Je gare ma voiture dans un endroit discret et j'enfile mon jean en quelques minutes... c'est quand même pratique une bagnole. Je dois pourtant économiser mon précieux carburant, alors demain ce sera balade à pied.
Je remonte Grand Avenue sur quelques mètres et me voilà dans le fantastique Science Building. Je me repère sur mon plan pour trouver sans problème le département des sciences naturelles. J'ai vraiment hâte de commencer les cours, je veux me concentrer sur autre chose que les diverses humiliations infligées par ce maudit natif.
Quand j'y repense, je ne me ferais plus avoir !
La prochaine fois que je croise ce connard, en admettant que ce soit le cas, je lui file direct un taquet dans sa gueule de putois. Je me demande si ce salopard oserait me frapper... mieux vaut ne pas parier mes économies là-dessus.
Je débarque toute excitée dans ma salle de cours. Aujourd'hui, on n'étudie plus seulement la biologie, la physiologie ou la biochimie. On se penche sur les organismes vivants comme les systèmes qu'ils sont en réalité, et on intègre toutes les connaissances disponibles à leur sujet.
C'est passionnant, enfin de mon point de vue.
Une étiquette d'intello m'a collé à la peau durant toute la High School, mais ça ne m'a pas tant dérangée. C'est toujours mieux que de passer pour une jolie nénette sans cervelle. Je matte un peu la promo, pratiquement autant de garçons que de filles. Je m'assieds n'importe où, sans vraiment prendre le temps de choisir une tronche sympathique, en admettant qu'il y en ait quelques-unes.
Je jette un œil discret sur le voisinage.
Merde, c'est un natif ! Ça ne va pas recommencer !
J'en laisse échapper la moitié de mon barda par terre et je ramasse nerveusement. Le mec me lance quelques regards curieux, les insultes ne vont sûrement pas tarder à me pleuvoir dessus. Le cours débute... je note ainsi qu'une fusée les différences fondamentales entre une approche réductionniste et une approche systémique, le prof a choisi en exemple les interactions biomoléculaires. Étrange, l'autre à côté n'écrit absolument rien. Je suis pratiquement certaine qu'il regarde le plafond au lieu du prof... c'est n'importe quoi.
Il redescend sur terre et me contemple distraitement.
— Les cours seront en ligne dans quelques jours, pas la peine de te fatiguer.
Il est vraiment à l'est, celui-là, je ne lui donne pas une semaine avant de boire la tasse.
Hey coco, si tu veux retenir tes cours... faut d'abord les comprendre !
Et pour ça, rien de mieux que de prendre des notes sur le vif.
Le prof vient de poser une question pas évidente sur la dynamique spatio-temporelle des systèmes biologiques.
Facile !
J'impressionne la galerie, les petites lunettes du prof s'agitent de contentement.
— Merde, comment tu savais ça ? bave mon voisin.
C'était précisé en intro du cours... quand tu t'accrochais au plafond.
— C'est tout l'intérêt de bien saisir les informations, je réponds pudiquement.
— Je suis d'accord, mais il va beaucoup trop vite pour moi, avoue-t-il avec une pauvre petite mine.
Justement, le prof vient de se décider pour une pause.
— Après la High School, j'ai été obligé de bosser deux ans sur des chantiers... pour gagner assez de fric et m'inscrire en biologie, explique-t-il.
Franchement, ce natif n'a vraiment rien à voir avec l'autre taré. Il est adorable, très mignon en plus. Je détaille rapidement son visage délicieusement exotique aux traits fins et masculins à la fois. Je remarque son jean déchiré, pas mal élimé, tout comme le mien... c'est carrément à la mode. Sa chemise par contre, toujours en jean, est usée jusqu'à la corde. Au point qu'elle a été réparée avec de grands morceaux de tissu. Une mère ou une grand-mère, bonne couturière et remplie d'amour, a passé des heures à se tuer les yeux pour rendre ce vêtement portable. C'est plutôt bien réalisé et original.
Autant lui faire les recommandations d'usage.
— Si tu n'as pas assisté à un cours depuis deux ans, t'as intérêt à te farcir tous les bouquins conseillés par l'enseignant.
— Entièrement d'accord ! J'ai visité le magasin du centre universitaire, les tarifs de la location sont exorbitants.
Il a balancé cette dernière constatation avec un air totalement découragé, et j'approuve tristement :
— Pareil pour moi !
Il me vient une idée brillante.
— Et si on partageait ?
— Euh... tu veux dire louer les bouquins à deux ? demande-t-il en ouvrant largement ses prunelles mordorées.
Il a tout bon ! Il parait un peu méfiant, surpris de conclure ce genre d'arrangement avec une parfaite étrangère.
— Tu me fais confiance... les cautions sont élevées et tu prends des risques.
— Et toi, ça ne te dérange pas de faire affaire avec une visage pâle ? dis-je en lui offrant mon plus beau sourire.
Il se marre doucement et sourit, lui aussi.
— Je survivrai !
Il est totalement sympa et agréable, ça me fait un bien fou.
— En tout cas, t'es super gentil à côté du malade qui joue dans les RiverHawks.
Il toussote un peu... gêné.
— C'est un natif comme moi ?
— Un horrible connard ! Un affreux crotale ! je précise avec empressement, ravie de me défouler.
Il rigole de bon cœur.
— Jay peut avoir la langue fourchue quand il est de mauvais poil.
C'est à mon tour d'ouvrir mes prunelles en grand.
— Merde, tu connais cet enfoiré !
— C'est mon cousin et mon meilleur pote depuis toujours, lâche-t-il gentiment.
Je suis complètement tétanisée par la nouvelle.
— Euh... t'es encore OK pour les bouquins ? s'inquiète-t-il.
— Bien sûr !
C'est incroyable ! Comment deux mecs avec un caractère aussi différents peuvent-ils traîner ensemble et s'apprécier ? Le yin et le yang sûrement...
— Au fait, je m'appelle Wesley et toi ?
— Sterenn !
Les présentations faites, on décide que c'est moi qui irai chercher les premiers bouquins... puis je rejoindrai Wesley ce soir à sa fraternité, il a l'habitude d'étudier là-bas. Avant la reprise du cours, il trace un petit dessin sur une feuille afin que je trouve facilement la maison des Phi Sigma Nu.
On attaque à gribouiller avec ardeur dès le retour du prof.
Je crois bien que je me suis fait un ami, même si c'est aussi celui de l'atroce Jay Bird.
***
Chez les Phi Sigma Nu, l'ambiance est assez différente de chez les Pikes. C'est une fraternité qui regroupe des natifs qui ont envie de vivre eux-aussi le rêve américain.
Dans ce petit film, quelques vétérans d'origine amérindienne et membres des Phi Sigma Nu sont à l'honneur.
God Bless America!
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Danse dans mon coeur
Roman d'amourUn vieille légende cherokee raconte que deux loups s'affrontent sans cesse dans notre cœur, l'un est ténébreux, l'autre est fait de lumière. Depuis la mort tragique de sa sœur Charlie, suivie de celle de ses deux parents, Sterenn nourrit son loup av...