-Quel âge ?
Siegfried soupira.
Il avait déjà eu droit à un sermon hier après-midi, après une heure passée à chercher Isolde et Fan dans la foule, et Kaspar venait à nouveau remuer le couteau dans la plaie après une nouvelle journée de voyage.
-Quel âge ? redemanda Kaspar.
-Vingt et un ans.
-Et Isolde?
-Dix-neuf.
-Donc vous êtes des adultes, légalement ?
Kaspar s'efforçait de parler doucement, parce que même si il devait préserver la paix dans le convoi ce n'était techniquement pas sa place de lui remonter les bretelles, et Siegfried appréciait la trace de respect même dans les reproches.
-Oui.
-Ce serait possible d'agir en tant que tel ?
-Oui.
Pour sa défense, Siegfried ne pensait vraiment pas qu'Isolde oserait partir à pied en emportant Fan avec elle. Se déplacer à pied, surtout dans une telle foule, c'était prendre un risque inutile de se faire voler, ou agresser, ou repérer pour un prochain vol ou une prochaine aggression. Partir à pied seulement deux jours après qu'ils aient échappé de si près aux Trousse-Gorges tenait plus de la blague mal pensée que d'une vraie prise de position. Ils ne pouvaient pas confier leurs bagages à n'importe qui, et les Burgraves avaient déjà assez de dettes envers les Gardants -pas besoin d'ajouter un attelage avec voiture dans la liste.
-Je ne pense pas avoir à vous cacher que ce n'est pas un voyage facile de base. Ca va devenir impossible si tout le monde continue à n'en faire qu'à sa tête.
A la fin, Kaspar n'avait que lui-même à blâmer -oui, Siegfried avait cherché Isolde, mais un chasseur de prime qui n'arrivait pas à rattraper quelqu'un dans une foule ne méritait pas vraiment le titre.
Mais il n'avait pas à s'inquiéter. Isolde était têtue mais elle savait se débrouiller seule, et dans le cas échéant Fan la protègerait. Pas d'inquiétudes à avoir. Avec un peu de chances elles avaient déjà été réceptionnées par les Gardants et profitaient des luxes du Mont-de-Feu sans eux.
Malgré l'irritation de Kaspar, et les derniers jours mouvementés, la journée se passa sans encombre. A la sortie des Gorges le terrain était complètement lisse et la route bien entretenue, même si elle était moins empruntée que celle qui menait au temple de Kal et Nam. A vrai dire, la différence était monumentale entre les deux routes ; sur l'autre, c'était comme conduire à travers un marché. Peut-être auraient-ils bien fait de prendre cette route depuis le début.
Le soir, ils s'arrêtèrent dans un coin calme. Un petit ruisseau courait non loin, probablement pressé de rejoindre la Marsanne -le nom qu'on donnait à la Klar dans les Vespérales.
Sanj le regarda longuement jouer à arracher de l'herbe en attendant de manger.
-Alors ? demanda-t-il au bout d'un moment.
Elle changea de position pour s'asseoir en tailleur par terre, directement dans l'herbe.
-Elles vont bien, dit-elle finalement.
Siegfried hocha la tête mais Tre, non loin, fronça les sourcils, ce que Sanj ne manqua pas de remarquer.
-Vous n'avez jamais vu une pitié travailler ?
Son visage était fermé mais son ton sur un mur entre le jeu et la moquerie.
Il secoua la tête.
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Depuis le Perce-Neige
FantasySuite à ses fiançailles avec une quasi-inconnue, Siegfried Burgrave doit traverser le pays en un mois, accompagné de sa soeur, de sa meilleure amie, et supervisé par un chasseur à gages bordant sur l'incompétence. Le chemin jusqu'aux Costes est long...