Chapitre 13

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Tsa-La-Gi constitue un endroit unique, avec Tayanita, nous franchissons la palissade érigée autour du village. Elle m'explique que les Cherokees se protégeaient ainsi des animaux sauvages et des intrus. Nous visitons les différentes maisons, certaines étaient prévues pour l'hiver et d'autres pour l'été. En haut des portes, je remarque un symbole étrange qui comporte sept plumes blanches. Elles représentent les sept clans formant toutes les tribus cherokees.

Tayanita me révèle que l'un de ces clans est celui des oiseaux, auquel les Bird appartiennent depuis toujours. Les Cherokees considèrent que les oiseaux sont les messagers entre le monde des humains et celui des esprits, les Bird étaient les gardiens de ces précieuses bestioles.

Nous pénétrons dans une des maisons d'été, construites à l'aide de grands poteaux en bois, de canne d'eau et de boue. Une vieille Amérindienne se tient assise, tout au fond de la pièce principale. Des cloches à vent, composées de coquillages et de fragments de bambou, s'agitent au-dessus d'elle très doucement. Tayanita me souffle dans l'oreille :

— C'est elle, la femme bien-aimée...

J'observe la grand-mère du coin de l'œil. Sans doute très âgée, elle paraît somnoler. Un petit panier avec quelques dollars est placé devant elle, et Tayanita pose un billet dedans. Le visage plissé de la vieille s'anime comme par magie. Étrangement, les cloches à vent se mettent à réaliser des va-et-vient dans tous les sens...

— Elle est ici ! murmure la femme bien-aimée avec conviction.

Intriguée, je ne peux pas m'empêcher de lancer :

— Qui ça ?

Tayanita me jette un regard vaguement courroucé, elle se montre parfaitement claire sur ce coup-là...

— On ne parle pas devant la femme bien-aimée, on écoute !

— Désolée, je me demandais juste...

— Chuuuut !

Les cloches à vent continuent de danser bizarrement, sans que le moindre souffle d'air circule dans la cabane. Tayanita les observe avec une inquiétude non dissimulée. La grand-mère affiche un grand sourire édenté :

— Elle est si heureuse de vous regarder, côte à côte. Elle vous aime tellement fort.

Tayanita fixe la vieille intensément, et celle-ci ajoute en tremblotant...

— Elle a besoin de vous deux pour s'en aller, elle est encore prisonnière.

La femme bien-aimée semble épuisée et les cloches à vent également. Elles se sont brusquement immobilisées. Nous sortons rapidement de cet endroit particulièrement bizarre. L'étrange Amérindienne est sans doute repartie au pays des rêves, avec quelques dollars de plus. Je suis certaine que la mamie possède un truc :

— Les cloches à vent sont sûrement motorisées, c'était super impressionnant.

— Tu n'as rien compris, les cloches s'animent en présence d'un esprit ! ronfle Tayanita scandalisée.

Je lève les yeux au ciel...

— Au XXIème siècle, tu ne vas quand même pas croire à ce genre de sornettes.

On franchit la palissade pour retourner à la voiture, sous les remarques appuyées d'une bande de types fortement alcoolisés. J'entends le mot squaw avec écœurement. Tayanita ne relève même pas les insultes de ces salopards, elle demeure absorbée dans ses pensées. Je ressens le besoin de m'excuser, pour mon côté impitoyablement cartésien :

Danse dans mon coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant