Chapitre 6

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Blanchefleur se retrouvait maintenant tirée par le poignet, le seigneur Yvain insistant très fortement pour qu'elle visite tout le campement à ses côtés et à ceux de son ami. L'ami dont il était question marchait légèrement en retrait, ses mains se balançant de chaque côté de son corps d'un air peu intéressé par la situation. Yvain blablatait à tout va, et la jeune femme peinait à croire qu'il s'agissait là du chevalier au lion. Un chevalier de la table ronde lui faisait visiter le campement ! J'aurais tant aimé qu'Erec soit avec moi. Sa moue se fit plus attristée une fraction de secondes, mais l'enthousiasme du jeune chevalier faisait vite oublier son chagrin.

Il l'entraînait partout, lui expliquant qui était où, et même si parfois ses explications étaient floues, il semblait tellement fier de pouvoir montrer tout ça à la jeune femme qu'elle se passa de commentaires.

« - Là, vous voyez, c'est la tente que j'partage avec le seigneur Gauvain ! Comme ça, on peut préparer de superbes stratégies jusque super tard dans la nuit ! »

« - Je croyais que c'était le père Blaise et le seigneur Bohort qui s'occupaient de la stratégie ? » interrogea doucement la rouquine.

« - Ouais, en général, mais nous on fait aussi pour notre groupe ! »

Elle sourit en continuant à l'écouter alors que, silencieux comme une ombre, Gauvain les suivait à la trace, semblant profondément perdu dans ses pensées. Les deux chevaliers n'étaient pas de ceux dont elle avait entendu le plus parler : ils étaient encore enfants quand son père avait rencontré le roi Arthur. Comme elle, en fait. Une bande de gosses à qui on demandait de grandir trop vite. Elle expira doucement par le nez, se pinçant les lèvres pour étrangler un bâillement, et c'est à cet instant que Gauvain sembla enfin se réveiller. Il posa sa main sur l'épaule de la rouquine et elle lui sourit doucement.

« - Vous avez l'air épuisée, ma Dame. Puis-je vous suggérer d'aller vous reposer ? »

« - C'est fort aimable, seigneur Gauvain. » affirma la jeune femme, soulagée qu'il lui adresse enfin la parole. « Où pourrais-je me laver, d'abord ? »

« - Les femmes, c'est de l'autre côté de la rivière. » coupa brusquement Yvain avant que son ami ne parle, et à nouveau, ce dernier sembla se renfermer sur lui-même, allant jusqu'à baisser la tête pour ne plus prêter attention à l'échange. « J'vais demander à une femme de vous accompagner, si vous voulez ! »

« - Je me débrouillerai. Mais merci beaucoup pour la proposition. » Elle sourit. « J'irai retrouver seigneur Venec pour qu'il me montre ma tente. »

À ces mots, un ricanement échappa à Yvain, et Gauvain releva la tête pour rire aussitôt avec son ami. Les yeux de Blanche s'écarquillèrent légèrement, ne comprenant pas d'où venait cette hilarité.

« - C'est un chouette type, Venec, mais il n'est pas seigneur, ma Dame. » expliqua finalement Yvain. « J'sais pas trop ce qu'il est, en fait. »

Gauvain haussa les épaules, et Blanche gloussa doucement avant de finalement les quitter. Elle serrait dans ses bras la besace confiée par Mélissandre des semaines auparavant, et elle partit vers la rivière. Elle trouva un coin tranquille et elle se dévêtit, détachant ses cheveux et frissonnant quand elle glissa un orteil dans la rivière. L'hiver arrivait plus vite dans le Nord que chez elle, et elle geignit légèrement quand elle entra entièrement dans l'eau glacée à son goût. Elle finit par s'habituer, et elle barbota dans la rivière, rêvassant à tout ce qu'elle venait d'assimiler en entrant dans la Résistance. Elle pouffa en songeant que Charis aurait hurlé en la voyant nue dans une rivière aussi glaciale, et son rire se changea bientôt en sanglot.

Une première larme, puis une seconde, puis des dizaines qui commencèrent à rouler sur ses joues rougies par le froid, et elle passa ses bras autour d'elle avec désespoir, pleurant sans être capable de s'arrêter. Elle était terrifiée, en vérité. L'adrénaline avait pu estomper la peur et le chagrin, pour un temps seulement. Maintenant qu'elle était enfin réellement seule face à elle, elle réalisait qu'elle ne savait même pas ce qui était arrivé aux siens. À sa famille, et à Charis et Brenn, et tous leurs serviteurs. Seule Rosalie était en sécurité, et pour les autres, elle n'en savait rien.

Les Pétales d'une Vie Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant