Partie 4 Chapitre 22

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                                                                   1 mois

Les semaines défilent sans qu'il y ait de changement du côté de Steven. Je fais les allers-retours entre l'Université et l'hôpital. Les cours vont bientôt se terminer pour les vacances d'été et j'ai des examens à préparer. Donc, au lieu de passer mes soirs à la bibliothèque, j'étudie, assise à côté de Steven, livres en main, pour me préparer à mes examens. Je li mes notes à voix haute, de cette façon, j'espère qu'il peut m'entendre de là où il est.

Les bips du moniteur cardiaque sont devenus mes bruits du quotidien. Je finis par ne plus les entendre à force de passer des heures à son chevet. Les infirmières sont tellement gentilles avec moi. Elles m'apportent à l'occasion des aliments à grignoter et lorsque les soirées sont plus calmes, elles viennent me faire la conversation. À l'instant où mes yeux se ferment d'eux-mêmes, je reprends la route pour aller dormir dans mon lit, laissant mon amour seul pour une autre nuit.

Les fins de semaine, je passe mes journées entières au chevet de Steven. Christine est souvent avec moi, me tenant compagnie. Elle quitte à l'occasion, me laissant seule avec son fils. C'est pendant ces moments que je laisse aller mes émotions et je fonds en larme. Je ne veux pas pleurer devant Christine, elle a déjà son lot d'épreuves. Je suppose qu'elle aussi veut cacher ses peines pour ne pas me faire plus souffrir.

Lors d'une de ces journées interminables, Christine quitte pour aller chercher de quoi se nourrir. Elle revient une demi-heure plus tard avec deux cafés bien chauds et des muffins aux pépites de chocolat, mes préférés. Lorsque Christine s'approche de moi pour me donner mon café, je deviens blanche comme neige en humant l'odeur. Je repousse la tasse doucement, me détourne d'elle avec un regard de dégoût et me précipite aux toilettes pour aller vomir mon petit déjeuner.

– Je crois avoir contracté un virus. Je vomis en me levant le matin depuis quelque temps, je suis somnolente toute la journée et je n'ai pas d'appétit.

Christine me regarde d'un air louche et semble se poser des questions.

– Jenny, je ne crois pas que ce soit un virus. Quand as-tu eu tes règles pour la dernière fois ?

Je suis surprise de sa question, mais lorsque je réalise ce qu'elle veut insinuer, je manque de m'évanouir. Je me mets à compter mentalement jusqu'à la date de mes dernières règles et réalise que j'ai sauté deux mois. Christine n'a peut-être pas tort. Je ne peux le croire. En revanche, j'ai conscience que nous n'avons pas été très sages côté prévention de grossesse. On était trop ancré dans le moment présent pour se préoccuper de contraception. On aurait peut-être dû le faire. Comment a-t-on pu être aussi insouciant ?

Je n'ai jamais été informé sur ce sujet par ma grand-mère. Le sexe étant proscrit avant le mariage dans la religion baptiste, elle n'a jamais eu l'intention de m'en parler. Je n'ai jamais consulté l'infirmière de l'école pour avoir des conseils puisque les garçons me parlaient seulement pour m'insulter. Donc, il n'y a jamais eu question de sexualité de mon côté. En ce qui concerne Steven, il ne m'a jamais parlé de ses anciennes petites amies et je ne lui ai jamais posé la question.

– Oh ! Non. Vous ne pensez pas que je sois enceinte ? dis-je sur un ton embarrassé.

– Je crois bien que oui, ma chérie. Tous ces symptômes sont annonciateurs d'une grossesse. On peut te faire des examens à l'hôpital. Il suffit d'une simple prise de sang et on aura les résultats vers la fin de la journée.

Je suis sous le choc de ce que je viens d'entendre. Je suis trop jeune, j'ai encore beaucoup de projets à réaliser. Je dois avoir du retard à cause du stress des examens de fin d'année. Je ne peux être enceinte. Je suis déstabilisée, ce n'est vraiment pas le bon moment pour avoir un enfant. Je n'ai pas terminé mes études et Steven est toujours dans le coma. Je me mets à paniquer, mes mains commencent à trembler. Mon cœur bat plus vite et j'ai le souffle court. Christine perçoit mon désarroi.

– Pauvre chérie, me dit-elle sur un ton rassurant. Je crois qu'il faut se rendre à l'évidence, tu es surement enceinte, j'en suis convaincu. Allons voir une infirmière pour qu'elle te passe des tests.

J'opine en baissant les yeux. Elle me prend dans ses bras et me serre affectueusement. Ensemble, main dans la main, nous nous dirigeons au poste de garde et Christine discute de ma situation avec une infirmière. Celle-ci me prend tout de suite en charge et me fait une prise de sang.

Vers la fin de l'après-midi, je reçois les résultats. Mon Dieu ! Je suis belle et bien enceinte. Je suis incapable de me réjouir de cette nouvelle. Tout se chamboule dans ma tête. Il y a eu trop d'événements depuis quelque temps, je ne sais plus comment gérer tout ça. Je vais devenir mère à 19 ans. Je suis beaucoup trop jeune, je ne sais pas quoi faire d'un bébé. Il me reste encore quelques années d'Université avant d'obtenir mon brevet d'enseignement. Et puis Steven est toujours inconscient. Je ne peux pas faire ça toute seule, il doit se réveiller.

– Ne t'inquiète pas, ma chérie. Je serais là pour toi, pour vous. Je te considère maintenant comme ma propre fille, je serais toujours à vos côtés. En plus, je vais devenir grand-mère, me dit-elle en ricanant pour détendre l'atmosphère. Moi, grand-mère, à mon âge.

Elle se met à ricaner de plus belle comme si cette situation était drôle. Je veux disparaître. J'ai l'impression de revenir à l'époque de mes années au secondaire où j'étais la risée de mon école. Je m'effondre dans la chaise à côté de Steven totalement en état de choc.

– Désoler ma chérie. Je suis un peu excessive. Je n'ai pas voulu rire de toi ou de la situation. Je sais que ça peut être effrayant. Je suis moi aussi tombée enceinte à 19 ans. Mais rassure-toi, je ne te laisserai pas toute seule, tu fais partie de ma famille maintenant. Je te considère comme ma fille.

– Merci Christine. Mais comment vais-je faire ? Je n'ai pas terminé mes études. Je n'ai pas de boulot. Et Steven est toujours dans le coma.

Je me mets à paniquer. Je peine à respirer. Christine me prend dans ses bras pour essayer de me calmer. Les larmes se mettent à pleuvoir sur mes joues sans que je puisse les arrêter. C'est plus fort que moi. Je me cramponne à Christine, elle me flatte le dos. Nous restons enlacés jusqu'à ce que je me calme. Une fois mes larmes essuyées, Christine sort de la chambre me laissant seule avec Steven. Je m'approche du lit, lui prends la main et commence un monologue espérant qu'il m'entend.

– Steven, mon amour. Si tu m'entends, réveille-toi. J'ai besoin de toi. J'ai peur et tu es le seul qui sait comment me rassurer. S'il te plaît, réveille-toi.

Le secret de la roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant