Chapitre 3

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Mélanie se réveilla alors que la matinée était bien avancée. Un soleil doré venait inonder le parquet de sa chambre, dessinant un carré au pied de son lit. Ses rideaux occultants avaient été un peu tirés, et on l'avait glissée sous ses couvertures pendant son sommeil.

Apparemment, elle n'avait pas l'obligation d'aller en cours. Elle observa un instant la forêt en contrebas de sa fenêtre, les épines des sapins, habituellement vert foncés, brunissaient à vue d'oeil. Les nuances allant du bleu pâle au bleu marin dans le ciel lui laissaient penser qu'il était environ dix heures.

Mél se releva lentement pour s'asseoir sur son lit et bougea précautionneusement son bras, immobilisé par une attelle. Elle descendit les escaliers en bois, traversa le salon, ses longs canapés et sa bibliothèque murale, regarda le jardin par les baies vitrées en faisant grincer les lattes du plancher neuf. Elle retrouva sa mère dans la cuisine, en train de lire un polar qu'elle tenait de sa main valide, appuyée sur le plan de travail qu'on apercevait depuis l'entrée. Elle sourit en la voyant arriver:

— On va être copines d'attelles pendant un temps, on dirait bien...

Elles discutèrent du temps qu'il faudrait aux blessures pour se rétablir, de leur frayeur lors de l'accident. Elles passèrent trois bonnes heures à parler de tous les changements que causaient cette mésaventure, à quel point sa mère allait être marquée, qu'elle ne pourrait plus reprendre la voiture sans trembler un peu. Sa mère rappela une dizaine de fois à quel point elle avait eu peur pour sa fille, elle reconstitua les événements et les émotions associées aux événements plusieurs fois, mais Mélanie parla surtout de l'aspect pratique de son bras en panne.

— Comment est-ce que je vais pouvoir écrire en classe? C'est ma main droite que je ne peux plus bouger!

— J'ai appelé le collège et les professeurs te passeront le plus gros des leçons, mais il va falloir que tu demandes de l'aide à tes copains de classe... admit sa mère en surveillant la cuisson de sa viande.

Cette nouvelle n'enchantait pas Mélanie. Elle détestait prolonger le contact avec les autres; c'était tout simplement trop fatigant. Elle annonça qu'elle allait faire un tour dans leur jardin pour se dégourdir les jambes et sa mère lui demanda de revenir pour manger ; elle avait une quinzaine de minutes devant elle.

Mélanie se balada devant la porte-fenêtre du salon, observant les rapaces qui planaient puis plongeaient dans les cimes alentour, en ce début d'après-midi d'automne. Elle avait enfilé des chaussures en tissu à la vas-vite, et laissait les brins d'herbe lui chatouiller ses chevilles mal couvertes par son jean.

Elle prenait garde de ne pas traîner des pieds lorsqu'elle croisait des rochers: elle ne pourrait pas se rattraper sur ses mains si elle tombait. Elle s'approchait de la barrière de pins qui formait un arc de cercle devant leur grande demeure. Des épines éparpillées craquaient sous ses chaussures, formant un parterre qui s'épaississait à mesure que les arbres se densifiaient. Alors qu'elle allait emprunter un petit chemin qu'elle suivait habituellement pour avancer sans s'enfoncer loin du jardin, elle crut capter la même impression qu'elle avait eu à l'hôpital, à son réveil.

Elle avait un étrange sentiment depuis quelques minutes, l'impression qu'une chose bougeait derrière les souches écorchés. En s'approchant, elle avait distingué une ombre furtive entre les feuilles, encore denses à cette période. Elle tourna autour d'un tronc d'arbre avant de finalement se stopper net dans sa marche : quelqu'un était là, tourné vers elle, adossé à un haut pin, et une cinquantaine de mètres à peine les séparaient.

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