Tome 2 - Chapitre 18

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Depuis le guet-apens de la dernière affaire, j'ai beaucoup réfléchi, longuement analysé la situation et appris de mes erreurs. Je n'ai pas pris suffisamment au sérieux notre ascension. J'ai cru que nous en étions toujours à l'époque des chapardages et des petits larcins, du temps où nous faisions quelques cambriolages. Pourtant, il y a bien longtemps que ce n'est plus le cas, cette époque est révolue. Il y a eu la transition d'Hubert, puis nous avons très vite gravé les échelons. Aujourd'hui, je dirige une véritable entreprise de vol et recel de véhicules.

Je dois protéger mes arrières et mes complices, redoubler de prudence lors des différentes missions. J'ai enfin compris que nous ne jouions plus dans la même cour qu'à nos débuts, les modes opérationnels et les rémunérations ont changé, les risques aussi.

Je décide de décupler les équipes et les hommes sur les lieux d'intervention. Plus questions non plus de ne pas nous défendre, chacun est désormais bien armé. Je connais les conséquences de ces choix et j'en prends toute la responsabilité. Je ne force personne à me suivre, les personnes qui travaillent pour moi sont là de leur propre chef.

Je garde la maîtrise des transactions finales et continue de me d'être présent pour les livraisons afin d'en récupérer les paiements.

Je procède systématiquement de la même manière : un rendez-vous dans un lieu isolé et toujours nouveau. Les hommes du requin chargent la bagnole pendant que j'encaisse mon revenu dans la berline du boss.

Ce soir-là, nous escortons la numéro 10, l'ultime voiture du contrat. J'ai longtemps douté de pouvoir aboutir, mais finalement, j'y suis. À l'issue de cette transaction, je serai libre de tout engagement. Je ne devrai plus rien à personne et surtout pas au requin. J'aurai honoré jusqu'au bout ma part de marché !

Le cœur battant, je fume une dernière cigarette avant d'arriver sur le point de rendez-vous : un chantier abandonné.

Paco conduit le véhicule de tête tandis que je suis assis à l'avant à côté de lui. Tito et Stazek sont à l'arrière. La tension qu'ils dégagent tous les deux est largement perceptible. Derrière moi, je sens mon siège trembler à cause du genou de mon frère qui tape dans mon dossier. Bien qu'il soit totalement rétabli, je trouvais que c'était trop tôt pour lui de revenir avec nous. J'aurais préféré qu'il prenne le temps de se remettre physiquement, mais aussi psychologiquement. Recevoir une balle dans la poitrine, ça laisse forcément de traces... Il a refusé et a insisté pour nous accompagner, sortant tout un tas d'arguments sur ses capacités et son honneur. J'ai fini par accepter à condition qu'il reste en retrait. Cela a été dur pour lui de céder le volant de la dernière voiture, lui qui a conduit jusqu'au requin les neuf autres.

À côté de lui, je vois Stazek dans le rétroviseur qui se ronge les ongles. Il semble plus calme et perdu dans ses pensées. Je me dis qu'avec tout ce que l'on a vécu la dernière fois, ce n'est pas étonnant. Seul Paco paraît dans un état normal, loin de la pression que nous nous mettons tous pour terminer en beauté cette ultime mission.

Notre caisse ouvre la marche tandis que derrière nous, Karlo conduit la numéro 10, suivi de Yankee dans une troisième voiture pour fermer la procession.

Paco s'engage dans une voie déserte un peu cabossée.

— La route est pourrie ! commente Paco qui s'inquiète pour la numéro 10 à cause des nids de poule sur la chaussée.

— Karlo est prudent, il va faire attention...

Je le rassure comme je peux en vérifiant dans mon rétroviseur que tout se passe bien. Les phares de la bagnole montent et descendent à cause des trous, mais Karlo a ralenti pour ne pas abîmer les bas de caisses.

Nous entrons dans une zone de chantier déserté pour le week-end. Un immeuble en cours de construction nous fait face. Il n'y a aucun illumination si ce n'est les phares de nos voitures et un mégot de cigarette que je vois briller sur la droite.

J'indique du doigt la lueur orange à Paco. Lorsque les phares éclairent dans cette direction, je découvre le semi-remorque qui attend le chargement de la voiture.

Paco immobilise l'auto, pas trop prêt, de manière à pouvoir y remonter en cas de soucis et pouvoir fuir sans faire demi-tour. Dans un ordre bien millimétré, Karlo se gare à notre droite et Yankee juste après.

Avant de sortir, nous vérifions nos armes et remplissons nos poches de munitions.

Puis, lorsque le sbire du requin envoie son signal avec sa torche et sans éteindre les phares, nous descendons en même temps. Comme dans un ballet bien orchestré, nous posons nos pieds sur le sol, puis nous quittons les voitures pour avancer ensemble.

Je fixe la torche qui s'agite devant nous.

Nous cheminons en ligne, les bras le long du corps, prêt à sortir un révolver si besoin. En nous approchant, je découvre peu à peu les quatre gars baraqués qui nous font face. Toujours les mêmes, que nous voyons à chaque transaction. Armés jusqu'aux dents, ils sont impressionnants tant par leur grande et large corpulence que par leur visage fermé et dur.

Celui du milieu tend la main et Karlo lui donne les clefs.

— Il vous attend ! mentionne l'un des hommes en m'indiquant la voiture noire cachée derrière le camion.

Je me garde de répondre et m'avance vers le véhicule du requin, pendant que mes frères et mes complices vont faire l'état des lieux de la numéro 10.

Comme à l'accoutumée, un gars me barre la route et me demande mon arme. Je lui remets le pistolet que j'ai planqué dans ma ceinture et celui dissimulé dans ma chaussure. Je sais qu'il va me fouiller, autant ne pas tenter de le bluffer.

— Écarte des jambes !

J'obéis pendant que le gaillard tâte tout mon corps, jusqu'à mes parties intimes.

— C'est bon !

Il libère le passage et me laisse monter dans la berline.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant