Jour 17

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Siegfried tendit la main et toucha la bonne épaule de Fan. Elle ne réagit pas. Il la pressa encore, poussant presque mais pas trop. Elle s'écarta de sa main autant que faire se pouvait, ce qui n'était pas beaucoup.

-Bade, marmonna-t-elle.

Ce n'était clairement pas ce qu'elle voulait dire.

-Bade...

Toujours pas. Plus fort :

-Bade.

Décidée à sortir sa phrase, elle ouvrit enfin les yeux. Une seconde de confusion d'abord, puis une surprise complète s'afficha sur son visage ; ses yeux s'écarquillèrent et sa bouche s'ouvrit. Siegfried leva les mains en l'air pour lui faire signe de se calmer.

-Tout va bien, dit-il à voix basse. Y'a eu un passage compliqué, mais normalement, là, tout va bien. Tu as mal ?

Fan secoua la tête, puis ses yeux roulèrent dans ses orbites, à la recherche d'exactement, ce qui était censé lui faire mal.

-Tu ne te souviens pas de ce qui s'est passé ? demanda-t-il.

Elle secoua à nouveau la tête.

-D'accord. Je crois que c'est la troisième fois que j'explique, mais c'est pas grave. Kaspar était effectivement persona non grata, donc c'est pour ça qu'on t'a tiré dessus, mais ensuite on a réussi à calmer la situation avec Isolde. Techniquement, ils n'avaient pas le droit de tirer sur notre convoi, ce qui nous a permis de t'emmener chez un docteur gratuitement et de faire sortir Kaspar sans qu'il soit envoyé en prison. Isolde est partie avec Kaspar uniquement parce que le docteur a dit que tu irais bien et qu'elle voulait l'enguirlander en paix. Tu as vingt-quatre heures pour te remettre, enfin, moins que ça maintenant, mais après on se dépêche de les rejoindre, parce que les chances pour qu'ils s'entretuent sont...hautes.

Fan haussa les sourcils pour signifier son accord -Isolde se vantait d'être imprévisible, mais ça se retournait contre elle puisqu'elle voulait tant l'être qu'elle finissait simplement par toujours faire le contraire de ce qu'elle pensait qu'on voulait d'elle. Ce qui faisait qu'elle devenait...très prévisible. Ils étaient deux à savoir ça.

-Ton épaule va bien, c'était juste une plaie impressionnante et impossible à traiter comme ça. Toujours le cas avec les carreaux. Les vingt-quatre heures de convalescence c'est pour ta tête, comme tu t'es évanouie le médecin ne voulait pas y couper.

Les yeux de Fan se firent gros à nouveau. Elle redressa la tête autant que faire se pouvait et ses doigts se tendirent.

-Tes mains vont parfaitement bien, tu pourras coudre dès que tu te sens de t'asseoir. J'ai mis de côté ton nécessaire exprès.

Isolde avait prévenu Siegfried que ce serait la première question de Fan -par ailleurs elle avait déjà fait le même cirque des trois fois où il lui avait expliqué la même chose. Lors du troisième réveil, elle s'était simplement rendormie au milieu des explications.

Elle hocha la tête. Il leva la tête vers l'horloge à coucou accrochée au-dessus du lit, qui indiquait neuf heures.

-En parlant de ça il serait temps de se lever, dit-il. Tu as faim ?

-Un peu, dit-elle enfin.

C'était à peine digne d'un croassement, rapeux et étranglé, mais c'était déjà une amélioration.

Soudain guilleret, Siegfried se leva et attrapa le bol de soupe qui avait été laissé par la cuisinière de la maison de malades sur une commode, pour le tendre à Fan.

-Et toi ? demanda-t-elle avant de le prendre.

-J'ai mangé depuis longtemps.

Elle hocha la tête et se hâta de commencer à manger, clairement plus affamée qu'elle n'avait voulu le dire.

Depuis le Perce-NeigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant