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Sheila

Je ne sais depuis combien de temps je suis assise sur ce sable chaud à contempler les reflets du soleil sur la mer. Mais je me souviens distinctement de la raison qui m'a emmenée ici même. Cette bribe de conversation m'a mis l'esprit à l'envers. Et surtout la dernière phrase: Tu as pris ma fille, j'ai pris la tienne.

S'il s'agissait véritablement de moi cela voudrait dire que j'ai grandi dans le mensonge depuis ma naissance. Tout serait faux, ma famille, ma vie. Si ce n'est pas famille alors qui sont mes parents? Tout est confus. Mais néanmoins ça expliquerait plusieurs choses. Le fait que je sois de teint plus foncé que les autres et même ma forte corpulence à l'opposé des autres.

Je garde mon regard rivé sur l'horizon et laisse le vent léger se jouer de mes cheveux. Je suis certaine d'attraper un gros rhume mais peu m'importe. Un enfant, une petite fille passa avec son petit seau et ça me rappela mon enfance sur cette même plage. Je la suivi du regard et l'observai attentivement alors qu'elle bâtissait son mini château. Une petite poupée en plastique trônait aux côtés de son compagnon en face: Barbie et Ken. Je sortis mon appareil photo pour capturer la joie sur le visage de la fillette alors qu'elle observait son chef d'œuvre. J'en pris plusieurs pour après choisir la meilleure photo. Une fois fait j'observai le résultat et ce fut l'effet escompté à une exception près, des pieds s'apercevaient en fond. Mais c'est pas grave je pourrais toujours flouter l'arrière plan. Mais l'image en elle même est magnifique. On aperçoit clairement la fillette dans son maillot de bain une pièce vert citron et violet fleuri et son chapeau de paille sur la tête. Ses boucles brunes font un beau contraste avec son teint laiteux et le meilleur on peut admirer à loisir une langue de la mer sur le coin et vraiment c'est fabuleux. Cependant mon regard reste planté sur cette petite imperfection, ces pieds gênants. Je remonte à cet effet mes yeux sur la personne en possession de ces derniers. C'est un homme assez grand de taille, les cheveux en bataille l'air un peu débraillé et tenant une bouteille d'alcool à moitié pleine/moitié vide dans la main. Alors lui soit il a une fin de soirée assez tardive soit il a un soucis pour en venir à boire à midi. Je capture une image de lui alors qu'il soulève la bouteille, une autre lorsqu'il l'emmène à sa bouche et une autre lorsque sa pomme d'Adam descend sous le coup de la gorgée d'alcool ingurgitée.

Cet homme arbore une chemise non enfilée et dont les premiers boutons sont défaits et les manches remontées aux coudes. En outre il porte un pantalon noir légèrement replié. À mes risques et périls je m'en approche en continuant de le capturer. Après s'il me demande ce que je fais je pourrais toujours essayer de lui expliquer ou alors détaler à toute vitesse. Plus je me rapproche plus je crois reconnaitre la personne. À quelques mètres de lui je me fige et laisse retomber ma caméra qui effectue des rebonds sur ma poitrine, fort heureusement reliée à mon cou par son cordeau . Seulement il est si différent. À chaque gorgée d'alcool son expression faciale semble se tordre davantage. Il a l'air si mal que j'en oublie tout le reste et son petit tour qu'il m'a joué en début de journée. Je me demande bien ce qui a pû lui coûter son air taquin, son sourire carnassier, ses petites fossettes.
Il a l'air ravagé par un tel chagrin mais pourquoi ? Et surtout lequel ? Involontairement je me sens à mon tour peinée de le voir ainsi et je me rapproche encore plus de lui. Malgré la douleur qui se lisait sur son visage, il gardait un air impassible. Enfin à sa hauteur je me stoppai, face à lui. Alors il me regarda et on resta ainsi. Personne ne parlait. On se fixait tout simplement. Je pris la bouteille de sa main constatant qu'il l'avait presque vidée. Du whisky en plus. Il ne doit pas vraiment être lucide. Il m'observa faire sans broncher.

- Ça va ? M'enquis-je tout en me disant que ce devait être une question assez débile vu son état
- Ça pourrait aller se contente t-il de répondre d'une voix de gorge
- Tu veux t'asseoir ? Lui demandai-je en essayant au maximum d'agir avec tact

Le carnet du mafieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant