Chapitre 2

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Le match va commencer. Pour le championnat universitaire, il y a deux périodes séparées par une mi-temps.

L'arbitre va effectuer l'engagement au milieu du terrain.

C'est lui, le joueur natif, qui se place face à face avec un des Lions, en direction de leur panier. L'arbitre envoie le ballon, l'entre-deux permet aux RiverHawks de le récupérer sous les acclamations du public.

Le match est intense. Je contemple les mouvements à la fois fulgurants et précis du natif, il joue incroyablement bien. Il éclipse tous les autres par un sens inné du jeu ainsi qu'un individualisme peu commun dans une équipe. C'est comme s'il ne comptait que sur lui-même et ses qualités exceptionnelles de vitesse, de détente. Il prend beaucoup de risques dans la sélection de ses tirs, mais il parvient à mettre plusieurs paniers. 

La salle entière est envoûtée, dans l'attente du prochain point qui va s'afficher sur le tableau des scores. À chaque coup de sifflet, le chronomètre est arrêté, mais c'est déjà la mi-temps et je n'ai pas vu l'heure passer.

La Cheer Team fait une entrée triomphale, les filles ont troqué les classiques jupettes pour des débardeurs et shorts courts ultra sexy. Les saltos, arrières, avants, s'enchaînent avec brio sur les dernières musiques à la mode. Ces meufs sont à la fois des gymnastes, des danseuses...  je dirais aussi des cascadeuses pour certaines.

Après le drame, j'ai même laissé tomber mon sport, la gymnastique. Je n'avais carrément plus goût à rien. Pour être admise dans la Team, il va falloir donner tout ce que j'ai. Le problème, c'est que ça fait plusieurs mois que j'ai arrêté les entraînements et les compétitions. J'espère que mon corps ne s'est pas trop ramolli, sinon ces filles se feront un plaisir de m'éjecter à l'audition. 

Rowdy, la mascotte verte et emplumée des RiverHawks, se dandine en grandeur nature sur le terrain, juste avant la reprise du match.

Depuis la mort de Charlie et de mes parents, je n'ai eu aucun moment pour me distraire, me détendre un peu. Je reste dans une sorte de lutte perpétuelle avec ma souffrance, pensant la voir disparaître alors que je ne cesse pas de la nourrir. 

Au cours du match, je me surprends à encourager bruyamment les RiverHawks, surtout le joueur natif. Je siffle ou j'applaudis selon les évènements, exactement comme si j'étais de nouveau normale et entourée d'un groupe d'amis. Je voudrais mettre ces merveilleuses sensations dans une boite invisible, les emporter avec moi pour quand je serais toute seule dans ma chambre, au dernier étage de Cobb Hall.

Les RiverHawks ont gagné, j'ai presque les larmes aux yeux.

Je me souviens brutalement être en mission dans cet endroit. Quelque part dans le néant, l'âme de Charlie réclame que justice lui soit rendue, que la vérité éclate au grand jour comme une immense bulle de sang, de pleurs. Je descends les gradins le plus vite possible. Les joueurs vont rejoindre les vestiaires, je devrais pouvoir choper le natif. Je vais me la jouer groupie en lui demandant n'importe quoi...

Qu'il signe son nom sur ma main, par exemple ?

Ce serait une bonne façon d'être renseignée !

Je suis d'abord le mouvement de la foule, puis j'interroge un étudiant boutonneux pour savoir où aller.

Il me désigne une direction en se donnant une mine importante.

— C'est par là, je peux te montrer si tu veux.

Je le gratifie d'une réponse aussi indifférente que négative. Je pense réussir à avoir l'air d'une fille un tantinet bête et naïve pour que le natif ne se méfie pas une seule seconde. J'aperçois enfin l'entrée des vestiaires, la porte est grande ouverte...

Danse dans mon coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant