Partie 3 Chapitre 19

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                                                                      Jenny

Malheureusement, la réalité nous rattrape trop rapidement. Steven doit retourner à son boulot et je dois poursuivre mes cours à l'Université. Mais, tous les matins, il est là auprès de moi, se réveillant à mes côtés. Il est aux petits soins pour moi, sa Jenny, l'amour de sa vie. Il ne cesse de me le répéter tous les jours. La routine s'installe, mais notre amour ne cesse de fleurir. Steven passe le plus clair de son temps chez moi ce qui facilite le tout lorsque je l'invite à emménager. Nous formons un couple heureux.

Tous les soirs, je suis accueillie à la table de Christine pour un souper copieux. Je commence à me sentir de plus en plus à l'aise avec elle, ce qui me donne confiance, malgré mes réticences à lui parler de mon passé. Christine écoute mes confidences avec patience et est compatissante à mes malheurs. Elle ne porte aucun jugement. Ça m'est salutaire. Ainsi, je peux évacuer ma tristesse afin de me laisser imprégner du bonheur que Steven me procure.

Avec mon aide comme tutrice, Steven passe ses examens de classement et s'inscrit à des cours à distance de mécanicien automobile avec le Stratford Career Institute. Avec ces cours, il pourra parfaire son savoir afin de réparer les voitures anciennes. Il me parle de son projet d'avoir son garage spécialisé dans les voitures d'époques depuis que je le connais. Il en rêve depuis longtemps. Un projet ambitieux, mais qui n'aurait pu voir le jour sans mon amour et mon soutien.

Entre ses cours et le boulot, Steven consacre son temps libre à me faire plaisir, à prendre soin de moi et à m'aimer. Grâce à cet amour, je reprends confiance en moi, me faisant même des amies à l'Université. Je ne suis plus la petite fille de quatorze ans, mal dans sa peau et rejeté par ses camarades de classe. Je sors à l'occasion avec mon nouveau cercle d'amies, m'amusant à être une jeune adulte. Ces quatre dernières années n'ont pas été de tout repos pour moi, mais maintenant je ne vois qu'un avenir florissant. Je suis heureuse, j'aime un homme merveilleux et j'ai trouvé en Christine la tendresse d'une mère. Je m'épanouis tout en faisant confiance à la vie.

Pendant les vacances du printemps, nous décidons de faire un petit voyage en amoureux. J'en profite pour aller visiter le couple généreux qui m'a accueillie avant que je ne déménage pour l'Université. Les Blackburn sont heureux de me revoir et sont plus que ravis de rencontrer enfin l'homme qui fait vibrer mon cœur. Ils me trouvent radieuse et épanouie. Le couple n'a pas réussi à louer la chambre où j'ai dormi quelques mois auparavant donc ils nous invitent à rester pendant notre séjour. Madame Blackburn est comblée de renouer avec moi. Nous passons de merveilleuses journées à bavarder et à rattraper le temps perdu. Je leur raconte avec enthousiasme les détails sur ma vie étudiante et sur mon accomplissement comme bénévole au centre pour jeune.  

Pendant que Steven montre ses talents en rafistolant la vieille voiture de Monsieur Blackburn, je m'éclipse seule pour aller sur la tombe de mes parents. Je ne suis pas encore prête à lui parler de leur mort tragique. Le fait d'y penser ou de simplement en parler creuse de nouveau ce trou qui a commencé à se refermer. C'est avec un bouquet de roses en main que je passe une partie de la matinée au cimetière. Je veux leur parler de l'homme qui partage ma vie et qui m'aide à devenir une jeune femme épanouie. J'aimerais tant qu'ils soient là pour connaître l'homme que j'aime. Ils me manquent tellement.

Lorsque je reviens auprès de Steven, celui-ci remarque que j'ai pleuré. Mes yeux rouges et enflés me trahissent. Il n'insiste pas à me questionner. Il sait que s'il ose, je vais me refermer comme une huître. Le simple fait de me voir si bouleversé lui déchire le cœur. Nous restons dîner avec les Blackburn, l'ambiance est décontractée, ce qui aide à me redonner le sourire. Pendant tout le repas, Steven me tient la main sous la table pour me réconforter. Au petit matin, nous disons au revoir au Blackburn et nous reprenons la route pour la maison. Le retour vers Raleigh est moins enjoué. Je suis plongé dans mes pensées, regardant défiler le paysage par la fenêtre côté passager.

Steven sait que quelque chose ne va pas. Il a appris à reconnaître les signes depuis qu'il s'est investi dans cette relation. Toutes les fois que lui ou sa mère me posent des questions, je me réfugie dans un mutisme inexpliqué. Il n'a jamais insisté, me laissant du temps avec mes pensées. Par expérience, il a conscience que ce n'est pas la meilleure solution. Il a essayé à plusieurs reprises de me faire parler, mais les mots n'arrivent jamais à sortir. J'ai toujours utilisé une ruse pour changer de sujet. Je ne suis pas prête encore à tout lui dire. C'est trop dur, mais je vais devoir le faire un jour si je veux avancer dans cette relation. De retour à notre appartement, je finis par retrouver le sourire. Les cajoleries de Steven me redonnent un peu de joie. Ses caresses, ses baisés doux et langoureux font disparaître mes peines des dernières journées.

Nous retournons à nos occupations habituelles et les jours défilent jusqu'à cette nuit où tout a basculé. Un soir de pleine lune, nous sommes assis sur la balancelle à contempler les étoiles. Aucun de nous deux ne parle, se laissant bercer en profitant de la fraîcheur du printemps. Trouvant que la soirée est propice aux confidences, je décide de me confier à Steven. Me sentant en confiance et prêtre à creuser dans mes souvenirs, je me blottis encore plus aux creux de ses bras pour sentir cette chaleur qui me réconforte. Je brise le silence en entamant mon récit, sans m'arrêter, pour ne pas revenir sur ma décision.                                                     

– Je veux te parler de mes parents. Ce n'est pas facile de te parler d'eux puisqu'ils me manquent terriblement, mais je veux que tu les connaisses.

– Tu es certaine. Je sais que c'est déchirant pour toi de me parler de ton passé.

– Oui, je suis prête maintenant. Ton amour m'a fait réaliser que je dois accepter mon passé pour avancer vers l'avenir. Je veux le faire pour nous deux.

– D'accord ma chérie. Je t'écoute.

– Ma mère était une femme très douce, un peu comme ta mère. Elle s'appelait Rose, c'est de là que vient mon deuxième prénom. Elle était très belle, grande, élancée et avait de grands yeux verts. Elle adorait cuisiner. Tous les soirs, lorsque j'arrivais de l'école, elle sortait des biscuits du four ou avait préparé mes muffins préférés. Il y avait toujours une odeur de pain frais dans toute la maison. Comme tu as pu le remarquer, je n'ai pas hérité de son talent.

Je pouffe de rire à cette affirmation. Il sait que je ne suis pas la meilleure cuisinière. Il fait des efforts pour tout manger même si mes petits plats sont infects. Je me ressaisis puis continue de parler d'une voix douce en me remémorant les souvenirs de ma mère.

– Mais ce qu'elle adorait le plus, à part moi, dis-je en ricanant, c'étaient ses fleurs. Les voisins disaient que nous avions le plus beau jardin du quartier. Elle donnait souvent des conseils d'horticulture à tout le voisinage. Tous les jours, il y avait des fleurs fraîchement coupées dans toutes les pièces de la maison. Ses rosiers ont même gagné un prix d'excellence à un concours amical du jardin Arlie Gardens où elle était bénévole. Elle en était très fière. Elle fredonnait tout le temps, elle était la joie incarnée. Toujours souriante et attentionnée pour sa famille. Mon père l'adorait. Mes parents formaient un couple parfait.

Je prends une pause, laissant mes souvenirs m'envahir. Des larmes me picotent les yeux. Je ravale mes larmes pour éviter de pleurer. Steven me prend la main et l'approche à ses lèvres pour y donner un baiser afin de me réconforter. Son soutien m'aide à continuer.

– Mon père, Francis, était un homme grand et imposant, mais seulement dans son physique puisqu'il était le plus doux des hommes. Il était bon, généreux et toujours disponible pour mes caprices de jeune fille. Jamais je n'ai été réprimandée. Ils étaient tellement compréhensifs que je n'osais faire des bêtises de peur de les décevoir ou de leur manquer de respect.

Steven m'écoute avec attention. C'est la première fois que je parle de mon passé, je veux tout lui raconter. Je reprends mon souffle et poursuis à creuser encore plus loin dans mes souvenirs jusqu'à ceux que j'ai toujours dissimulés.

– Ils étaient très respectés des gens de la communauté. Mes parents organisaient souvent des soupers-bénéfices pour venir en aide aux gens les plus démunis. C'est en revenant d'un de leur souper organisé par la firme comptable de mon père, qu'ils ont perdu la vie. Il pleuvait, mon père était au volant et il a perdu le contrôle. L'enquête policière a conclu que leur voiture avait dérapé et frappée un arbre de plein fouet. Ils sont morts tous les deux sur le coup.

Le secret de la roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant