Chapitre 22 (suite)

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***

À l'issue de la livraison de la BMW, nous partageons en quatre parts égales, les vingt-cinq mille francs que nous avons gagnés. C'est tout de même un sacré paquet de fric et personne ne s'y attendait, mais nous avons réussi et je n'ai jamais détenu une telle somme. Nous décidons de foncer faire la fête dans un petit bar discret de Bordeaux pour arroser ce succès au champagne.

Le lendemain matin, j'ai encore du mal à réaliser que je possède autant d'argent. Je ne sais pas même pas quoi en faire ni où le cacher. Finalement, je choisis de déposer trois mille francs dans une vieille boîte en fer et de l'enterrer dans un trou que je creuse sous ma terrasse en prenant soin de vérifier que personne ne me voit faire. Je me dis que je dois mettre de l'argent de côté dès à présent, j'en aurais besoin pour construire mon empire.

Puis, je me rends à la caravane de Picouly, suivi de Diabla qui marche dans mes pas. Je frappe à la porte.

— Rentre, mais pas le chien !

Je me déchausse et monte le marchepied métallique, laissant Diabla derrière moi. Yankee, assis sur le canapé, joue avec des voitures miniatures et son fils. Je me souviens que j'ai eu les mêmes jeux... Mon cœur se serre, mais je chasse vite ces images et pose une liasse de billets sur la table de la cuisine.

— Qu'est-ce que c'est ? m'interroge ma sœur, surprise.

— C'est pour toi ! Je t'avais dit que je paierais ma caravane !

Ses yeux noirs écarquillés, elle s'agite devant moi et refuse illico.

— Mais arrête voir, range tes sous !

Elle regarde vers son mari pour avoir son soutien, mais celui-ci se garde de commenter, il continue de jouer avec son fils. Partager mon fric avec celle qui a toujours été là pour moi, me rend heureux, alors j'insiste :

— Un cadeau, ça se refuse pas !

Picouly est émue, ses yeux se remplissent de larmes. Ce n'est pas tant par la somme, mais par mon attention. Elle est touchée que je pense à elle. Elle me met une tape affective dans le dos et me demande :

— Baisse-toi que je te fasse la bise !

— Rho... Comme ça, tu te feras plaisir, je savais pas quoi t'offrir...

— T'es fou, y a beaucoup de sous là, hein ?

Je tends ma joue pensant que l'effusion serait rapide, mais elle se pend à mon cou et me tient contre son cœur. Son parfum trop fort m'étouffe, je n'aime pas les marques d'affection. Je me détends pourtant contre ma sœur, celle qui a toujours été là pour moi. Je me laisse même aller à lui rendre un baiser.

Je passe les jours qui suivent à monter des scénarios avec mes deux amis et Tito. Comment et où trouver des voitures de luxe, avec leur clef ? L'affaire est plus compliquée que ce que nous avions imaginé. Cependant, nous finissons par nous mettre d'accord sur plusieurs plans que nous choisissons de tester au plus vite. Dans la foulée, nous associons Yankee et Paco à notre nouvelle organisation, la confiance que je leur accorde est sans limites.

La première règle que nous suivons pour ne prendre aucun risque est de ne pas opérer dans notre département. Les gendarmes pourraient regrouper les vols et nous repérer sans trop d'efforts.

Après de longues nuits à observer les allées et venues d'un quartier huppé de Biarritz, nous décidons de passer à l'acte. Paco, accompagné de Yankee, est au volant d'une 205 GTI qu'un cousin nous prête. Plus rapide que leurs fourgons, si notre aventure tournait court, il serait plus simple de déguerpir à toute vitesse. Dans une seconde voiture placée à l'opposé de la rue, Karlo et Stazek font le guet pendant que Tito et moi, une cagoule sur la tête, attendons cachés dans l'obscurité du jardin de la belle villa totalement endormie. Nous n'avons pas eu de mal à sauter le grillage, à peu près haut d'un mètre cinquante pour nous infiltrer dans la haie de sapinettes qui nous tiennent à l'abri des éventuels regards curieux. Ce qui est peu probable de par la taille immense des parcs, les maisons voisines sont assez éloignées les unes des autres.

Diabla, qui ne me quitte jamais, est aussi de la partie. Je me sens plus fort avec elle, comme protégé, invincible. Son œil avisé et son instinct voient et flairent les choses que je ne perçois pas.

Pour faire bonne impression devant mes frères et mes amis, je me montre sûr de moi, alors que je suis tout à fait tétanisé. Sur le parking de la boîte de nuit, tout a été très vite, je n'ai pas eu le temps de réaliser ce que je faisais. Ici, entre la préparation et l'attente, je suis mort de trouille. Et si tout ne se passait pas comme prévu ?

Diabla émet un couinement pour me prévenir. Entre deux coups de vent, le bruit d'une voiture qui avance finit par se faire entendre au loin.

— C'est lui ! murmure Tito...

Plus le temps de se poser de questions, je bloque ma respiration pour me concentrer sur le ronflement du moteur. Notre choix s'est porté sur une Mercedes coupée sport conduite par un homme plutôt âgé qui vit seul. Il a pour habitude de rentrer tard chez lui, sans doute après un dîner avec des amis. Peu nous importe, nous l'attendons de pied ferme. Le véhicule ralentit, puis s'arrête à proximité. Les phares éclairent le jardin et comme tous les autres soirs, le moteur tourne tandis que le chauffeur descend pour ouvrir son portail. Nous sautons la clôture.

D'un coup d'épaule, je bouscule le chauve pour l'envoyer bouler sur le trottoir et je m'installe au volant. Après avoir aidé Diabla à grimper à l'arrière comme à son habitude, Tito monte à côté de moi, puis nous claquons nos portières en même temps. L'inconnu ne l'entend pas ainsi. Il rouvre la porte de Tito qui me crie de démarrer.

La marche arrière n'est pas à droite sur levier de vitesse. Je me trompe, passe la première et cale pendant que le vieux cogne mon frère et tire sur son bras. Tito continue de hurler en frappant sur le crâne chauve. Diabla aboie et avance ses crocs vers le visage de l'individu qui refuse de lâcher.

J'émets un sifflement, signal qui donne à Diabla l'ordre d'intervenir. Aussitôt, elle plante ses dents dans le bras de l'homme âgé qui lâche prise sur-le-champ.

— Démarre ! crie alors Tito.

Entièrement paniqué, je tourne la clef dans le contact et finis enfin par passer cette foutue vitesse. Je recule d'un coup alors que l'individu reste à terre, éclairé par les phares. Inquiet par les coups que Tito lui a affligés, je demande :

— Tu l'as pas tué, au moins ?

— Ah lala, je saigne ! se plaint mon frère en s'essuyant le visage.

Je jette un œil vers lui, mais ne vois pas grand-chose à cause de l'obscurité.

— Beaucoup ?

— Non, roule ! Ça va !

Rassuré, je fonce vers la bagnole de Karlo et Stazek qui démarre pour m'ouvrir la route et suivre l'itinéraire que nous nous sommes fixé. Je suis bientôt rejoint par la 205. Nous avons une dernière étape à franchir : livrer la voiture à Hubert sans se faire prendre.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant