Chapitre 8

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« - Vous en êtes sûre ? »

« - Certaine. »

« - Et vous ne voulez pas que quelqu'un vous accompagne ? » insista-t-il d'une voix rauque, et elle hocha lentement la tête.

« - Vous avez confiance en moi, Venec ? »

« - Bien sûr, ma Dame. »

« - Alors je reviendrai. »

Montée sur sa jument, la jeune femme à la chevelure de feu observait son ami qui avait sa main posée sur l'encolure de l'animal. Les yeux dans les yeux, ils se regardaient intensément, et personne n'aurait songé à les séparer. Personne, si ce n'était Perceval qui se racla la gorge. Blanchefleur se retourna aussitôt vers lui avec un maigre sourire, et ce dernier lui rendit un sourire timide, déglutissant difficilement.

« - Faites attention, quand même. Vous faites pas attraper. »

« - Ne vous en faites pas. » souffla doucement la jeune femme. « Je ne les laisserai pas m'avoir. »

Elle regarda une dernière fois tous ces gens qui l'avaient accueillie si chaleureusement, et elle leur fit un signe de la main avant de tourner les talons, tirant les rennes de Lady pour la faire partir au pas. Elle remonta la capuche de sa cape sur ses cheveux, resserrant les pans autour d'elle pour se protéger du vent venu du Nord. Elle inspira profondément cet air marin qui lui piquait légèrement le nez avant de talonner sa monture pour la faire accélérer et s'éloigner au plus vite du campement avant que le regard larmoyant de Perceval ne lui fasse faire demi-tour. Une fois qu'elle fut arrivée sur un vieux chemin de terre protégé par les arbres centenaires, elle fit ralentir sa jument, expirant doucement avec dépit. De la brume sortit de sa bouche.

Elle était glacée, en vérité. Peut-être que cela apaiserait son coeur brûlant de douleur. Le choix des mots étaient mauvais, et le souvenir de ceux prononcés par Hector lui brisa un peu plus le coeur. Ils étaient morts. Ils ne reviendraient pas, jamais. Et ça faisait tellement, tellement mal. Elle aurait aimé être à leurs côtés. Pour leur dire de ne pas avoir peur, pour leur dire qu'elle les aimait plus que de raison, pour leur dire qu'elle retrouverait Erec, et Rosalie, et qu'elle prendrait soin d'eux. Elle resserra sa prise sur ses rennes, ignorant cette larme qui avait glissé sur son nez. Elle posa ses yeux sur ses mains, ses mains qui avaient fini par tuer. La rage meurtrière qui l'avait soudainement prise l'avait terrorisée, mais ce n'était pas que cela. C'était bien pire.

Elle avait aimé ça.

Elle avait aimé sentir les tissus de peau se déchirer sous sa lame, elle avait aimé l'odeur du sang qui se mêlait à celle de la terre. Alors elle avait supplié Père Blaise de la bénir, de la débarrasser des démons qui l'avaient hantée lors de cette soudaine folie. Etait-elle possédée par un de ces monstres ? À cet instant, elle n'avait pas valu le mieux que les loups-garou qu'elle craignait tant. Sa gorge se serra davantage et elle frémit, relevant la tête vers le ciel, adressant une prière aux dieux pour qu'ils la séparent du monstre qu'elle avait été. Oh, comme son père aurait eu honte d'elle en la voyant ainsi ! Il aurait été si déçu d'elle ! Cette pensée lui arracha un nouveau sanglot. Elle n'avait pas voulu aimer ça. Quand elle avait repris ses esprits, elle avait été horrifiée, et que les dieux soient loués, Venec était tout de suite venu l'aider.

Elle secoua la tête. Il ne fallait plus penser à ça. Elle devait rentrer dans le Berry, au Bouchet, retrouver ses gens et s'assurer qu'ils allaient bien. C'était son devoir. Elle était la seule fille du Duc à être libre de ses mouvements, et c'était à elle d'aller veiller sur son peuple. Et Charis ? Et Brenn ? Et toutes leurs gens ? Allaient-ils bien ? Elle priait que ce soit le cas. Le ciel commençait déjà à s'assombrir au-dehors, et elle espéra que Grand'Bête viendrait lui tenir compagnie pour éloigner les mauvais esprits. Elle avait froid. Et elle avait peur. Elle était même terrifiée.

Les Pétales d'une Vie Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant