Chapitre 7

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Mélanie se réveilla au beau milieu de la nuit. Sa fenêtre était ouverte, un vent frais soufflait sur les rideaux opaques de sa chambre, et leurs bords planaient sans bruit à quelques millimètres du sol. Elle avait soif. Elle repoussa sa couverture, se leva mécaniquement, engourdie par son état de semi-éveil, et descendit en direction de sa cuisine. En chemin, Mél nota que la baie vitrée du salon était ouverte sur le jardin. Alors, comme si elle admirait un tableau, ses yeux se posèrent de longues minutes sur le pan de nature dormant.

L'herbe pâlissait sous les rayons de la lune, et soudain plus une brise ne vint en perturber les brins. Les sommets illuminés en contrebas noircissaient le corps de la forêt, qui se dressait comme une immense barrière noire, dont les cimes ciselaient les pans de ciel sans étoiles. La nuit était pâle et claire et seule la lune fantomatique en éclairait le bleu noir. Une unique série de fins nuages flottait silencieusement dans cette mer de nuit, bougeait si lentement que le temps semblait soudain perdre son emprise sur cet étrange univers.

Elle s'avança d'un pas et fut soudain devant le château en ruines caché dans la forêt. Pourtant, les ruines avaient été reconstruites et les pierres avaient étés replacées à l'endroit exact où elles se trouvaient autrefois. Les hautes fenêtres donnaient sur un vide abyssal qui remplissait l'intérieur de l'ancienne demeure de cette famille noble dont avait entendu parler Mélanie. Elle resta un instant là, à observer la façade sans réellement la voir; une brise froide faisait frissonner ses bras et agitait les herbes folles à ses pieds. Puis, sans réfléchir, ses yeux se levèrent sur une fenêtre à sa gauche : quelque chose avait bougé à la périphérie de son regard.

Là, derrière les battants dorés de la demeure, à côté de lourds rideaux noirs se tenait le jeune homme pâle qu'elle avait aperçu dans la matinée. Il avait cette même expression glaciale, ce même regard noir insondable qui l'avait faite reculer d'un pas dans la forêt. Il l'observait deux étages au-dessus, la contemplant de toute sa hauteur. Aucune expression ne transparaissait dans les traits de son visage cireux, et son apparition lui donna la chair de poule.

Mélanie se réveilla en sursaut. Elle regarda un instant son plafond, et mis plusieurs secondes à émerger de son cauchemar, plus intense qu'elle ne l'avait mesuré. Elle reprit son souffle lentement et sentit la fatigue l'envahir presque immédiatement. Elle allait se retourner dans son lit lorsqu'un mouvement attira son attention.

Du coin de l'oeil, elle crut voir quelque chose bouger à sa gauche, près de sa fenêtre. L'atmosphère de sa chambre paraissait subtilement modifiée, comme un changement imperceptible de lumière, ou une altération presque invisible des couleurs. Ses yeux se déportèrent lentement sur sa gauche, et elle retint sa respiration un long moment.

Il était juste là, dans la même position que dans son rêve; comme si elle le voyait soudain de dos. Il se tenait devant sa fenêtre, regardait fixement quelque chose en contrebas. Une ombre se projetait derrière lui, éclairé par les rayons de la même lune qui lui était apparue quelques secondes en arrière. Il ne bougeait pas.

Elle eu envie de crier mais sa peur la sidérait. Son esprit confus espérait échapper à sa vigilance, elle aurait voulu effacer toute trace de son existence dans la pièce.

Alors, comme si son cauchemar prenait vie, la tête du garçon pivota; peut-être une réponse silencieuse à ses pensées bruyantes. L'instant lui parut durer une éternité. Ses yeux rencontrèrent alors les siens, et elle put voir en détail son visage cette fois-ci. Ses pupilles se confondaient avec ses iris: une ombre les assombrissait de manière si accentuée qu'elle ne pouvait distinguaient l'une de l'autre. Ses traits arrondis n'adoucissaient en rien son air méchant, son expression lugubre n'avait pourtant rien d'irréel: il était pâle , mais pas assez pour supprimer toute nuance de rouge sur son visage. Elle sentit ses yeux s'agrandir, ses battements de coeur s'accélérèrent, et alors qu'elle fit un premier mouvement de recul, comme à leur première rencontre dans la forêt, quelque chose se produisit.

Concentrée sur ses yeux, elle n'avait pas remarqué que les coins de ses lèvres bougeaient. Elle vit le type dérangé de la forêt esquisser un sourire: elle réalisa qu'il se moquait de la frayeur qu'il lisait sur son visage.

Le Pacte des Ruines [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant