Après avoir roulé quelques kilomètres sur les routes en pleine forêt, le camion de Yankee que nous suivons ralentit et tourne sur la droite, vers un petit hameau. Nous bifurquons dans une propriété un peu isolée dont nous passons le portail resté ouvert. Il est indiqué privé sur plusieurs panneaux et l'air tracassé de Paco, qui se mord l'intérieur de la joue avec nervosité, ne m'inspire rien de bon. Il n'a pas mis sa musique à fond et a baissé la visière de sa casquette sur son front. Ses yeux tels des radars en pleine action analysent chaque élément extérieur dans les moindres détails.
Une belle demeure en briquette rouge et au toit en chaume se dessine très vite à l'horizon. En suivant une allée assez sablonneuse, nous en faisons lentement le tour. Située au cœur d'un immense enclos à l'orée de la forêt, je suppose qu'il s'agit d'une ancienne réserve de chasse. Rien ne nous indique une éventuelle présence : aucun véhicule ne stationne dans le parc bien entretenu, arboré et fleuri, pas de chiens qui ne viennent à notre rencontre non plus, le calme nous accueille.
Les deux chauffeurs garent leur fourgon l'un à côté de l'autre, prêts à partir.
— Si tu descends, surtout tu lâches pas Diabla !
— Mais qu'est-ce qu'on fait là ?
Paco évite de me répondre et réajuste sa casquette avant de rejoindre Tito et Yankee qui sont déjà sous le porche. Un peu après lui, je quitte le camion et invite Diabla à sortir. Paco la sous-estime, il est loin de connaître l'ensemble de ses capacités. Je sais qu'elle pourra entendre bien avant nous l'arrivée de quelqu'un, à ce moment-là elle me préviendra. Elle est mon garde du corps et peut me sauver en cas de pépin. J'ai vite compris à l'attitude de mon frère que la situation n'est pas claire et cela me rassure de l'avoir à mes côtés.
Yankee paraît énervé, mais décidé. Il cogne fort sur la vitre de la porte tandis que Tito enfonce son doigt de façon excessive dans la sonnette. Je m'approche et tente un coup d'œil dans la demeure, mais des rideaux aux grandes fenêtres masquent les intérieurs.
— Il est midi et demi, il revient toujours mangé, le fou* ! indique Paco en regardant sa montre.
— J'vais te dire, si ça s'trouve, il est dedans et il veut pas nous ouvert ! répond Tito en s'allumant une cigarette.
Paco recule et fait les cent pas en réfléchissant. Il est préoccupé et ne prête aucune attention à ma chienne.
— Ça fait trois fois qu'on vient, ça me met à bout, là ! lance Tito en donnant un coup de pied dans la porte.
Il plonge ses mains dans ses poches, puis longe la façade en direction du garage. Sur son passage, il shoote dans un pot de géraniums qui se renverse et roule dans la pelouse. Il saisit la poignée, l'actionne et ouvre. Dans un premier temps, il paraît surpris, mais sans hésiter très longtemps, il s'introduit à l'intérieur. Aussitôt, Paco et Yankee le rejoignent tandis que je reste planté dehors ne comprenant pas immédiatement ce qui va enchaîner.
Je décide de m'allumer une cigarette, en attendant qu'ils veuillent bien m'expliquer avec précisons les détails de leur plan. Mes trois compères s'excitent et donnent des coups sans doute sur une porte qui leur résiste. Quand Tito ressort d'un pas décidé pour attraper dans le fourgon un pied de biche, j'en profite pour l'alpaguer et l'interroger.
— Mais vous foutez quoi, au juste ?
— Cet enfant de putain, il nous a jamais payés ! Recule le camion et viens nous aider à mettre les affaires dedans, on va pas non plus mettre deux heures ! m'ordonne-t-il en entrant à nouveau dans le garage.
En saisissant enfin l'objectif de notre intrusion dans les lieux, l'adrénaline monte d'un coup. Instinctivement, je caresse Diable pour évaluer sa nervosité et la rassurer. Je me dis que si le propriétaire débarque, nous allons avoir de sérieux ennuis. J'indique à ma chienne de s'asseoir et lui signale de ne plus bouger afin qu'elle guette. Mes frères et Yankee sont à l'intérieur, je n'ai pas le pouvoir de les faire ressortir.
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SCAR - Pour le plus grand mal
Aktuelle LiteraturRetiré à ses parents et placé dans une famille d'accueil durant l'enfance, Oscar a mis de côté les coutumes de ses aïeuls gitans. Son éducation bourgeoise et sa soif de culture vont rendre le retour dans son camp d'autant plus difficile. Séparé d'Ag...