Jour 5

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Ils étaient au beau milieu de l'après-midi quand Kaspar arrêta sa jument au beau milieu de la route enneigée. Au début, Siegfried fut content de la pause. Ses doigts brûlaient dans ses dents et la moitié de son corps était engourdie, comme Sanj s'était endormie sur son épaule et qu'il n'osait pas la réveiller.

Il attendit un long moment, les yeux à demi-fermés, les cils collés par les flocons de neige, que les pas du cheval reprennent. Puis, quand le temps parut trop long, il rouvrit les yeux et vit Kaspar, penché sur une carte.

-Tout va bien ?

-Je ne suis pas passé par ici à l'aller. Les chemins ne sont pas clairs.

Siegfried fronça les sourcils. La facilité avec laquelle Kaspar venait d'avouer une possible erreur, et l'aise avec laquelle il marchait vers lui, maintenant, pour lui demander de l'aide, le confondait. Mais il se tût, bien sûr, et fit taire sa surprise pour pencher tout entièrement sur la carte.

Pour sa défense, Kaspar devait avoir la carte la plus détaillée qu'il pouvait trouvée. Tout était numéroté, tracé, indexé et nommé. Siegfried voyait des notes et des traits moins sûrs, des zones d'ombres cartographiées à la main par le mercenaire. D'un doigt ganté, il indiqua un point à Siegfried, puis un autre.

-On vient de là, on veut aller là.

Les deux points étaient séparés par un énième plan de forêts. Les chemins n'étaient pas détaillés. Au creux de son poing, Kaspar tenait une boussole, qui indiquait qu'ils allaient vers le Sud.

-Je comprends pas, on va dans la bonne direction, non ? dit Siegfried en pointant l'aiguille du doigt.

-La route se raccourcit trop pour vous.

À ce moment-là, la porte de la voiture s'ouvrit, et Fan pencha la tête dehors.

-Isolde m'a demandé de deman-pourquoi est-on arrêtés ?

-On est coincés, dit Kaspar avant que Siegfried ne puisse refuser de répondre.

Isolde commençait à sérieusement agir comme un enfant, à refuser de lui parler dès qu'il lui adressait un reproche.

Fan descendit.

-Comment ça ?

-La route est trop étroite pour la voiture.

-Sur quelle distance ?

-Ça change quoi ?

-Si ce n'est que sur quelques mètres, on pourrait se faire un chemin.

-En volant par-dessus les arbres ?

Elle lui jeta un regard méprisant -elle devait savoir qu'il avait raison-, puis leur tourna le dos pour aller inspecter la route.

Après un peu de temps en communauté, Siegfried commençait enfin à comprendre pourquoi Isolde s'entendait si bien avec cette fille ; elle étaient toutes les deux têtues comme pas possible. Fan était juste moins...moins bruyante.

-Nous sommes perdus, donc ? Demanda Tre.

-Coincés, dit Kaspar.

Il avait baissé d'une octave.

-On a passé Waldkalt ce matin, c'est ça ? demanda Tre.

-Oui, dit Kaspar.

-Donc on est sur les hauts-fonds de la Klar.

Il marqua une courte pause, s'attendant à ce que quelqu'un lui demande de quoi il parlait, mais personne ne le fit. Sanj, de l'autre côté de la voiture, le regardait avec l'éclat d'une lame dans ses yeux. Tre reprit son discours sans s'inquiéter de l'apathie de son public.

Depuis le Perce-NeigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant