Le secret de la rose

Partie 1 Chapitre 7

Les premiers rayons de soleil percent à travers les rideaux jaunis et réchauffent ma chambre. Je me réveille, reposée et fraîche comme une rose. Je ne me souviens pas d'avoir eu un sommeil aussi paisible. Aucun cauchemar n'est venu perturber mon entrée dans ma dix-huitième année. Ma journée sera très chargée, mais je suis prête à l'affronter. L'adrénaline qui coule dans mes veines me donne l'énergie de braver n'importe quel défi. En apparence, c'est une journée comme les autres, mais je sais tout au fond de moi-même que c'est le début d'un nouveau départ et la fin de mon calvaire.

Je me redresse en position assise et sans m'en empêcher, je me mets à taper des pieds et des mains en retenant mes cris de joie. L'énervement me fait sentir comme une petite fille. Je m'étire pour reprendre mes esprits et respire à pleins poumons l'odeur des roses qui a parfumé ma chambre toute la nuit. Ce parfum me donne la détermination nécessaire pour commencer ma journée.

C'est un vendredi et comme prévu, je dois me présenter en cours. Mais pour la première fois de ma vie, je décide que je mérite bien une journée de congé. Je vais faire l'école buissonnière. Je suis tout excité parce que je n'ai jamais manqué une journée de classe. Même si j'étais malade, j'aimais mieux aller en cours que de passer la journée à entendre ma grand-mère se lamenter. Juste à cette pensée, je m'active de plus belle. J'ai beaucoup de choses à faire donc je ne dois perdre aucune seconde.

Je ne me reconnais plus, je suis éparpillé, mon cerveau fonctionne à cent mille à l'heure. Respire Jenny, respire, me dis-je pour me calmer. Je prends l'enveloppe brune qui contient ma liste que j'ai cachée sous ma taie d'oreiller et vérifie que je n'ai rien oublié. Je la mets en évidence sur mon lit et me dirige vers la salle de bain pour prendre ma douche.

Je commence par faire ma toilette, puis me peigne et laisse retomber mes cheveux châtains sur mes épaules. Pas de queue de cheval aujourd'hui pour moi. Je me sens rebelle juste à cette pensée. Je fouille ensuite dans ma garde-robe pour trouver les vêtements les plus chics que je possède. Une robe noire ajustée qui descend en bas des genoux et un veston bleu marin court et cintré sont l'ensemble parfait pour me donner l'air d'une adulte. Je me regarde dans le miroir derrière ma porte et je suis satisfaite de l'image qu'il projette. Je me sens un peu désobéissante dans cette tenue, sophistiquée, mais également espiègle. Seules mes chaussures contrastent avec mon ensemble, mais c'est tout ce que je possède. De simples ballerines noires à talons plats très usés complètent mon apparence.

Je sors ensuite du fond de ma penderie la petite valise que j'ai utilisée lors de ma venue dans cette demeure et commence à la remplir. J'y mets ce dont je crois avoir besoin pour les prochains jours, de toute façon, je vais refaire ma garde-robe au grand complet. Les vêtements que je possède m'ont été donnés par le biais de l'église. Ils sont désuets et de seconde main, juste bons pour la poubelle. Lorsque j'ai terminé de rassembler le peu de choses que je possède, je prends conscience qu'une nouvelle vie commence pour moi. C'est enivrant. Je me surprends à chantonner la mélodie de « joyeux anniversaire » et me mets à rire.

Je prends mon maigre butin et regarde pour la dernière fois la petite pièce où j'ai passé mes nuits à pleurer sur mon sort. Je prends une grande respiration, ferme les yeux et je descends à la cuisine. Ma grand-mère est déjà attablée et attend, comme tous les matins, que je lui serve son petit déjeuner. Elle reste sans voix lorsqu'elle voit sa petite-fille, valise à la main, habillée dans ses habits du dimanche. Je la fixe droit dans les yeux d'un regard déterminé et lui dit sans prendre mon souffle.

– Bonjour grand-mère. Comme tu le sais, j'ai dix-huit ans aujourd'hui. Je t'informe que j'obéis pour une dernière fois à tes ordres, je quitte ce foyer. Je te remercie de m'avoir hébergé durant ses dernières années. Au revoir grand-mère.