Le Pacte des Ruines [EN PAUSE]

Chapitre 19

La salle d'attente du centre psychologique était vide, et Mél se tenait seule entre les murs orange pastel, sur les fauteuils fauves, eux-mêmes sur le sol en plastique vert pastel. Des plantes servaient de mur entre elle et le couloir, à sa gauche. La jeune fille se triturait les doigts de stress, et regardait nerveusement les brochures posées sur un présentoir à sa gauche, devant lesdites plantes. Des souscriptions à une bourse étudiante étaient visiblement possibles. Elle pouvait même demander un rendez-vous gratuit chez le médecin grâce à un obscur programme gouvernemental. Mais quand-est-ce que ce fichu psychologue allait-il arriver?

Son père l'avait laissée devant le centre sans idée de l'accompagner; elle rentrerait en bus. Trop heureuse de ne pas avoir à discuter de la pluie et du beau temps avec son père, son esprit mal reposé oscillait entre deux sujets: Arthur et celui qui allait peut-être découvrir qu'il existait.

L'apparition n'était pas avec elle. Elle l'avait vu dans la voiture de son père, songeur, observant les bâtiments gris de la ville limitrophe qui défilaient au loin. Puis, en sortant, il ne l'avait pas suivie. Est-ce que c'était une faveur de sa part?

Est-ce qu'une menace planait vraiment sur ce qu'elle raconterait? Qu'est-ce qu'il y avait à penser de la nuit dernière? Est-ce qu'elle devait détester Arthur pour de bon? Est-ce qu'une autre personne pourrait le voir, un de ces jours?

Elle l'admettait, l'esprit était définitivement son sujet le plus palpitant du moment. Mél, fascinée, ne pensait qu'à son cas, du matin au soir. Elle enchaînait les recherches pour trouver un nom infernal, des caractéristiques permettant de le replacer dans une hiérarchie souterraine. Elle ne distinguait rien de connu chez lui, mais persévérait dans ses instigations.

Mais qui lui jetterait la pierre, s'il était au courant? Chacun serait pas absorbé par l'irruption d'un personnage aussi surnaturel dans sa réalité.

Elle se demandait si Arthur portait un monde ténébreux avec lui, si l'Enfer était sur ses talons, le suivait dans les directions qu'il empruntait. Un étrange halo l'enveloppait, le rendait terrifiant par moments, gracieux et lointain par d'autres. Elle brûlait de lui demander ce qu'il savait de la vie après la mort, des mondes sous terre ou dans les airs auxquels les mortels étaient aveugles.

Elle fut soudain appelée par la secrétaire pour son rendez-vous. Ni une, ni deux, elle se dressa sur ses pieds, et vit un homme approcher à travers les plantes. Grand aux cheveux gris, à la mâchoire carrée et au regard rieur, le psychologue contourna un large pot et se plaça devant elle, lui tendit la main, un sourire sympathique sur le visage. Au moins, un des deux appréciait la venue de l'autre.

Elle fut invitée à rejoindre une salle de consultation au fond d'un couloir suréclairé. C'était une pièce à la lumière tamisée, aux fauteuils noirs en similicuir séparés par un bureau (en face de la porte), d'une étagère (à gauche de la porte), le tout percé par une unique fenêtre, juste en dessous de laquelle se trouvait ledit bureau. Des documents en tout genre, feuilles de notes et stylos, se trouvaient sur cette table, comme éparpillés avec un certain ordre pour pouvoir s'y retrouver — mais pas trop non plus.

Le psychologue et elle s'assirent l'un en face de l'autre. Est-ce que Mel allait bien? Oui ça allait. Enfin, peut être pas. Le psy ne dit rien, mais lui lança un regard encourageant.

— J'ai peur d'être envoyée chez les fous, avoua Mélanie avec une pointe de honte.

— Comment ça, chez les fous? s'étonna son interlocuteur.

— À l'hôpital psychiatrique, quoi!

Son psychologue rit avant de se reprendre et de lui expliquer que l'hôpital psychiatrique était fait pour les gens ayant besoin d'accompagnement, et que tous n'étaient pas fous, bien entendu.