de réaliser que cette situation ne pouvait pas durer. Ça faisait déjà six ans.

Marina en avait déjà fait tout ce qu'elle pouvait.

J'ai laissé en plan les sushis et je me suis barré aussi. J'avais presque pas mangé, mais curieusement j'avais pas faim.

J'étais triste, frustré alors j'ai fait ce que je sais faire de mieux dans ces cas-là. Faire le mariole. Rien de plus facile avec une Porsche V8 dans les mains.

Il était 15 heures quand je suis entré sur l'autoroute. J'ai accéléré, slalomé entre les voitures, oublié tout le code de la route que je m'étais fait chier à apprendre.

Me faire arrêter, mourir, je m'en foutais. Il n'y avait plus rien qui comptait.

Soudain, j'ai entendu une voix féminine annoncer

— Je suis désolée d'être partie, on se voit ce soir, je t'aime.

J'ai freiné. En prenant le risque de me faire emboutir par la Nissan qui était derrière moi.

— Reçu de Marina, à l'instant.

J'ai pris la première sortie et je me suis garé. Je savais même pas que le système embarqué de la caisse de Simon était capable de lire les SMS.

J'ai du relire douze fois le texto, comme pour être sûr que c'était bien elle qui avait écrit ça. J'ai essayé de l'appeler, elle n'a pas répondu.

"Désolée Asher je suis en cours, je t'appelle dès que je sors."

Quelques secondes après.

"Rends la voiture à Simon !"

Je me suis marré, tout seul. Je devais avoir l'air con mais ça m'a fait un bien fou. Je me suis rendu compte que je crevait de faim.

— Ok Google, trouve moi un kebab.

De toute façon il était trop tard pour que je retourne au lycée, à l'autre bout de Marseille.

Si Dieu croit en toi... [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant