Partie 1 Chapitre 5

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Les jours passent, les semaines défilent et l'été arrive à sa fin. Le retour en classe est imminent. Je suis fébrile à l'idée de penser que mon calvaire sera un peu soulagé. J'ai passé l'été à faire les quatre volontés de ma grand-mère sans broncher. Ce retour à l'école me soulagera un peu de sa présence. Je vais enfin retrouver ma vie d'adolescente.

La ville de Sandy Creek où j'habite est petite et il n'y a pas assez de populations pour qu'elle compte des écoles. L'établissement scolaire le plus près est North Brunswick High School dans le comté de Brunswick. Je suis enthousiasmé de commencer une nouvelle année scolaire. J'aurais peut-être la chance de me faire de nouvelles amies. Juste à cette pensée, mes journées me semblent plus légères.

À l'église, j'ai rencontré des jeunes de mon âge, mais ma grand-mère épiait le moindre de mes gestes ce qui a rendu difficile mon intégration. En réalité, personne ne voulait être mon ami puisque j'étais la petite fille d'une mégère ingrate et détestable. Tous la craignaient ce qui ne me facilitait pas mon incorporation. Je restais toujours en retrait afin de ne pas m'attirer d'ennuis. Je ne parlais à personne et personne n'osait m'adresser la parole.

C'est donc avec nervosité, que le premier jour, j'attends à la lisière de la propriété, l'autobus scolaire. Le bus s'arrête devant moi. Celui-ci est bondé d'adolescents bruyants et turbulents. Lorsque la porte s'ouvre, je monte en adressant mon plus beau sourire au chauffeur. L'homme barbu assis au volant détourne précipitamment les yeux et referme la porte derrière moi. J'essaie de garder le sourire en regardant les visages de mes futurs camarades de classe, mais les rires et le pointage de doigts en ma direction me font baisser la tête. Je suis gêné et surtout blessé. Je repère le premier banc libre et je m'assois en me cachant tout au fond. Assise seule à l'avant du véhicule, je regarde par la fenêtre et essaie de ne pas porter attention aux potins qui sont dits sur moi.

– C'est la petite-fille de la vieille sorcière, dit sournoisement une fille au cheveu teint en rouge.

– Mais où t'achètent tes vêtements ? Dans le sous-sol de l'église je suppose, cri une grande fille à la peau noire habillée en costume de meneuse de claque.

– Tu ressembles à ta vieille mégère, me crache presque au visage un garçon plein d'acné.

Tous se mettent à rire et me fixent d'un regard mesquin. Je suis outrée, je ravale mes larmes et cache mon visage avec mes mains. La mauvaise réputation de ma grand-mère me suit partout. Je ne peux croire qu'on peut être aussi méchant, ils ne me connaissent même pas. Je me cale plus profondément dans mon siège et me cache dans ma carapace en espérant qu'on m'oublie. Le trajet d'une durée de 25 minutes est interminable. Je saute presque du bus dès son arrivée devant l'école. Je veux m'éloigner le plus vite possible de ces adolescents désagréables. J'ai le goût de m'enfuir, de ne plus revenir mais je ne sais pas où aller.

Je me faufile entre les élèves, tentant de me faire la plus discrète possible. Sans succès. Ils semblent tous me connaître. Je suis pointé du doigt et les rires sont de plus en plus intenses. Je marche d'un pas rapide et me dirige vers mon premier cours. Je ne trouve pas la salle de classe avant que la cloche sonne ce qui me vaut des moqueries de mes camarades lorsque je me présente en retard. Mon enthousiasme de ce matin a complètement disparu.

Je suis la risée des autres élèves tous les jours. Je tente en vain de me faire discrète et je cherche des endroits pour me cacher. Je baisse les yeux lorsqu'on me dévisage et je fuis les rassemblements d'élèves qui rient et qui semblent avoir du plaisir. Par manque de confiance en moi et surtout pour ne pas provoquer plus de moqueries, je ne m'intègre à aucun club scolaire. Je ne me sens pas assez forte pour les confronter. Je vais assidûment à mes cours et je réponds lorsqu'un enseignant me pose une question, mais sans plus. Personne ne me parle, je suis toujours toute seule. Je suis malheureuse, mais je n'ose faire les premiers pas pour m'intégrer. J'en ai assez de leurs railleries, je ne veux pas leur donner une chance supplémentaire de m'insulter.

Le secret de la roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant