Chapitre 12 : Mon rencard à Louis Haubert

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BRIAN.


Revoir une connaissance que l'on n'a pas vue depuis huit ans, et avec laquelle on a partagé le meilleur et le pire, se quittant définitivement sur le pire, est une épreuve difficile et désagréable qu'il faut appréhender de son mieux. Mais revoir Emma Margolis, ce n'était pas la même chose. Malgré tous les efforts du monde, même en se creusant la tête à en avoir la migraine, Brian n'arrivait pas à déterminer quelle attitude il devait adopter. Et si lui envoyer un message pour lui donner rendez-vous avait été une source d'angoisse immense pour lui, la voir en vrai le jour J lui avait semblé tout bonnement insurmontable.

Le musée Louis Haubert, au bout du Boulevard Chesnaw, était le coin le plus huppé de toute la ville, un véritable repaire pour tous les bourgeois-bohèmes qui affectionnaient particulièrement le fait de traîner trois heures devant une cuvette de toilettes sale sous le prétexte qu'il s'agissait d'art abstrait ou autre connerie du genre. L'établissement ne présentait pas que ces « œuvres » modernes, des toiles et autres grandes pièces dans l'Histoire de l'Art, avec un grand A, étaient également de la partie, valorisées par les conservateurs du musée. Brian comptait justement là-dessus, priant pour trouver la statue de Daphné avant que son rendez-vous, sa chère et tendre Emma la furieuse, ne débarque pour l'écraser de questions présentées sous la forme d'ordres secs, de reproches brutaux, ou bien était-ce l'inverse.

Brian s'était présenté au musée ce samedi matin, à dix heures trente, et avait donné rendez-vous à Emma à onze heures, sachant qu'elle avait toujours un peu de retard. À moins qu'elle n'ait aussi changé sur cet aspect-ci de sa personnalité. Peut-être que Emma la glandeuse était devenue Emma la ponctuelle ? Ou peut-être ne viendrait-elle pas. Brian garda ces questions pour plus tard, cherchant hâtivement la statue de Daphné. Il fit tout le musée, ne prêtant pas attention aux grandes vitres laissant entrer la lumière du jour, ou au sol fait de dalles d'une beauté saisissante. Il ne jeta pas un seul regard à la beauté des murs, des œuvres qui y étaient accrochées, ou de celles qui trônaient sur ce superbe sol. Il n'avait qu'un but, et ce but avait un nom.

Daphné.

Il s'arrêta finalement face à la statue, représentant une belle nymphe dont les pieds venaient s'enraciner dans le sol figeant son mouvement, dont les doigts fins s'étiraient en branches et dont les cheveux se métamorphosaient en feuilles de lierre. Il resta un instant devant la statue, sans rien dire ou penser, puis se remit à cogiter. Il s'approcha de l'œuvre, ne la lâchant pas des yeux, cherchant un signe ou quelque chose, tout en guettant une réaction dans la poche de son pantalon, au cas où son téléphone se mettrait à vibrer.

– Et bien, on peut dire que pour des retrouvailles, tu mets la barre assez haut. Tu as peur de ne pas m'impressionner sans un musée ?

Brian fit volte-face en retenant un soupir entre ses dents serrées. Elle était là, toute pimpante, toute jolie avec son trench, son col roulé et son pantalon, celui-là même qu'Andrea semblait avoir apprécié lors de la première venue d'Emma à l'hôpital. Cela n'avait rien d'étonnant : musée de bobo, look de bobo. Pour l'occasion, elle avait délaissé ses lunettes inutiles pour un petit béret, histoire de se la jouer Parisienne, sans doute. Remarque, avec son air perpétuellement supérieur, Emma n'en avait même pas besoin.

– T'es en avance de trente minutes, marmonna-t-il.

– Toi aussi, rétorqua-t-elle.

Touché. Évidemment cette connasse avait conservé du temps du lycée la seule chose qu'elle aurait dû jeter à la poubelle définitivement, sa répartie. Le silence s'installa, lui ne sachant que dire, serrant les poings maladroitement, elle l'examinant, comme si elle n'avait pas réussi à se faire une idée précise de lui à l'hôpital. Soudainement, Brian se sentit gauche dans ses vêtements.

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