Chapitre 21

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Lorsque Mélanie était en colère, elle avait du mal à le cacher. Sa mère, rentrée accompagnée de son père, remarqua au bout d'une heure que sa fille faisait tout de manière très énergique.

Mélanie lui assura qu'elle allait bien. Elle engloutit son dîner avant de retourner dans sa chambre, de préparer ses affaires et ses vêtements en un éclair, dire bonne nuit à sa famille, faire semblant de lire, avant de finalement s'asseoir contre son oreiller et toiser Arthur qui était juste en face d'elle, sur sa chaise. La nuit était tombée et ses parents couchés; sa sœur, qui était un gouffre de sommeil, dormait paisiblement dans la chambre d'à côté.

L'esprit, détendu comme à son habitude, ne lisait pas cette fois-ci, et lui rendit sa contemplation coléreuse — l'énervement en moins. Un combat de regards, l'un accusateur et l'autre inquisiteur, s'engagea. Arthur ne faiblissait pas et continuait la bataille, tournant sur sa chaise avec pour centre de gravité son pied gauche, qui ne bougeait pas de sa position — tout comme ses yeux ne la quittaient pas.

— Tu sais comment je sais que tu es parfaitement au courant de ce qui se passe? fini-t-il par demander.

— Non? rétorqua Mélanie avec humeur.

— Tu regardais souvent de ce côté ci, avant de t'endormir... dit-il en désignant la commode à droite de son lit, un peu à côté de sa porte, de la main. Non: tu attendais que je sois distrait, puis tu regardes dans cette direction. Mais ça n'a pas de sens, pas vrai? Tout ce qui a dans cette direction c'est...ta commode, quelques vêtements et des bijoux de mauvaise qualité. Quel est le lien entre moi et toutes ces choses? J'ai eu envie de trouver; tu vois, mon instinct ne me trompe jamais, et il me disait que tout ça avait à voir avec ton attitude étrange.

Mélanie, un peu plus attentive, comme dans l'attente d'une révélation, fronça les sourcils, mais se tint sur ses gardes.

— Alors je me suis mis à fouiller tes affaires. Dans ce coin.

— Tu n'étais pas discret, grommela son interlocutrice en se souvenant des objets qui changeaient de position depuis quelques jours.

— C'était le but. Je voulais que tu saches que je fouinais dans tes tiroirs, parce que sinon les recherches m'auraient pris trop de temps. Tu vois, je ne peux pas interagir avec ta réalité pendant des heures, mon temps et mon énergie sont très limités chez vous, surtout depuis ton accident; c'était épuisant à orchestrer.

Mélanie décroisa ses bras, qu'elle tenait contre sa poitrine depuis le début de leur conversation, intriguée et quelque peu inquiète pour la suite.

— Je ne vois pas où tu veux en venir. Je n'ai rien à me cacher.

— Ah oui? Pourtant tu as mordu à l'hameçon. Tu as vu que je cherchais quelque chose, et cette chose en question, tu as essayé de t'en débarrasser. Je ne savais même pas quoi regarder, et finalement tu as fait le travail pour moi; comme je m'y attendais...

Arthur se remit sur ses pieds, et approcha Mél, qui le regardait de haut en bas, tentant de comprendre ce qu'il trafiquait. Il sortit de sa poche de jeans un objet de petite taille, rouge et grisâtre, qu'il garda entre son pouce et son index. Il faisait dos aux rayons du dehors, mais dans la pénombre Mél pouvait distinguer son sourire victorieux. Il déposa lestement la chevalière qu'il cachait, et elle roula sur les draps qui recouvraient les jambes de son interlocutrice.

Cette dernière regarda le bijou, qui avait atterri dans le creux de ses jambes, et sans le récupérer elle leva le regard penaud et interrogatif vers l'esprit.

— Je n'avais pas l'intention...

— De m'appeler? Tu as plutôt eu peur de l'avoir fait. J'ai compris que je n'étais pas là par hasard la fois où tu as "deviné" mon prénom.

Le Pacte des Ruines [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant