ՙqυαтʀε-ⱱɪɴɢт-δɪχ՚

266 23 8
                                    

→ lundi 22 mars

Taehyung sortit de l'université joyeusement, une fois n'était pas coutume. Pourtant, le voir aussi épanoui à la fin des cours, ces lundi où il terminait sa journée à 19h, c'était rare, pour ne pas dire que ce n'était jamais arrivé. Mais aujourd'hui était spécial puisqu'il avait convenu avec Yoongi qu'ils passeraient la soirée ensemble et il s'en réjouissait énormément, peut-être plus que de raison. Il regarda autour de lui mais, ne voyant pas le mentholé, se posa non loin de l'entrée pour attendre que l'autre arrive. Cela ne l'alarmait pas vraiment qu'il ne soit pas encore sorti puisque, même si le plus vieux détestait les cours, il restait fidèle à lui-même à la fin de la journée et prenait son temps pour s'échapper de l'établissement, ne se pressant aucunement. Le jour où il courrait pour se rendre quelque part, il faudrait songer à s'inquiéter, effectivement.

Seulement, au bout de cinq minutes d'attente, Taehyung eut quelques petits doutes. C'était étrange que le plus petit ne soit pas encore arrivé. Quand bien même il prendrait son temps, à présent, il aurait dû être sorti, même en finissant les cours dans un amphithéâtre à l'autre bout du campus. Cependant, il décida d'attendre encore un peu. Il avait très bien pu être retenu par un quelconque empêchement, comme une discussion avec une connaissance ou bien des choses à régler à l'administration. C'était très probable.

Au bout de dix minutes, cela commençait tout de même à devenir long. Malgré son esprit qui tournait à plein régime pour trouver des excuses toutes plus perchées les unes que les autres pour le quatrième année, il n'arrivait plus à s'en persuader lui-même et était étrangement déchiré entre l'inquiétude et la colère, ne sachant quoi ressentir en priorité. Peut-être avait-il eu un problème qui justifierait ce retard, mais il s'empêchait de creuser cette piste trop longuement car il ne voulait pas commencer à élaborer des théories inquiétantes sous la pression de son esprit inquiet. Ne restait alors plus que la colère, nourrie par à la fois l'absence de Yoongi, mais aussi celle d'explications.

Un simple message suffirait, quelques mots pour expliquer la situation et il comprendrait sans problème. Mais là, rien, le plus âgé n'avait pas pris la peine de le prévenir et malgré toute la lucidité dont il essayait de faire preuve, cela le mettait dans une douloureuse colère. Le mentholé savait pour sa peur de l'abandon, son besoin constant d'être rassuré, et pourtant il le laissait sans aucune nouvelle. Taehyung avait l'impression que son cœur était lourd, il pesait bien trop au creux de sa poitrine, alourdi par le poids de son incompréhension et de sa douleur.

Il décida donc d'aller voir le mentholé chez lui. Pas forcément pour passer cette soirée avec lui comme il en était décidé au départ, si le plus vieux ne voulait pas le voir, mais simplement pour s'assurer qu'il allait bien et qu'il ne lui était rien arrivé. Il fit donc tout le trajet jusqu'au quartier pauvre pour s'engouffrer dans l'immeuble de Yoongi et aller frapper à sa porte.

D'abord, il n'y eut aucune réponse. Rien que cette porte désespérément close face à lui, et seulement l'écho de son cœur battant trop rapidement pour combler le silence environnant. Jusqu'à ce qu'il entende des pas indécis tituber en direction de cette fameuse porte, visiblement, puisque le bruit devenait plus fort au fil des secondes. Finalement retentit un bruit étouffé ressemblant à celui d'un poids s'affalant sur le panneau de bois, avant que celui-ci ne s'ouvre, dévoilant une scène difficile à soutenir du regard.

Face à Taehyung se tenait Yoongi, les cheveux totalement décoiffés. Ses habits étaient débraillés et son corps vacillait, son oreille interne peinant à définir un équilibre. Une odeur nauséabonde que le châtain ne connaissait que trop bien, et qui lui rappelait de sombres souvenirs, s'échappa par bouffées de l'appartement pour venir chatouiller doucereusement ses narines sensibles. Il fronça le nez et plissa les yeux, dégoûté et également, si l'on y prêtait attention, effrayé.

Le pire dans ce tableau était sûrement les yeux du mentholé. Ils étaient non seulement cerclés de rouge, mais aussi effroyablement vides. C'était quelque chose d'horrifiant que de voir des yeux vides comme ceux-ci, dépourvus d'émotions. Ils donnaient l'impression qu'on leur avait arraché leur âme en ne leur laissant plus que la vie, dans un sadisme sans limite. Parce que laisser quelqu'un se débattre avec la vie en l'ayant privé d'âme était sûrement une des tortures les plus douloureuses.

Devoir vivre, continuer cette tâche harassante sans avoir de but, sans connaître la raison de cet acharnement. Se lever chaque matin et pousser sur ses jambes pour avancer, donner toute son énergie pour réussir à faire ne serait-ce que suivre la foule, à la traîne derrière la vie qui n'attend personne. Se battre, se débattre, implorer des dieux inexistants pour qu'un peu de force nous soit accordé afin de difficilement s'en sortir, jusqu'à la prochaine impasse. Être toujours plus fatigué de pousser sur ses jambes pour se relever, et avancer encore, avancer toujours, titubant, alors que le chemin bancal du destin ne fait que se déliter sous nos pieds. Encore et encore, se retrouver devant des épreuves de plus en plus destructrices à mesure que notre force s'amenuise, et tomber genoux contre terre. Se faire frapper par la vie sans pitié, sans même esquisser un geste de résistance et simplement attendre la fin en priant pour qu'il n'y ait rien après, suppliant n'importe qui pour ne plus exister une fois achevé. Et finalement abandonner, une fois toute dignité retirée, tout espoir anéanti, après avoir été tant battu que la seule chose attendue était la fin sous sa forme la plus radicale, la fin de tout et la simple délivrance de ne plus être. Le sang des blessures psychologiques inondant l'intérieur de son crâne, des larmes désagréablement salées dévalant tout son corps, toutefois sans être suffisantes pour nettoyer la saleté incrustée en soi par la société. Sans pouvoir non plus effacer les traces invisibles laissées par les mauvais choix, les sales rencontres, les vices répugnants. Paraître là, sur ce sol crasseux, mais pour ne plus jamais être à présent. Là au milieu d'un désert d'autres corps, également dépossédés d'âme, jetés sur un ring face à la vie, la cruelle vie tellement plus puissante et qui avait pris du plaisir à nous rabaisser plus bas que terre. D'autres corps qu'on n'avait jamais remarqués, ainsi coincés dans notre nombrilisme étriqués, et qu'on ne remarquerait plus jamais. Et seule la bise macabre du vent soufflait sur cette étendue où régnait l'écho lointain de la mort.

bon je me suis peut-être un peu perdue dans les méandres du monde métaphorique
peut-être que c'est incompréhensible, je sais pas, mais quand je sors les mots comme ça vient comme ça, le rendu est étrange

、20190529
-ταεsτнʏκⴰ

𝕷e garçon tombé du ciel ✧ 𝐭𝐚𝐞𝐠𝐢Où les histoires vivent. Découvrez maintenant