Chapitre 9

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Son père, seul dans la pièce, fouillait les armoires de sa chambre frénétiquement, et elle tourna la tête vers ses vitres grandes ouvertes :

— Peut-être qu'il s'est échappé par la fenêtre!

Les deux autres femmes se précipitèrent dans la chambre de Mél pour observer les mouvements éventuels d'une silhouette dans la nuit claire. La mère et la fille se penchèrent sur le rebord, et sortirent presque leur corps de moitié pour repérer une ombre ou un déplacement. Le renfoncement de ce côté-ci de la pièce comportait trois fenêtres les unes collées aux autres, et Nelly prit l'initiative de se coller à une vitre libre pour guetter l'extérieur. Son père se contenta de regarder au-dessus de leurs têtes, dépassant en taille les trois femmes dans la pièce.

L'attente ne fut que de courte durée : Mélanie remarqua un mouvement près de leur parterre de fleurs. Elle vit de nouveau l'intrus de sa chambre, en train de marcher, marcher sans aucune crainte près de la composition que sa mère avait entretenue année après année. Il ralentit même près des tulipes, et Mélanie le pointa du doigt:

— Regardez, il est là!

Elle était presque furieuse de le voir prendre ainsi son temps, et se demanda à quel degré de folie quelqu'un pouvait être aussi insouciant quant à sa situation. Il ne pouvait pas être normalement constitué.

Tout à coup, Mélanie remarqua que personne n'avait fait de commentaire depuis qu'elle avait montré la direction du jeune homme en question. Elle se tourna vers sa soeur et sa mère qui plissaient les yeux pour regarder la pelouse en contrebas. — Où ça? demanda Nelly après quelques secondes de recherche.

— Sérieusement? Il est grand...mais, il est en train de partir! Vous ne pouvez pas le rater il est tout proche! commença sa petite soeur, à la fois agacée et confuse. Le garçon en question se baladait juste sous leur nez.

Au lieu de s'enfoncer dans la forêt comme elle l'anticipait, ce dernier se déplaçait à la même cadence jusque sous sa fenêtre, et se posta devant le salon du premier étage, qui était juste en dessous de sa chambre. Elle le suivait des yeux, ne comprenait pas ce qu'il essayait de faire ou ce qui clochait dans la situation.

—Il bouge, reprit-elle, il est juste...

La voix de Mélanie s'éteignit à mi-chemin de sa phrase, lorsqu'en croisant encore une fois le regard du jeune homme elle réalisa que sa soeur le cherchait toujours des yeux, à des mètres de là.

Mélanie eut alors un éclair de lucidité: personne ne voyait la même chose qu'elle. Pour les membres de sa famille, le jeune homme n'existait pas, et c'est justement pour le lui prouver qu'il s'était avancé jusque sous sa fenêtre. L'adolescente pâlit en le regardant se tenir immobile sur la pelouse en contrebas, et comme s'il avait compris ses pensées, il afficha une nouvelle fois un sourire moqueur.

Alors, comme satisfait du résultat de sa petite expérience, Il pivota sur ses talons sans un bruit, marcha rapidement vers la forêt et disparut entre les feuillages, laissant sa seule spectatrice impuissante face à la situation.

Le Pacte des Ruines [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant