Jour 16

15 3 0
                                    

La prochaine ville qu'ils atteignèrent était particulièrement populeuse. Fan aimait la foule. Celle-ci était particulièrement distrayante, bigarrée et bruyante, parfaite pour disparaître, la même qui avait permis à Isolde et elle de fuir. Elle avait besoin de la distraction. L'ambiance était lourde depuis leur départ de Tasse-Marsanne : étant donné que la moitié du groupe hésitait toujours à commanditer l'accident de leur guide, que deux parties s'étaient battues et deux autres disputées assez violemment. L'avantage était au moins que les choses s'étaient allégées depuis que Siegfried avait présenté ses excuses au château. Plusieurs fois ensuite il avait fait un effort pour discuter avec elle, lui poser des questions, et Fan ne pouvait qu'apprécier l'effort délibéré qu'il faisait pour se tenir à ses promesses. Peut-être avait-il été aussi élevé qu'Isolde, finalement.

Kaspar disparut pour chercher une auberge de libre, accompagnée d'Isolde et traînant Tre avec eux. Ayant au moins une bonne heure à tuer, Siegfried, Sanj et Fan décidèrent d'un commun accord d'aller se promener au marché flottant, vers lequel la plupart des passants se dirigeaient. Par quelque miracle, ils réussirent à trouver trois places libres sur une barque, et une fois assis se laissèrent porter par les flots, et les désirs des autres clients dans le bateau.

L'air était frais et craquant, plus froid encore auprès de l'eau. Il rougissait les joues de Fan alors même qu'elle était habituée au froid des Blanches-Landes, mais le son ambiant du marché était celui des négociations animées et d'instruments chantant au loin, et les couleurs étaient vives, du rouge, du jaune et du marron, dans les fruits, dans les étoffes et sur les peaux. Fan était au chaud.

-Tu as quand même entendu ce qu'il m'a dit, dit Sanj au cours d'une conversation revenant sur les événements de la veille.

Elle parlait à Siegfried, qui était assis entre elles deux. Fan, au bord de la barque, écoutait la conversation mais ne participait pas, fixant les poissons d'eau douce qui batifolaient au-dessous d'eux dans l'eau claire.

-Quelle partie ?

-Qu'il était monté à la Cité parce qu'il y aurait peut-être un remède pour sa mère.

-C'était sûrement les mensonges d'un colporteur. Pas de remède pour Medhel.

A la mention de ce nom, Fan se redressa et se tourna vers eux.

-C'est quoi, Medhel ? Demanda-t-elle.

Le mot était apparu au bout des lèvres de beaucoup d'habitants des Blanches-Landes quand Fan mentionnait qu'elle travaillait pour les Burgraves, et jamais personne n'avait voulu lui en donner une définition claire.

-Tu ne sais pas ? Demanda Sanj.

Fan secoua la tête. Sanj échangea un regard surpris avec Siegfried, puis tourna à nouveau son visage vers Fan.

-C'est, comment dire...

-C'est une maladie dont beaucoup d'Hertzholsz sont porteurs sains, commença Siegfried.

Fan le fixa, le visage vide.

-C'est-à-dire que sans souffrir de la maladie, ils l'ont et peuvent la donner à d'autres...

-En allant au lit avec, coupa Sanj.

Fan fronça les sourcils, Sanj hocha la tête.

-Donc c'est une maladie qu'on ne peut attraper qu'en...

Fan ne parvint pas à la fin de sa phrase que Sanj hocha à nouveau de la tête. 

-Et sans remède. Incroyablement mortelle. C'est pour cela qu'épouser un Hertzholsz, ou l'engager dans une maison d'oeil, est interdit.

Depuis le Perce-NeigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant