Partie 1 Chapitre 4

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Étant en période estivale, je n'ai pu dire au revoir à mes amies. Mon déménagement dans le village de Sandy Creek fut éminent et sans préambule. Aucune d'entre elles ne savent comment me rejoindre. Il y a un téléphone dans la demeure, mais j'ai reçu l'ordre strict de ne jamais le toucher. Ma grand-mère m'a confisqué mon téléphone cellulaire et a refusé que je garde mon ordinateur portable, alléguant que de toute façon elle n'a accès à aucun réseau internet. Je me retrouve donc isolée de la civilisation.

J'essaie de me trouver des activités à faire, mais à part mes tâches, le seul divertissement qu'on me permet est la lecture de la Bible. Il n'y a rien à faire dans ce petit village et de toute façon, je n'ai pas le droit de sortir de la propriété sans être accompagné de ma grand-mère. Elle surveille tous mes faits et gestes. Mes journées sont interminables. Mes émissions préférées me manquent, la musique me manque, mes amies me manquent et surtout mes parents me manquent.

Tous les mercredis et dimanches, j'accompagne ma grand-mère à l'Église baptiste Goshen. Un membre de la confédération vient chercher, en minibus, les gens de la communauté qui nécessite un transport. On est habituellement les seuls à profiter de cette opportunité. Même si je déteste ces obligations, ce sont les seules sorties de la semaine où je peux enfin discuter avec d'autres personnes. Étant donné que la ville de Sandy Creek a une population vieillissante, je n'ai que très rarement l'occasion de discuter avec des jeunes de mon âge. Ma grand-mère insiste pour que je participe au groupe d'étude de la Bible. En participant à ces groupes de discussions, elle espère que je change de vocation en me faisant baptiser dans la religion baptiste. Je dois également passer ma journée complète du dimanche à l'église aidant dans les tâches tel que s'occuper des jeunes enfants et faire le classement des donations. Le seul plaisir que j'apprécie lors de ces longues journées.

Dès mon réveil, à l'aurore, ma grand-mère, selon son humeur, m'oblige à prononcer des prières ou à réciter un chapitre de la Bible. Ensuite, je dois préparer le déjeuner, faire la vaisselle, le lavage et passer le balai avant de pouvoir me détendre au soleil sous le regard indigné de mon aïeul. C'est le seul plaisir que je m'octroie. Je n'ose m'aventurer sur le terrain de la résidence de peur d'être réprimandé. Pour une adolescente de 14 ans, qui aurait dû fréquenter de jeunes filles de son âge, aller au cinéma ou se prélasser à la plage, ce n'est pas une vie. Toutes ses règles et ses tâches sont un calvaire pour moi. Mais que dois-je faire ? J'ai nulle part où aller de toute façon. Je dois me résigner et accepter mon destin en espérant que le temps passe vite.

Tous les soirs, après avoir passé la journée à répondre aux moindres besoins de ma grand-mère, je dois me coucher dès la tombée de la nuit. Heure à laquelle celle-ci éteint toutes les lumières. Le sommeil ne me vient pas aussi facilement que pour mon aïeul. Dès que celle-ci pose sa tête sur l'oreiller dans la chambre voisine, elle se met à ronfler comme un ours. Au début, je trouvais ça drôle, mais au fil des nuits ce bruit m'agace au plus haut point. Sans rien pour me divertir, sans télévision à regarder ou un bon livre à lire, je m'ennuie à mourir. J'ai trop de temps pour réfléchir à mon avenir, ce qui n'est pas des plus encourageants. D'autant plus qu'il est manipulé par cette femme si méchante.

Un soir, après m'être assuré que ma grand-mère dormait à poings fermés, je décide de sortir pour aller explorer la propriété. Chaque pas que je fais dans la vieille demeure me coupe le souffle. Les planchers faits de bois de grange craquent à chaque pouce que j'avance. Je m'imagine être dans une maison hantée. C'est à ce moment-là que je me mets à prier. Quelle ironie ! À cette idée, je manque de pouffer de rire, mais me retiens de justesse. Il ne faut surtout pas réveiller cette vieille mégère. Je m'assure d'entendre encore le ronflement intense de ma grand-mère et continu. Tout en descendant les marches, une à une et en appuyant précieusement mes pieds, je me demande ce que mon aïeul pourrait trouver comme punition si je me faisais prendre en dehors de ma chambre. Je ne peux être privé de sortie puisque je ne quitte jamais les lieux qu'à l'exception des mercredis et dimanches pour les services religieux. Je respire enfin lorsque j'atteins le seuil de la porte avec succès. La porte grince sur ses gonds dans un bruit effroyable, ce qui me fit parcourir des frissons des pieds à la tête.

Le secret de la roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant