Le secret de la rose

Partie 3 Chapitre 20

                                                                Steven

Mon corps est parcouru de frissons. La dernière phrase que Jenny vient de prononcer défile au ralenti dans ma tête. Les images de cette nuit horrible se bousculent dans ma mémoire. Une route noire ruisselante de pluie, le bruit soutenu du klaxon d'une voiture, les lumières de celle-ci venant droit sur nous, le regard de mon ami lorsqu'il se réveilla en sursaut et le son des pneus glissants sur la chaussée mouillée. Je me mets à trembler en me rappelant les événements qui ont chamboulé ma vie. Je suis certain que c'est juste une coïncidence. Ce ne peut être possible, je ne veux pas le croire, ce ne peut être les parents de Jenny.

Je fais une prière en silence pour que ce soit simplement une similitude. Je me lève de la balancelle et commence à faire les cent pas devant elle. Je vois qu'elle commence à paniquer. Elle me regarde avec des yeux remplis de questions. Je m'arrête de marcher et je me rapproche de la balancelle. Calmement, en contenant mon sang-froid, je lui pose la question qui me tut depuis qu'elle a raconté l'événement tragique de ses parents.

– Mon amour, quand et où sont-ils morts exactement ?

Je sais que je vais un peu loin pour Jenny. Ces questions l'obligent à creuser plus profondément dans ses souvenirs et peuvent rouvrir des blessures encore fraîches. Mais j'ai besoin de savoir la vérité, je le dois pour moi, pour elle. Le lendemain matin du drame, j'ai vu les nouvelles téléviser, où le chroniqueur racontait les détails d'un accident automobile qui s'était produit la veille, tuant sur le coup les deux occupants. Je n'ai pu entendre la suite, mais je sais très bien que c'est moi et mon ami qui l'avons provoqué. Étant sous le choc de ce qui venait de se produire, nous avons fui. Mon ami Tristan m'a fait promettre de garder le secret. Un pacte qui fut très lourd à maintenir et qui a réussi à pourrir ma vie. Tous les deux, âgés de seize ans, élèves performants, nous étions promus à un bel avenir. La peur de tout perdre et de se retrouver en prison, nous a insisté à cacher la vérité. Mais ce secret a détruit ma vie pour toujours et maintenant je m'apprête à détruire celle que j'aime.

Jenny me regarde intriguer. Elle prend une grande respiration, ferme les yeux et répond à mes questions en essayant de ne pas se laisser envahir par les émotions. Je sais que c'est pénible pour elle. Je me déteste de lui infliger ce supplice.

– C'était le 4 juillet, il y a quatre ans. Mais pourquoi veux-tu savoir ça ? C'est pénible pour moi de parler de cette nuit-là.

– Je sais mon amour, je suis désolé. Je ne veux pas que tu souffres. J'ai besoin de savoir. S'il te plaît, réponds à mes questions. Comment s'appelait la rue où s'est passé l'accident ?

– Ça s'est produit sur la route Oleander, tout près d'où on habitait à Wilmington.

La vérité me frappe de plein fouet. Je sens mes jambes se dérober sous moi et je perds l'équilibre pour me retrouver à genoux devant elle. Tous mes membres se crispent. Elle vient de me confirmer ce que j'ai toujours espéré ne jamais entendre. J'ai tué les parents de l'amour de ma vie.

Pourquoi suis-je tombé amoureux de la seule personne qui peut me haïr avec raison ? La culpabilité qui avait commencé à se dissiper grâce à la présence de Jenny refait surface violemment. Mon cœur se tord de douleur, je retiens un cri de désespoir. Comment vais-je lui dire la vérité ? Comment vais-je lui expliquer ce qui est arrivé ? Elle va me détester. Je suis désemparé. Mais par amour pour elle, je dois le faire. Je ne veux plus garder ce secret surtout que cela la concerne maintenant. Je sais qu'après ma révélation tout ne sera plus pareil. Je souhaite de toute mon âme qu'elle puisse me pardonner.