Partie 1 Chapitre 6

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Quatre années se succèdent dans ma vie sans qu'il y ait de changement dans mon quotidien ou d'espoir d'un meilleur avenir. La routine s'est installée sans que je m'en aperçoive. Mes journées se résument à me lever à l'aube pour faire les tâches que ma grand-mère m'impose et à aller à l'école, l'endroit où je passe le plus clair de mon temps à me faire oublier. Plus mon dix-huitième anniversaire approche plus mon taux d'anxiété augmente. Ma vieille mégère, que je méprise de plus en plus chaque jour, m'a durement prévenue que je devais quitter son toit dès la fin de l'année scolaire, moment où j'obtiendrai mon diplôme. Elle me le répète sans cesse à la moindre occasion. Malgré sa malveillance, elle est loin de se douter que ce sera une délivrance pour moi. Mais à quel prix ?

Ces quatre années de discipline acharnée pour ma scolarisation m'ont permis de terminer mon enseignement général plus tôt que prévu. Les cours supplémentaires que j'ai suivis afin d'obtenir des crédits m'ont permis d'atteindre les qualifications requises. De toute façon, je n'ai que l'étude comme activité. Rien d'autre ne me permet de m'évader un peu de mon malheur. J'y prends goût, c'est mon échappatoire.

La fin de l'année scolaire approche à grands pas et je réalise que je vais devoir subvenir à mes besoins toute seule. La peur de finir mes études en n'ayant aucune option devant moi m'alarme. Pour survivre au monde adulte, je dois me trouver d'autres choix que mes études. Avec désolation, je me résigne à mettre de côté mes projets universitaires pour commencer à me chercher du travail.

Je tente à maintes reprises de postuler pour de petits boulots qui n'exigent pas beaucoup d'expérience. Je profite des pauses entre mes cours pour éplucher les petites annonces et rencontrer des employeurs. La gêne et le manque de confiance qui s'est incrusté en moi depuis ces quatre dernières années, m'imposent des difficultés. Je fige devant les questions qui me sont posées. Malgré mon physique d'une grande beauté, je n'arrive pas à me faire valoir afin de dénicher du travail. Par manque d'expérience, je dois me résigner à tenter ma chance pour des emplois minables, sous-payés et très exigeants. Tous les soirs, je reviens découragée. Comment vais-je pouvoir me loger, me nourrir, me vêtir, si je n'ai pas de revenu ?

Par une nuit pluvieuse, tôt en soirée, j'entends trois petits coups venant de l'extérieur. Assise à la table de cuisine à regarder désespérément les petites annonces, je n'ai aucune réaction, croyant que c'est peut-être un pic-bois qui s'amuse sur un arbre. Mais, après un moment, le bruit s'intensifie. Il n'y a plus de doute, quelqu'un frappe de façon persistante à la porte. Éclairée par une lampe à l'huile, inquiète que le bruit réveille mon aïeul, je me lève précipitamment et vais répondre.

 Je suis surprise que quelqu'un s'aventure après le coucher du soleil sur la propriété. Entourée d'un boisé et éclairée seulement par la lune, elle ressemble à une maison hantée issue d'un film d'horreur. Personne n'ose s'aventurer sur le terrain, même pas le soir d'Halloween. En revanche, les fêtards ne se gênent pas de lancer des œufs à l'occasion sur la maison ce qui m'oblige à tout nettoyer.

Confuse, j'ouvre la porte et découvre un petit homme presque chauve vêtu d'un habit seconde main dont les boutons vont éclater. Il semble à l'étroit dans son costume bleu foncé étant donné son poids superflu. Une valise noire d'homme d'affaires pend au bout de son bras. Ce curieux monsieur a de la prestance malgré son allure un peu ringarde.

– Bonjour, est-ce que je pourrais m'adresser à Mademoiselle Jenny-Rose Parker s'il vous plaît ? dit-il d'une voix portante.

– Je suis Jenny-Rose Parker, Monsieur, bégayai-je sous l'effet de la surprise.

Il me salue d'un signe de tête et s'introduis sans attendre qu'on l'invite à entrer. Ne sachant pas comment réagir, je fais un pas de côté pour le laisser passer. Mais que me veut-il ? Personne n'est venu me visiter auparavant, c'est une première. Il prend place à la table et pose son porte-documents devant lui pour en sortir une enveloppe brune. Sans préambule, il m'adresse un grand sourire en dévoilant ses dents jaunies par la cigarette et insiste d'un geste de la main à m'asseoir à la table en face de lui. Je reste figé au pied de la porte d'un air ébahi me demandant bien ce qui se passe.

Le secret de la roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant