Partie 2 Chapitre 8

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Je regarde mon reflet dans la vitrine de la banque et j'affiche un grand sourire pour me donner de la confiance. C'est avec détermination que j'ouvre la grande porte vitrée et entre dans l'immeuble aux planchers de marbre blanc et aux plafonds en voûte. Je suis impressionnée par la richesse des matériaux qui m'entourent. C'est la première fois que je voie des choses d'une telle beauté. Pendant un moment, qui me semble une éternité, je m'arrête au centre de la salle et contemple le spectacle. Je n'ai jamais mis les pieds dans une banque auparavant, c'est impressionnant. Je secoue la tête pour reprendre mes esprits. Je dois rester concentré sur sa mission.

Je me dirige vers le comptoir d'informations situé à ma droite et me présente. Une dame en tailleur vert ajusté au décolleté plongeant m'accueille. Ses cheveux sont relevés en chignon et le rouge à lèvre rouge criant sur ses lèvres est ce qui se voit le plus sur son visage. Elle me sourit en découvrant ces dents parfaitement blanches. Avant qu'elle m'adresse la parole, je demande à rencontrer un conseiller. Elle compose un numéro de quatre chiffres sur son clavier de téléphone. Je reste là sans bouger.

– Monsieur Camely, une demoiselle demande à vous rencontrer, dit-elle sur un ton condescendant.

Quelqu'un lui répond à l'autre bout du fil, mais je ne l'entends pas puisqu'elle se tourne sur sa chaise. Elle se met à rire à un commentaire que son interlocuteur lui dit. Puis, raccroche sans même répliquer. Elle contourne son comptoir et me fais signe de l'accompagné. Tirant ma valise derrière moi, je la suis comme un automate, me sentant un peu imbécile. Arriver dans la salle d'attente, elle m'invite à m'asseoir sur l'une des chaises adossées au mur. Je suis seule dans la salle minuscule et étouffante.

– Un conseiller sera disposé à vous rencontrer sous peu, me dit-elle sans prendre la peine de me regarder.

Mon cœur bat si fort que je m'inquiète qu'on l'entende. Je dois absolument reprendre mon calme, sinon on ne me prendra pas au sérieux et c'est crucial que je reste concentré sur mon objectif. Je reprends le contrôle sur ma respiration pour me détendre. Respire, expire. Je me sens courageuse, si adulte et fière de moi, mais ma nervosité l'emporte sur ma détermination. Pourtant je ne devrais pas m'en faire autant, cet argent m'appartient. Je me mets à faire des scénarios insensés. Et si ce n'était qu'une plaisanterie ou encore un autre de ces cauchemars qui me hante depuis la disparition de mes parents.  

– Calme-toi Jenny, arrête de te faire des scénarios, me dis-je à moi-même en me couvrant le visage de mes mains. Je répète tout bas, respire, expire, respire, expire.

Quelques minutes plus tard, la dame de la réception revient me trouver en faisant claquer ses talons sur le plancher. Elle me fait signe de la suivre et m'accompagne jusqu'à un petit cubicule situé à l'arrière des comptoirs de services. Un homme d'une cinquantaine d'années aux allures bien soignées m'attend assis derrière son bureau. L'homme se lève à mon arrivée et me tend la main. Il m'invite ensuite à m'asseoir sur la chaise qui se trouve en face de lui. Un ordinateur, une tablette de feuilles et des stylos sont soigneusement disposés sur le bureau.

– Bonjour, mademoiselle, je me nomme David Camely. Vous avez demandé de me rencontrer. Que puis-je faire pour vous ?

– Bonjour, je suis Jenny-Rose Parker. On m'a informé hier qu'il y avait un compte à mon nom dans votre banque. J'aimerais y avoir accès. Voici les documents qui le stipulent et ma carte d'identité.

– Bien ! Examinons le tout.

Monsieur Camely prend les documents que je lui tends nerveusement. Il examine avec soins chaque détail pour ensuite les enregistrer dans son ordinateur. Il hoche la tête à l'occasion. À une vitesse impressionnante, il continue de faire bouger ses doigts sur les touches du clavier. Après avoir fait la navette entre les documents et son ordinateur à plusieurs reprises, Monsieur Camely se tourne vers moi et affiche un large sourire avant de m'adresser la parole.

– Je constate que tous ces documents sont conformes. Vous avez maintenant accès à un montant de 750 000 $. Je peux vous conseiller selon vos désirs. Comment désirez-vous procéder, Mademoiselle Parker ?

Ouf ! Tout est réel. Je prends une grande respiration pour calmer mon excitation. Je ferme les yeux quelques instants et reprends mon calme, je dois réfléchir et agir consciencieusement. Je pourrais prendre l'argent et le dépenser pour des folies, mais ce ne serait pas sérieux. Dans un rien de temps, il ne me resterait plus rien. J'ai besoin d'être logique afin de penser à mon avenir. Je dois tenir compte de mes priorités. Je n'ai que 18 ans, j'ai toute la vie devant moi. Je ne dois pas faire de folie pour tout gâcher. Je me redresse sur ma chaise pour être assise bien droite et m'adresse à Monsieur Camely avec calme et sérieux.

– Je désire avoir accès en tout temps à cet argent, mais je veux qu'il reste en sécurité dans votre banque. Donc, j'ai besoin d'un compte-chèques avec une carte bancaire ainsi que d'une carte de crédit pour des achats plus importants. J'ai également besoin, pour l'instant, de 500 $ en argent liquide.

– Parfait ! Mademoiselle Parker, je vous prépare tout le nécessaire et je reviens dans un court moment. Désirez-vous autre chose ?

– Eh bien, dis-je hésitante. Est-ce que je pourrais avoir un verre d'eau ?

– Bien sûr, avec plaisir Mademoiselle Parker. Mon assistante viendra vous voir dans un instant.

Je suis déshydraté. Prendre de l'eau va surement calmer toutes ses émotions qui se bousculent en moi. Le conseiller incline sa tête en guise de reconnaissance et quitte son bureau. Quelques secondes plus tard, la belle réceptionniste arrive avec une bouteille d'eau et un panier de muffins. À la vue du panier, je prends conscience que je n'ai rien mangé depuis mon réveil. Trop excité de commencer ma nouvelle vie, j'ai complètement oublié de m'alimenter. En voyant le panier rempli de muffins aussi appétissants les uns que les autres, je sens mon estomac se tordre. Je pige dans le panier sans hésiter. J'en prends un au chocolat. J'ai toujours raffolé du chocolat, mais je n'en ai pas mangé souvent depuis ces quatre dernières années. Ma grand-mère considérait ce délice comme un luxe et m'avait autorisé à en manger qu'à de rares occasions. J'approche le muffin pour en humer l'odeur et croque à pleines dents dans la pâte cuite à point. Je savoure chaque bouchée moelleuse qui fond en bouche. C'est un pur délice.

Je termine à peine mon muffin que Monsieur Camely revient avec ce que j'ai exigé. Je me lèche les doigts et les essuie sur ma jupe. J'ai l'air ridicule, mais Monsieur Camely ne fait aucune remarque. Il me remet mes cartes, mon argent liquide et mes documents officiels. Il m'explique comment procéder pour effectuer des retraits et m'accompagne vers la sortie de la banque.

Je reste quelques instants devant la banque à regarder les passants. Je suis très fière de moi. Je me sens maintenant capable d'affronter le monde. Je peux procéder aux prochaines étapes sur ma liste et surtout commencer ma nouvelle vie.

Le secret de la roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant