Chapitre 38

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Je n'arrive pas à le croire, je suis rentrée chez moi. Je pose ma valise à côté de mon lit pour enfin me rendre compte que cette chambre m'avait manqué. Tous les photos accrochées sur le mur n'ont pas bougé de place. Ma coiffeuse me rappelle à quel point je me prenais vraiment pour une princesse au lycée. Cela me fait sourire. Puis mon armoire, je l'ouvre pour découvrir tous les vêtements que j'aime et que j'ai laissé ici,par choix. D'ailleurs, j'en ai laissé beaucoup à l'appartement, ma valise ne pouvait pas tout prendre. Et ma peluche adoré toujours posé sur mon lit, à l'endroit où je l'ai laissé, un peu bousillé par le temps je l'avoue. Je lui ai fait des misères durant ma vie d'enfant. Et je retrouve ma petite bibliothèque juste à côté de ma coiffeuse. Je fais le tour de la chambre pour admirer tous les petits souvenirs posés et accrochés partout dans celle-ci, puis je m'allonge sur le lit, mon regard admirant ce plafond blanc. Je souffle un bon coup et l'air frais m'apaise. Je me sentais tellement étouffée jusque là. Ou peut être bien que c'est le fait que je suis enfin seule pour méditer avec moi même. Je suis entourée, je n'ai pas à me plaindre, certains n'ont pas cette chance. Mais des fois, la solitude, le calme, c'est tout ce qu'on demande. Moi la première, en ce moment.

Tout me revient, comme si les trous noirs devenait plus clairs. Je me rappelle exactement de tout. Les petits morceaux de mes souvenirs qui étaient flous, ce sont maintenant des flash-back qui les éclaircissent; en plus de ceux que je connais trop bien. Je me retourne prenant mon oreiller dans les bras, ainsi que Molly, ma fameuse peluche d'enfance. Et je verse toutes ces larmes que j'ai retenu jusque là, toute la souffrance,toute la douleur, ainsi que toute la haine que j'ai refoulé pour ne pas les inquiéter. J'étouffe mes cris et mes pleurs comme je le peux. J'en ai besoin, même si je sais que demain, c'est un autre combat qui m'attend.

***

Je me suis endormie sur mon oreiller trempé et je me suis réveillée avec un mal de temps évident. Vu l'heure, je décide de descendre et j'ai bien fait. Dans les escaliers, je sens déjà la bonne odeur des plats de ma mère. Ça aussi, ça m'a manqué.

- Ma chérie, ça va ?, commence-t-elle, surprise.

- Oui je me suis endormie désolée.

- Oh oui ma puce, tu dois te reposer un maximum hein.

- Je sais maman.

Je m'avance pour m'installer à côté de ma sœur, déjà assise à la table de cuisine attendant le repas,l'eau à la bouche. Je sens le regard de ma sœur posé sur moi et je n'aime pas ça. Sa mine me rend triste car j'ai l'impression qu'elle ressent la douleur à chacun de mes pas. Je marche comme une zombie,parce que dès que je pose un pied devant l'autre, elle me tiraille.J'ai envie d'hurler, mais parfois je flanche, parce qu'il est trop dur de rester debout. J'essaie de paraître forte devant eux. Mais j'avoue que la grimace que je fais dès que je me lève ne leur ai pas insensible, sans oublier ma démarche de pingouin.

Mon père débarque et il est aussi surpris que ma mère de me voir dans cette cuisine. Je sais que j'ai été absente pendant un moment mais cachez votre joie. Je rigole, je sais qu'ils sont heureux de me revoir.

- Ça sent bon par ici.

- Comme toujours, répond ma sœur taquinant mon père.

En effet, les plats de ma mère, ce sont les péchés mignons de toute la famille.

Je reçois un message de Julie pour me demander des nouvelles et pour me donner les leurs. Je comprends très vite que les cours ne sont pas pareilles sans moi. J'espère les revoir bientôt. Bizarre de dire ça, limite on pourrait croire que je préfère être avec mes amies plutôt qu'avec mes parents, mais c'est juste que les choses sont différentes. Je ne les protège pas de la même façon j'imagine. Enfin non, je ne sais pas d'où ça vient. Je ne me sens pas plus en sécurité ici que là bas.

- Allez, mettez la table, nous demande ma mère. Sauf toi, Maria.

- Je ne suis pas une handicapée maman tu sais, j'en suis encore capable, lui dis-je sur le ton de l'humour.

- Obéis à ta mère, me sourit-elle.

Je vois. Je n'ai plus mot à dire. Je regarde mon père et ma sœur faire le boulot, et je ne sais pas quelle genre de sensation vient m'envahir mais je n'aime pas ça.J'ai envie de courir dans les escaliers pour m'enfermer dans ma chambre. Je résiste, pour eux. Je n'ai pas le droit de leur faire de la peine.

Le repas se déroule parfaitement bien.Leur rire me met du baume au cœur. J'écoute attentivement les blagues débiles de mon père, il en est si fier. Ma mère roule des yeux désespérée à chaque fois, mais rigole tout de même. Le regard de ma sœur, quant à lui, ne me quitte pas. J'aimerais tellement savoir ce qu'elle pense, je crois qu'elle a besoin d'être rassurée, mais je ne me vois pas commencer le sujet avec elle.

Ils débarrassent la table pendant que je file dans la salle de bain me brosser les dents. Je prendrais une douche après, il est encore tôt, sachant que je suis privée de cours. Tout élève aimerait avoir ce privilège, tandis que moi je le vois comme une punition.

Je reviens dans la cuisine, ma sœur n'est plus là, sûrement montée dans sa chambre. Tandis que ma mère est déjà en train de faire la vaisselle. Je souris à mon père avant de monter dans ma chambre. Je vais défaire ma valise, ça m'occupera l'esprit. D'abord, je réponds au message de Julie que j'avais laissé de côté.

J'entends quelqu'un toquer à la porte de ma chambre. J'imagine que ma sœur va me poser toutes les questions qui la travaillent depuis que je suis rentrée.

- Oui, répondé-je alors à la demande.

Je me retourne et...

- Papa ?, dis-je surprise.

- Oui, pourquoi tu es si étonnée ?

- Je m'attendais à Trixi, lui avoué-je.

Ne me demandez pas comment on est arrivé à lui donner ce surnom débile mais je ne peux m'empêcher de l'appeler comme ça.

- On peut parler ?, me demande-t-il l'air peiné.

- Oui bien sûr.

Je m'assoie sur le lit laissant ma valise de côté une deuxième fois. Puis mon père s'installe à côté de moi. Je redoutais de passer par cet interrogatoire. Je ne pensais pas du tout que ce serait mon père qui s'y collerait. Je suppose que ma mère est trop faible pour venir le faire.

- Comment tu te sens ma chérie ?, commence-t-il pas sûr de lui.

- Ça va papa, ne t'inquiète pas.

Il souffle en levant la tête quelques secondes. Il sait que ça ne va pas, que je lui mens, il n'aime pas ça.

- Je ne sais pas ce que tu traverses, je ne peux même pas l'imaginer je crois; mais nous sommes là, je suis là et tu es la seule à pouvoir m'aider à comprendre. Je veux que tu es confiance en moi. Je sais que tu es forte, j'en doute pas. Je sais aussi que tu penses pouvoir nous protéger en nous disant rien, mais ce n'est pas le cas. Il faut que tu nous parles, que tu me parles parce que c'est la seule façon de pouvoir te libérer un minimum. Tu ne pourras pas rester éternellement dans le silence tu comprends ? Faut que ça sorte un moment donné et le plus tôt serait le mieux.

Il a raison je le sais, mais je n'arrive pas, c'est trop dur, les mots sont là mais ne sortent pas.Par contre, les larmes, elles, ne s'en privent pas. Il le remarque et me prend dans ses bras, son souffle sur mes cheveux, je me sens protégé effectivement. Mais pour qu'une courte durée, je me sens encore oppressée, comme si je n'avais jamais quitté cette cave.

- Je t'aime papa, et je te jure qu'un jour j'y arriverais.

C'est évident que ce n'est pas la raison qu'il espérait mais c'est la seule que je puisse lui donner.Je dois faire des efforts pour mes proches, pour leur expliquer, mais cela voudrait dire de reprendre tout depuis le début, ils ne comprendront jamais.

Cruels intentionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant