2ème Partie - Chapitre 12

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Chapitre 12

Deux ans plus tard

Allongée au soleil sur la terrasse en bois, Diabla monte tranquillement la garde devant ma caravane, un cadeau de Picouly. Chez Paco, nous étions trop à l'étroit Tito et moi dans la même chambre, surtout quand Diabla a grandi et que j'ai refusé de l'enfermer au chenil. Ma sœur, si contente que je sois resté, m'a donné son ancien logement, celui qu'elle avait avant de se marier.

Elle m'accorde beaucoup de temps, elle nettoie ma caravane et fait en sorte que je sois bien. Elle pense à mon confort ainsi qu'à mon bonheur et tente de compenser les années que nous avons perdues. Parfois, cela me gêne, parce que je ne suis plus un enfant et je ne veux pas que l'on me materne, mais au fond de moi, j'apprécie ses menues attentions et ses gestes affectueux.

Ma caravane n'est pas neuve et assez petite, mais elle est à moi, elle a été bien entretenue et sent bon les produits ménagers à la lavande que Picouly asperge de tous les côtés. Je peux pendre mes chemises repassées partout dans le minuscule salon, sans que Paco et Tito râlent, et surtout, je ne suis plus encastré sous le lit superposé. Ma chambre n'est pas très large, mais j'ai un grand matelas pour moi tout seul. La décoration est basique, à la mode des années soixante-dix, la banquette et les rideaux sont orange. Pour ne pas souffrir à cause de la couleur criarde, j'ai collé sur toutes les parois murales les posters qui m'entouraient au haras. Je me sens bien dans cet espace, pas trop loin de mes frères qui jettent toujours un œil attentif sur mes allées et venues. Depuis la rouste que Bastian m'a assénée, je ressens leur bienveillance et bien que mon cousin n'ait jamais plus tenté de m'intimider, leur protection me rassure. En dépit du fait que j'ai vraiment grandi et épaissi ces derniers temps, ils continuent de me voir comme le plus jeune.

Je me suis installé à la place du petit cabanon pourri qui jouxtait ma terrasse pour ne pas avoir à changer mes habitudes ni m'isoler. Ainsi j'ai conservé mon refuge et mon accès à mon poste d'observation. J'ai de suite apprécié cet endroit, je m'y suis toujours senti préservé. Être en hauteur et le fait de dominer le camp me donnent la sensation d'être en haut d'une tour imprenable.

Je me prépare à partir retrouver Agnès et rien que penser à notre rendez-vous secret, je suis assez joyeux. Je chantonne le refrain d'une chanson d'Oasis, face au miroir accroché à la porte de ma chambre. Je m'applique à brosser mes cheveux mouillés, un peu longs sur le dessus, pour les coller légèrement en avant sur le côté droit. Ma cicatrice est toujours plus ou moins rouge quand je prends une douche chaude et je préfère la masquer. J'ai la main lourde en vaporisant sur mon corps le parfum que m'a offert Agnès pour mes dix-sept ans en pensant qu'elle aime bien m'embrasser le torse. Aussitôt, j'ai la chair de poule et un frisson me parcourt, mais Paco me sort de mes songes enivrants. Je l'aperçois, à l'extérieur, en tenue de chasse. Ma porte d'entrée ouverte, je le vois s'avancer l'air contrarié. Tandis qu'il s'arrête à l'encoignure, il rage en tapant sur la cloison :

— On a perdu dix canes cette nuit !

Je jette un coup d'œil derrière lui en anticipant illico une défense pour ma chienne.

— C'est pas Diabla, elle n'est pas sortie depuis hier soir !

Bien entendu, je mens, j'ai d'ailleurs remarqué à l'aube, les plumes encore collées par le sang sur le museau du Berger allemand. En mimant mon mécontentement, pour ne pas encourager l'animal, j'ai vite brûlé dans une vieille conserve rouillée qui sert de cendrier toutes les preuves contre elle. Bien qu'elle soit éduquée, son instinct enragé reprend parfois le dessus. Aimant la chair fraîche et vivante, elle conserve un esprit sauvage proche de celui des loups. C'est plus fort que moi, je n'arrive pas à me fâcher quand je sais qu'elle détruit ce qui appartient à Bastian. Je dois avouer que cela me procure une satisfaction jubilatoire de découvrir mon rival furieux.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant