Chapitre 7

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Erec était recroquevillé sur le bord de la fenêtre. Il avait repris un peu de poids depuis qu'on l'avait mené face à Lancelot. Il avait été nourri, soigné, lavé. C'était une jeune femme qui s'occupait de lui depuis qu'il était dans cette jolie chambre. Elle était belle, avec ses boucles blondes et ses yeux bleus. Mais Erec n'avait pas la tête à la trouver belle. Il avait entendu les rumeurs. On avait tué ses parents, il en était maintenant certain. Il pleurait chaque soir dans son oreiller, pour que personne ne voit ou n'entende. Il devait garder courage pour rendre honneur à sa famille, pour les rendre fiers. Il appuya sa joue contre son genou, observant la vie des chevaliers blancs, en contre-bas. La porte s'ouvrit et il releva mécaniquement la tête, ses yeux ternes à cause du chagrin.

Elle le salua poliment, déposant sur la table un plateau. Erec tourna la tête, son estomac noué par la tristesse refusant quelque nourriture que ce soit. La jolie blonde soupira discrètement et s'approcha de lui avec un maigre sourire.

« - Seigneur Erec, il faut manger. »

« - Je n'ai pas faim. Laissez moi. » souffla le jeune homme sans la regarder.

Il triturait la chevalière qu'il portait autour de son index, tentant de dégager la boule qui avait pris place dans sa gorge. La servante repoussa ses boucles blondes pour aller s'accroupir vers le seigneur dont elle avait la charge. Ses lèvres rosées s'étirèrent en un maigre sourire et Erec se renfrogna davantage, lui tournant à présent complètement le dos. Elle se releva, ses sourcils redressés d'un air attristé.

« - Le seigneur Lancelot m'a donné l'ordre de m'occuper de vous, seigneur Erec. Pour cela, vous devez me laisser vous soigner. »

« - Je ne veux pas être soigné. »

« - Et moi », rétorqua la jeune femme, « je ne veux pas avoir de problèmes. Je vous en prie, mangez. Rien qu'un peu. »

« - Vous êtes très agaçante. »

« - C'est hélas un de mes défauts. »

Un très maigre sourire étira les lèvres d'Erec qui fit finalement face à la jeune femme, se redressant légèrement. Elle lui fit un sourire encourageant en se relevant pour aller relever la cloche qui protégeait son repas. Le jeune homme de Berry alla s'installer à table. L'odeur le faisait saliver, il fallait l'admettre. Ça sent divinement bon. Il s'assit à table alors que la servante refaisait le lit derrière lui. Il échappa un petit bruit de bouche appréciateur. C'était si bon ! Depuis quand n'avait-il pas mangé ainsi ? Depuis la maison. Son coeur se serra aussitôt, et une larme roula discrètement sur sa joue alors qu'il mordait à pleine dents dans la tourte qui semblait à présent avoir un goût amer. Il mangea en silence alors que la blonde s'affairait dans la chambre, et quand il eut fini, elle s'arrêta face à la table pour la débarrasser. Il releva la tête vers elle.

« - Je ne vous ai même pas demandé votre nom. » regretta-t-il avec embarras.

« - Ça n'a que peu d'importance, seigneur Erec. »

« - Je veux vous remercier comme il se doit. Je... J'appelais chacun de nos serviteurs par son prénom, chez moi. »

La blonde releva la tête vers lui en entendant toute cette nostalgie, mais Erec semblait déjà parti bien loin dans ses pensées, loin, dans le Berry, peut-être. Alors elle sourit, touchée par cette attention et ce jeune homme au coeur bien trop meurtri pour son âge.

« - Je m'appelle Enide. » dit-elle, et il se retourna face à elle en entendant sa voix.

« - C'est joli. » Il lui sourit doucement. « Merci, Enide. »

***

Blanchefleur attendait aux côtés de Yvain et Gauvain. Les deux jeunes hommes chuchotaient entre eux, et la rouquine ne put que noter qu'en vérité, la crainte leur nouait à eux aussi l'estomac. En toute logique, ils avaient l'avantage. La posture, la position, la surprise... Mais les pertes sont toujours au rendez-vous, lors des combats. Et cela, tous ne le savaient que trop bien. Peut-être était-ce pour cette raison que la jeune fille serrait si fort son épée entre ses doigts. Elle chercha Venec du regard. C'était lui qui donnerait l'assaut, alors il était avec sa dague, perché dans un arbre afin de les prévenir de leur arrivée. Blanche souffla sur une mèche qui retombait devant ses yeux, rabattant son casque bien sur elle afin de protéger son visage. Elle vit que Gauvain tremblait, et vit aussi la main d'Yvain se poser familièrement sur son épaule. Un maigre sourire étira tendrement ses lèvres, et elle se sentit légèrement mieux.

Les Pétales d'une Vie Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant