Chapitre 10

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Non. Il se retourna brutalement, son visage tordu d'inquiétude et de douleur. Il sentait son dos humide, son coeur qui battait si fort qu'il menaçait déchirer sa poitrine. Il voulait hurler, ouvrir sa mâchoire jusqu'à la disloquer pour laisser s'échapper ce cri qui lui brûlait la trachée. Non. Il se tourna à nouveau, se battant entre ces draps qui le faisaient prisonnier et qui lui brûlaient la peau. Il se redressa brusquement, ses lèvres ouvertes sur un cri muet. Non. Il posa une main sur sa poitrine, cherchant à récupérer l'air qui lui manquait désespérément, manquant griffer sa peau d'horreur.

Il reprit son calme, vidant le verre d'eau posé à côté de son lit en s'asseyant au rebord. Il plongea son visage dans ses mains, un frisson traversant toute sa colonne vertébrale. C'était fini. Il avait réussi à se tirer de ce nouveau cauchemar. Ce n'était pas le premier, loin de là : et ce ne serait pas non plus le dernier. Il songea un court instant à aller la rejoindre pour réclamer une étreinte tendre, mais il ne voulait pas l'éveiller. Il jeta un coup d'oeil à la fenêtre. Le temps était encore sombre, mais le ciel ne tarderait pas à se lever. Alors, quitte à être éveillé, il se leva, enfilant une chemise propre et des chausses, puis se précipita dehors.

Il prit une goulée d'air frais, rassuré de sentir l'air glacé s'infiltrer dans ses poumons. Il attrapa un arc et un carquois de flèches, se plaçant face à la cible calée dans un coin de la cour. Il tira la corde de sa main gauche. Cette dernière trembla légèrement avant de se stabiliser, et il se plongea dans un état second, concentré, avant de lâcher la corde, laissant la flèche s'envoler, et entraînant avec elle toutes les craintes de son propriétaire. Elle s'enfonça crûment au centre de la cible. Un sourire étira ses lèvres, comme si il était soulagé. Il avait craint ne plus être aussi bon qu'avant, mais il s'était avéré qu'il s'était trompé. La flèche ne manquait jamais sa cible.

« - Vous êtes déjà levé ? »

Erec baissa doucement son arc et se tourna face à Brenn qui lui souriait tristement. Les deux hommes se faisaient face. Le maître d'armes avait une lourde cape sur ses épaules, et son seigneur l'observa un long moment avant d'aller réclamer une étreinte. Les bras chaleureux enlacèrent le jeune homme qui soupira de bien être. Ce n'étaient pas les bras de sa mère, ni ceux de son père, mais il s'y sentait malgré tout à l'abri, et cela le rassura pour un court -trop court- instant.

« - Où allez-vous, de si bon matin ? » interrogea-t-il en se reculant légèrement, embarrassé.

« - Hé bien... Vous savez. »

« - Oh. »

Un sourire étira doucement ses lèvres, et il se racla la gorge en passant sa main dans ses cheveux. Il regarda la besace bien remplie de l'homme qui s'apprêtait ainsi à partir pour quelques jours.

« - N'oubliez pas de lui donner ma lettre. »

« - Je n'y manquerai pas. Seigneur Erec. » salua-t-il.

Le jeune homme lui rendit son salut avant de regarder Brenn partir vers les grandes portes. Il était monté à cheval, et le blond trottait tranquillement en direction de la mare aux diables, à une vingtaine de lieues de là. Son coeur bondissait de joie en sa poitrine à l'idée de la retrouver, et il grimaça doucement quand, son destrier allant trop vite pour sa condition physique, sa jambe blessée le rappela à l'ordre. Ralentissant le pas, il glissa sa main le long de son mollet en geignant légèrement de douleur. Il avait déjà hâte d'arriver.

Le début de journée se passa tranquillement pour lui, alors qu'il chevauchait sur les buttons de Berry, quittant la Brenne pour la Vallée de la Creuse plus au sud. Il s'arrêta enfin devant une petite chaumière, accrochant sa monture. Alors qu'il donnait à boire à son cheval, une silhouette quitta la petite cabane, s'arrêtant au seuil pour sourire doucement en reconnaissant son ami. Brenn se tourna enfin vers elle, et boitillant, il s'approcha d'elle afin de l'attraper doucement dans ses bras.

Les Pétales d'une Vie Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant