Chapitre 9

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Il avait la langue pâteuse. Il grogna, ses paupières lourdes de sommeil, et fronça les sourcils en s'enfonçant davantage dans les oreillers. Et la douleur revint, sourde d'abord, puis de plus en plus forte. Il geignit de détresse, quand on déposa un linge frais sur son front. Il souleva péniblement ses paupières, battant un instant des cils pour s'habituer à la lumière. Une ombre se dessinait devant lui, soufflant des mots qu'il ne comprenait pas. Il tenta de parler, mais sa gorge était trop sèche, et seul un râle rauque lui échappa. Il toussa, et l'ombre qui commençait à prendre forme se pencha vers lui pour l'aider à boire, le faisant doucement se redresser.

Erec posa ses yeux sur Enide, et cette dernière caressa sa joue avec délicatesse, continuant à éponger son front. Il ouvrit la bouche pour parler, mais elle secoua négativement la tête, et il posa son regard vers sa main blessée et pâlit drastiquement en contemplant le trou béant au niveau de son index ; il en geignit de douleur, une douleur fantomatique prenant le dessus sur sa raison, et il échappa un gémissement désespéré. Aussitôt, Enide se leva, se précipitant pour prendre un miroir qu'elle posa devant la main abîmée, forçant le jeune seigneur à regarder le reflet de son autre main. Peu à peu, la respiration saccadée, les larmes naissantes, tout se tarit, et il respira à nouveau tandis que la servante souriait avec douceur pour le rassurer. Le reflet de sa main avait apaisé sa douleur, mais son coeur était en miettes.

« - C'est... C'était ma main droite. Je... Je pourrai plus jamais me battre. Plus jamais je ne pourrai tirer à l'arc. » Une larme glissa sur sa joue. « C'est trop injuste. Je n'ai pas demandé ça. Je n'aurais jamais cru que Mère... que Mère était une... »

Enide s'assit près de lui, prenant sa main gauche dans la sienne, relevant ses yeux bleus emplis de tristesse. Erec baissa misérablement la tête, et la servante mise à son service s'empressa de tenter de repousser ses noires pensées pour plutôt lui rappeler de doux souvenirs.

« - C'était un cadeau de votre mère ? » interrogea-t-elle d'une voix timide.

« - ... Oui. Oui, elle me l'a offerte juste avant le mariage de ma soeur, Rosalie. » Sa voix se brisa en prononçant le nom de sa grande soeur, et il ferma les yeux. « Pardonnez-moi, je... Je me sens faible. »

« - Je comprends. Reposez-vous, je reste à vos côtés, seigneur Erec. »

« - Erec, s'il vous plaît. Juste Erec... » souffla-t-il en retombant dans un lourd sommeil.

***

Blanchefleur avait confié la direction du château à son cher Brenn, et elle avait commencé son voyage depuis quelques jours. La colère et le chagrin nourrissaient sa route, cela la rendait folle de savoir son jeune frère entre les mains de tels sadiques ; loin d'elle ; en danger. Sa mâchoire se serra de rage, et elle s'empressa de continuer sa route vers le nord-ouest, en direction des terres et des plages résistant encore et toujours à la dictature imposée par le renégat. Elle éprouvait à l'égard de ce dernier une haine sans nom, et elle rêvait d'être celle qui lui tordrait le cou et lui ôterait la vie de ses mains. Au moins cette fois aurais-je une bonne raison d'apprécier ce moment. Elle grogna alors que sa jument se frayait un chemin sur les galets menant à la plage.

La mer. À nouveau, cette sublime étendue d'eau apparut devant ses yeux, et à nouveau, elle se retrouva submergée par l'émotion. C'était si beau. Ça n'avait rien à voir avec l'étang de la Mer Rouge, qui avait hérité son nom d'une mer semblable à celle-ci. Elle glissa le long de Lady et la tira doucement par la bride. La jument piaffa et tapa du sabot, secouant la tête et hennissant de crainte en observant les vagues qui s'écrasaient sur la plage. La rouquine sourit avec douceur et caressa l'entre-naseaux de sa monture.

Les Pétales d'une Vie Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant