Chapitre 7

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Il était ving deux heures vingt trois quand j'ai passé la porte d'entrée de la majesteuse maison (ayant coûté une blinde) de Simon. Il était assis dans le salon avec ma mère.

- Tout va bien Asher ? m'a demandé ma mère.

J'ai pas répondu. En fait, il y a tellement de choses qui ne vont pas dans ma vie que si un jour l'envie me prenait de répondre à cette question, ça prendrait sûrement la journée. Faut mieux pas me demander.

- T'étais où ? T'es allé au lycée ?

J'ai lancé à Simon ce regard que mes profs à Yavné qualifiait d'insolence notoire. Mais je ne suis pas insolent, pour que je sois insolent il faudrait que quelqu'un ait une autorité légitime sur moi, or c'est pas le cas.

Je suis monté me coucher. Je me brossais les dents quand Yaëlle est entrée dans la salle de bains. Elle m'a lancé son regard de petite fille modèle devant un truc qui la dégoute. Jusque là, rien d'anormal. Yaëlle me déteste et me méprise, comme si être sortie des couilles de Simon était le plus grand des privilèges.

- Pourquoi t'es revenu ? C'est tellement mieux quand t'es pas là !

Putain, j'ai mis plusieurs secondes à réaliser que c'était à moi qu'elle parlait. Yaëlle ne m'a plus adressé la parole depuis que j'ai frappé Simon, la première fois, elle était là.

- Tu peux pas juste partir et nous laisser être heureux ?

J'ai pas répondu, en même temps j'avais la bouche pleine de mousse de dentifrice Colgate ultra bright. Alors, Yaelle a continué.

- Asher, je te parles, t'as entendu ? Casse-toi, de toute facon, on t'aime pas !

J'ai souris malgré moi. Ca m'a rappelé le jour où Johanna m'avait dit qu'on m'avait trouvé dans une poubelle et que c'est pour ça que j'étais aussi méchant. J'avais seize ans, elle en avait cinq et je lui ai répondu que si sa mère n'avait pas écarté les cuisses avec le premier venu, je ne serais pas là. Bon, Simon avait entendu et il m'a hurlé dessus. Moi, je me marrais bien à voir Johanna essayer de comprendre le lien entre les cuisses de sa mère et ma venue au monde.

- Moi je t'aime pas, Johanna elle t'aime pas, et même Maman elle t'aime pas.

Yaëlle avait parlé beaucoup trop fort. Simon est arrivé derrière elle et nous a offert un monologue larmoyant, dégoulinant de sentiments, qui aurait pu lui valoir l'Oscar du meilleur espoir féminin s'il y avait eu des caméras.

- T'as pas honte de dire ça à ton frère ? Vas te coucher !

Là, Yaëlle a essayé de protester, mais Simon, usant de sa grande autorité ne fonctionnant que sur les chats et les gamines de treize ans, l'a envoyée dans sa chambre avant de se tourner vers moi.

- L'écoute pas, on t'aime, ta mère, tes soeurs, tout le monde t'aime ici.

Il a fait trois pas et s'est retrouvé juste devant moi.

- Personne ne veux que tu partes Asher.

Il a planté ses yeux bleus dans les miens. Je déteste ses yeux, ils me donnent envie de le boxer.

- Tu sais bien qu'on a jamais fait de difference...

Il a avancé sa main vers moi. J'ai senti mes muscles se contracter et j'ai lutté pour me contrôler. L'éclat de ses pupilles bleuâtres a changé. Je crois qu'il a flippé et sa main est retombée le long de sa jambe. Il a bafouillé bonne nuit et il est parti rejoindre ma mère dans leur chambre. Enfin, ma mère, sa femme maintenant.

Et là, en allant me coucher, je me suis rappelé que Simon est aussi un bâtard, enfin, un decendant de bâtard. J'ai découvert ça grâce à Marina et a un de ses bouquins de huit cents pages qu'elle lit pendant Shabbat. D'après un Juif Américain dont j'ai oublié le nom, les Ashkénazes ayant les yeux bleus seraient les descendants des enfants nés des viols des Juives par les Vikings lors de leurs raids de l'autre côté de la Baltique. Donc, un ancêtre de Simon, au Moyen-Âge, était le bon gros Mamzer du village.

***

Plus tôt, ce jour-là

La respiration de Simon reprenait peu à peu son rythme normal. Christina lui souriait. Il était près de ving heures, il l'avait suivit chez elle après leur journée de travail.

- Simon, minauda-t-elle en dessinant d'invisibles arabesques sur son torse nu.

Il tourna la tête vers la belle jeune femme étendue à ses côtés.

- J'ai faim, dit-elle.

Simon consulta sa montre et grimaca.

- Faut que j'y aille...

- Tu ne reste pas ? demanda-t-elle alors qu'une moue boudeuse se dessinait sur son visage.

Il avala sa salive. Christina, allongée nue sur le ventre remuait négligemment ses longues jambes fuselées et bronzées.

- Tu sais bien que Valérie m'attend...

Les lèvres charnues de Christina se pincèrent.

- Ah oui, ta Valérie...

Simon hocha la tete, Christina continua.

- Il serait peut être temps que tu la quittes, non, ta Valérie ?

Il soupira, se rhabillant sans entrain.

- C'est pas le moment, répondit-il, tu sais bien, mes filles...

- Mais elles sont grandes tes filles, répliqua Christina.

Simon secoua la tete, Christina s'énerva.

- Ça fais six ans que tu dois la quitter, ta Valerie !

Il soupira à nouveau en reboutonnant sa chemise. Christina continua.

- Au fait, je devais avoir mes règles la semaine dernière...

La veste de Simon se figea dans les airs au bout de son bras.

- Tu prends la pilule, lança-t-il.

Christina sourit.

- J'ai vingt sept ans, Simon, et j'en ai marre de t'attendre !

Si Dieu croit en toi... [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant