Partie 1 Chapitre 3

225 29 2
                                    

Je reçus pour consigne par les services sociaux que je devais faire mes bagages pour aller vivre avec ma grand-mère après l'enterrement de mes parents. Le petit village de Sandy Creek, où se trouve ma future demeure, est situé à quelques kilomètres de la ville de Wilmington, en Caroline du Nord.

Imposé par ma grand-mère, je ne peux prendre avec moi que le strict nécessaire et le tout doit pouvoir se transporter dans une seule valise. Je laisse donc avec peine un tas de vêtements, mes livres et tous les accessoires qu'une adolescente de mon âge ne peut se passer. Tous les objets personnels que j'abandonne seront placés en sécurité chez monsieur et madame Smith. Au moins, cette promesse m'apporte un peu de réconfort, mais je ne sais si j'aurai l'opportunité de les revoir un jour.

Je me résigne à laisser tous mes précieux souvenirs dans la grande villa et n'emporte qu'une seule photo de famille prise lors de notre dernier voyage en Floride. C'est donc avec un grand chagrin que j'abandonne ce lieu sécuritaire qui a été rempli de joie, de rire et d'amour. J'ai connu le vrai bonheur. La richesse de grandir où l'affection et le respect des gens qu'on aime étaient une priorité. Je ferme la porte, le cœur déchiré, et pars en direction de ma nouvelle résidence avec une petite valise pour seul bagage.

Le trajet vers la ville de Sandy Creek est pénible. Le paysage qui défile à travers la vitre de la voiture des Smith offre un triste spectacle. Il n'y a que des arbres à perte de vue et la route est parsemée de trous par endroits. À l'occasion, à travers les boisés, apparaissent de petites maisons qui ont besoin d'être rénovées. Cette ville que l'on peut considérer comme un village n'est peuplée que de 260 habitants. La ville de Wilmington avec ses citoyens joviaux et ses commerces florissants qui animent les rues me manque déjà.

Plus je m'éloigne de la ville que j'adore, plus mon anxiété augmente. Ma grand-mère est une femme constamment d'humeur morose et on la voit très rarement sourire. Elle est devenue veuve très peu après la naissance de mon père et n'a jamais refait sa vie. Depuis lors, elle a consacré ses journées à son église. Maintenant qu'elle est âgée, elle profite des services de sa paroisse comme si tout lui était dû. Sans remerciement, elle congédie ceux qui l'importunent. Elle n'est pas très appréciée par les gens de la communauté. Plusieurs la surnomment « la sorcière ». Je la crains. J'aurais préféré être envoyée dans un couvent plutôt que de vivre avec cette femme ingrate.

Nous arrivons finalement chez mon aïeul. J'ai l'impression d'être une condamnée qui parcourt le couloir de la mort pour la dernière fois lorsque la voiture de Monsieur Smith s'engage dans l'allée menant à la maison de ma grand-mère. La maison est petite à comparer à la grande villa que je viens de quitter. Elle ressemble à un chalet et a besoin de beaucoup de rénovations. La peinture est défraîchie et quelques volets pendent de leurs gonds. La toiture manque de revêtement par endroits et les gouttières sont cabossées. On peut voir que celles-ci n'ont pas été nettoyées depuis un certain temps. Cette demeure a dû être charmante à l'époque où elle était en meilleur état.

Lorsque la voiture termine son ascension au bout de l'allée me menant à mon nouveau refuge, je tremble de tous mes membres. Le véhicule éteint, Monsieur Smith descend et m'ouvre la porte pour que je puisse sortir. Son regard est chargé de sollicitude. Je baisse les yeux, car je ne veux pas me remettre à pleurer. Il sort ma valise du coffre et m'accompagne à la porte où ma grand-mère m'attend derrière la moustiquaire. Monsieur et madame Smith m'étreignent longuement et me disent au revoir. Je ne sais pas si je croiserai à nouveau ce couple merveilleux un jour. Je les regarde partir jusqu'à ce qu'ils atteignent la rue et s'engagent sur leur chemin de retour. Mon cœur se tord de douleur. Je ne sais pas à quoi m'attendre et si je vais survivre à ce malheur.

Sans un mot de bienvenue ni un sourire, ma grand-mère m'ouvre la moustiquaire et m'incite à entrer. Elle me contourne et me fait signe de la suivre. Les marches de l'escalier qui mènent au deuxième étage grincent à chacun de nos pas. Ma grand-mère prend un temps fou à monter les marches une à une et se plaint que ses rhumatismes la font souffrir. Elle m'indique ma future chambre toute au fond du couloir du deuxième étage. Une autre chambre que je suppose être celle de ma grand-mère et une salle de bain partage le couloir. Celui-ci est dépourvu de photos ou de cadres qui auraient pu embellir un peu cet endroit morose.

Le secret de la roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant