Chapitre 42

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Mon père a parlé, longtemps. Marina avait tiré son carnet à spirale de son sac à main et prenait des notes pour être sûre de ne rien oublié. Quand mon père a eut finit de parler, elle s'est tournée vers moi. 

— C'est une longue histoire Asher, une histoire d'amour. La première fois qu'il a vu ta mère, c'était dans la rue où il habitait avec ses parents. Il y avait un Oulpan pour les nouveaux immigrants. Ils habitaient et étudiaient là le temps de savoir parler hébreu et de pouvoir trouver du travail. Valérie, ta mère, était là bas. C'était la plus belle fille qu'il n'ait jamais vu. Il a finit par trouver une occassion de lui adresser la parole, elle était contente d'avoir quelqu'un avec qui parler en hébreu, c'était une élève assidue. Ils se sont revus, mais en cachette parce que les parents de ton père n'auraient pas aimé qu'il fréquente une fille sortie de nul part comme ça, qui ne faisait pas partie de leur communauté. Depuis des années, ses parents voulaient le marier avec la fille d'un ami de la famille, des gens qu'ils estimaient. Tes parents n'ont pas mis longtemps pour se rendre compte qu'ils étaient fous amoureux l'un de lautre. Sauf que les parents de ton père lui mettaient la pression pour qu'il épouse Malka, et il n'a pas osé s'opposer à leur volonté.

J'ai froncé les sourcils. Mon père l'a remarqué. Il a dit quelque chose et Marina a traduit.

— Il dit que c'était pas comme aujourd'hui, quand tes parents disaient quelque chose tu écoutais et tu faisais ce qu'il te disais de faire, parfois c'était bien, ça évitait aux enfants de faire des erreurs dont ils se mordraient les doigts, mais pas toujours.

Je suis mordu l'intérieur de la bouche. Comment tu peux délaisser la femme t'aime parce que tes parents veulent que t'en épouse une autre ?

Mon père a parlé. Marina a traduit.

— Il dit qu'il n'y a pas un jour où il n'a pas regretté, où il n'a pas pensé à ta mère. Il était jeune, il n'a pas su s'opposé à son père.

J'ai hoché la tête.

— Il savait que ma mère était enceinte ?

Dès que Marina lui pose la question en Hébreu, il secoue vivement la tête.

— Il savait pas, et il pense qu'elle savait pas non plus avant de rentrer en France. Ils se sont séparé le lendemain des fiançailles de ton père avec Malka.

Mon père ajoute un truc.

— Il dit que c'est surêment ce jour là que t'as été conçu.

Putain. 

— Il dit qu'il regrette, de ne pas avoir pu faire partie de ta vie...

J'ai les larmes aux yeux et beaucoup trop de choses qui se bousculent dans ma tête. Ma mère, son sourire qui me fait peur depuis des années. Je fixe mon père, comme pour essayer de deviner s'il est sincère.

Il l'est, j'en suis sûr. Ça se voit dans ses yeux.

Il me regarde, l'air inquiet. Le regard de Marina fait des allés retours entre lui et moi.

— Dis-lui quelque chose Asher.

Je sais pas quoi lui dire, d'ailleurs j'arrive pas à parler. Les mots restent bloqués dans ma gorge. 

— Tu lui en veux ?

Je secoue la tête, non je lui en veux pas, j'étais pas là, je connaissais pas son père ni la situation dans laquelle il était.

Il devait avoir ses raisons.

Mon père m'a sourit. Marina a traduit.

— Il dit qu'il va falloir rattraper le temps perdu.

Je souris à mon tour. Il demande si ma mère va bien. Je lui raconte qu'elle est mariée depuis quatorze ans avec un Ashkénaze et qu'ils ont deux filles. Il a pas l'air à l'aise de parler d'elle. On est deux.

La première chose qu'a fait mon père, après notre conversation, a été de réunir ses six enfants pour leur raconter qui j'étais. Rivkah, l'ainée, l'a pas bien pris. Elle disait rie, elle avait pas besoin, ça se voyait dans son regard. Mais ses deux derniers fils, Avram et Aviv étaient content d'avoir un nouveau frère. Ils avaient 9 et 11 ans. Les autres se sont montrés polis, sans plus. Au fond, je les comprends, ça doit pas être facile à assimiler comme nouvelle.

Toute la journée j'avais l'impression d'être dans un autre monde. Il nous a proposé de les accompagner à la synagogue. J'ai dit oui, sans hésiter. J'étais comme hypnothisé. J'était bien, au fond je crois que je m'étais jamais senti aussi bien.

Finalement on n'est parti qu'après le dîner de Shabbat, il était près de 23h. Mon père nous a même proposé de dormir chez lui, mais j'ai décliné. Notre hôtel était à 20 minutes à pied. 

A ce moment là, pour la première fois, il m'a serré dans ses bras et j'ai pas eut envie de le boxer. C'est assez rare pour le souligner. On a promis de revenir le lendemain pour le déjeuner.

On marchait dans la rue ave Marina. Main dans la main. La nuit était douce.

— Asher ?

Je l'ai regardée.

— J'aime beaucoup ton père.

J'ai hoché la tête.

— Moi aussi.

On a passé le samedi après-midi avec mon père, puis on s'est vus tous les jours jusqu'à ce qu'on reparte à Marseille. On a parler autant qu'on pouvait, Marina traduisait. Il m'a montré son travail. Il est joalier, comme tous les hommes de sa famille depuis des générations. Il perpétue un savoir faire milénaires, que ses parents ont apporté avec eu du Yemen.

J'étais fasciné par la façon dont il crée ou répart des bijoux, tout à la main, il utilise très peu de machines. Les vieilles dames Yéménites lui apporte leurs bracelets et leurs colliers en or quand ils sont cassés. Ils transforment aussi des bijoux de famille.

Marina a finit par lui dire que son père était bijoutier.

C'est dingue, quand on y pense.

Au bout d'une semaine, il a été temps de repartir pour Marseille. J'avais plus envie. Je voulais rester dans ce pays où on mange des tomates au petit déjeuner et où je comprends rien, ni à l'écriture, ni quand les gens parlent.

Quand on est montés dans l'avion, Marina et moi, j'avais pris une décision.

Si Dieu croit en toi... [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant