PROLOGUE

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Prologue

Le 17 juillet 1980

— Arrête de bouger ! rouspète mon frère en se tournant dans son lit.

— Mais j'arrive pas à dormir !

Il fait trop chaud dans la caravane, en plus il y a de l'orage. Même en simple slip, j'ai la peau moite et je suis agité. Pour me calmer, je regarde par la fenêtre. Malheureusement, cette nuit, aucune étoile ne brille dans le ciel noir. Seuls les éclairs, par à-coups, me permettent de voir ce qu'il se passe vers le petit bois où j'ai construit une cabane avec mes grands frères et mes cousins.

Les chiens hurlent à la mort et en général, ça m'impressionne de les entendre. Dans le lit collé au mien, Paco se frotte les jambes sur le drap, car ses piqûres de moustiques le grattent. Bien fait pour lui ! Il m'agace à toujours vouloir faire le chef et me commander, c'est bien fait pour lui s'il a été attaqué par les insectes. Je me bouche le nez pour étouffer le fou rire nerveux qui monte alors qu'un nouveau flash illumine notre minuscule chambre.

— Fous-toi pas de ma gueule, j'vais te taper ! me menace méchamment Paco en me montrant son poing.

Mon second frère, perché dans le lit superposé au-dessus de lui, siffle pour me rappeler à l'ordre, car je l'empêche également de fermer l'œil. Si je continue, je vais les avoir tous les deux sur le dos. Je préfère ne pas prendre le risque et je bascule sur le côté, face au hublot sans store. Je remonte le duvet sur mes oreilles pour ne plus les entendre. Ils sont capables de me filer une torgnole si je ne me calme pas rapidement. Autour de moi, tout le monde est tendu en ce moment.

L'autre jour, mon père et mon oncle Loran se sont fâchés, vraiment fâchés, pas comme lorsque je détruis la construction de Lego de Tito et qu'il me court après dans tout le camp. Non, là c'était pas pareil, ils utilisaient des mots interdits. Opa** a montré son poing et Loran a sorti son fusil, ils se sont bousculés devant toute la famille, dans le chalet. Les femmes pleuraient et les cousins ont fini par intervenir pour les séparer. C'était la première fois que je les voyais se taper et être tout rouges de colère. Je n'ai pas compris pourquoi et quand j'ai interrogé ma mère, elle m'a dit que c'était des histoires d'hommes, pas celles des enfants ni des vieux.

Demain, on part vers un nouveau camp dans le sud avec mon père et certains membres du terrain. Y'en a d'autres qui veulent rester ici, c'est bête, il fait chaud là-bas, moi j'aime bien quand il fait chaud. J'ai envie d'y aller, mais je n'arrive pas à oublier la dispute, surtout que mon oncle a menacé de nous faire disparaître, toute ma famille. Je ne l'avais jamais vu rager autant, le front plissé et les manches retroussées, il a donné de grands coups dans la voiture. Je ne comprends pas pourquoi il est énervé, on n'a pas fait de bêtise cette semaine.

Une rafale secoue la caravane et la foudre tombe à nouveau au loin en direction de l'océan, illuminant tout le campement, et l'espace d'un instant, je peux observer toutes les petites habitations. C'est magnifique ! Je me croirais presque à la fête du 14 juillet quand les fusées du feu d'artifice pètent, éclairant l'horizon de mille couleurs.

À l'opposé du terrain, à côté de l'entrée, les chiens aboient de plus belle et grattent au grillage du chenil qui les retient prisonniers. Je remarque des formes qui s'animent au fond du jardin. Comme des marionnettes en ombres chinoises, elles dansent au son du tonnerre qui gronde. Intrigué, je me redresse pour mieux voir. Je pensais qu'il s'agissait de branches arrachées par le vent, mais en y regardant de plus près, je découvre des hommes qui avancent avec précaution. Il y en a beaucoup. Trois, six, dix, je n'ai pas eu le temps de tous les compter, le ciel redevient à nouveau noir.

— Paco, y a des gens dehors ! murmuré-je, amusé.

— Chut ! rouspètent en même temps mes deux frères.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant