Les Pétales d'une Vie Tome 1

Chapitre 3

Blanchefleur était dans son lit. Voilà maintenant une heure qu'Erec était parti se coucher, et c'était maintenant à son tour, sous les couvertures bien chaudes, d'écouter Charis lui raconter une histoire afin de l'endormir. La blonde s'assit sur le rebord du lit, caressant la chevelure de l'enfant avec délicatesse, commençant ainsi à la préparer au sommeil. La fillette posa ses grands yeux bleus sur sa nourrice, qui semblait réfléchir à une histoire à la raconter.

« - Vous ai-je déjà raconté la légende du château du Bouchet ? » finit-elle par demander avec un doux sourire.

« - Des dizaines de fois, mais je ne m'en lasse jamais. Racontez la moi, Charis, s'il vous plaît ! »

La jeune femme s'installa confortablement sur le lit, observant la petite fille qui trépignait d'impatience. Elle sourit devant cette agitation, nouant ses mains sur ses genoux en relevant la tête vers le plafond.

« - Il y a des années de cela, un jeune homme est arrivé dans la région. Il était jeune, beau, mais sans un sou et très arrogant. » Blanchefleur gloussa quand Charis caressa son nez. « Tout le contraire de votre père dont il était l'ancêtre. »

La rouquine enfonça davantage la tête dans les oreillers, ses lèvres frémissantes alors que la blonde reprenait son récit.

« - Il est arrivé en ces lieux, et s'est entiché du plus haut button de la Brenne, où nous nous situons actuellement. C'était quelqu'un de très charmeur, et qui maniait les mots aussi bien que l'épée. Alors, quand de jolies fées se sont approchées de lui, curieuses de ce nouvel arrivant au sourire séducteur, il s'est empressé d'aller à leur rencontre. Il a commencé à charmer ces adorables petites créatures, et celles-ci, naïves, sentirent très rapidement leurs coeurs chavirer pour le bel homme qui leur faisait face. »

« Cela prit du temps, mais après de longues heures, le jeune homme fit part de son chagrin de n'avoir aucune demeure en ces lieux, affirmant qu'il devrait alors quitter la région. Ivres de chagrin à l'idée que celui dont elles s'étaient entichées ne les quitte, les Demoiselles lui firent la promesse de lui construire le plus somptueux des châteaux-forts. Le jeune homme accepta, mais à l'unique condition qu'elles ne lui construisent en une nuit, avant le lever du soleil, et uniquement avec des matériaux venus de la région. Elles hésitèrent, mais les fées sont facétieuses et ne reculent jamais devant un défi. Elles acceptèrent. »

Les yeux de l'enfant brillèrent davantage alors que Charis cherchait ses mots avec soin, observant du coin de l'oeil les paupières lourdes de l'enfant qui commençaient à se refermer.

« - Alors, quand le soleil se glissa derrière l'horizon, les petites fées commencèrent leur travail d'orfèvres. Elles transportaient les pierres depuis l'étang de la Mer Rouge, cherchaient leurs matériaux à travers les bois du Bouchet, toutes brillantes dans la nuit, car les fées ont cette faculté quand le ciel devient noir. Les travaux avançaient vite, sous le regard attentif du jeune homme. En effet, celui-ci avait promis de regarder les travaux, et si le pari était tenu, il se devait de les accueillir en sa demeure, sinon quoi, les fées retourneraient dans les bois et ne reviendraient plus sur ce button. »

« Et alors que le soleil s'apprêtait à apparaître au loin, une petite fée serrait la dernière pierre dans son tablier, s'empressant de se diriger vers le château presque construit dans son entièreté. Mais alors qu'elle voletait au-dessus de l'étang de la Mer Rouge, le plus grand de notre région, son tablier se déchira, las des allers-retours de pierres durant toute la durée de la nuit. La pierre chuta dans l'étang, mais il était déjà trop tard quand la Demoiselle voulut récupérer une autre pierre. Le soleil se levait et se reflétait sur l'étang de la Mer Rouge, narguant les fées en faisant chatoyer l'endroit de la pierre manquante. »