Chapitre 10 : Je suis une amie

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SARAH.


Si en semaine elle avait été forcée de travailler, le week-end venu, Sarah avait enfin décidé de se lancer physiquement dans ses recherches. Une semaine à trembler d'inquiétude, une semaine à allumer toutes les lumières en rentrant tard le soir, une semaine passée dans l'angoisse. Vendredi après-midi elle avait demandé à partir plus tôt à son patron, une demande qu'il ne lui avait pas refusée étant donné qu'elle était sans doute l'une des plus agréables et travailleuses de toute son équipe. Sarah occupait un petit poste dans restaurant, ou comme d'autres aimaient le lui rappeler, elle était serveuse. Ça ne lui plaisait pas mais jusque là elle avait compensé en faisant des soirées jusqu'à pas d'heures, sortant avec des inconnus. Les récents événements avaient au moins eu le don de changer sa perception de l'amusement.

Vendredi après-midi donc, libérée une heure plus tôt, la jeune femme avait pris sa voiture et avait roulé en direction de l'école Northwood Highway, non loin des bois bordant la ville. La pluie tombait inlassablement sur le pare-brise, comme si le mois d'Octobre était un signal d'alerte pour que le ciel se charge en nuages sombres. Au chaud dans sa voiture, garée sur le parking de l'école, Sarah hésita un instant, regardant la marque de morsure de Caroline Fetcher, encore visible sur son bras. Le simple fait de savoir que les vieilles dents pourries de cette sorcière aient pu venir se planter dans sa chair la révulsait. Elle tira sur la manche de son manteau pour ne plus la voir et prit une profonde inspiration, fermant les yeux. Elle attrapa son sac à main et coupa le contact avant d'ouvrir la portière.

Le vent frais et la pluie la désarçonnèrent un instant, mais la jeune femme se reprit bien vite, remontant sa capuche sur sa tête et courant d'un pas rapide jusqu'aux grandes portes. Au sec dans le hall, elle retira sa capuche trempée et jeta un œil à sa montre : elle indiquait 16 h 57. Selon le site de l'école, les cours touchaient à leur terme dans trois petites minutes. À défaut des'être présentée dans ce lycée plus tôt, Sarah avait fait des recherches. Premièrement, sur le site de Northwood Highway, il était dit qu'un certain Gareth Fetcher (il avait semble-t-il gardé le nom de jeune fille de sa mère) était premier du cours de science et des cours de sport. Naturellement, elle avait scruté son parcours scolaire en détail.

Gareth avait été successivement champion de lutte, de football, de boxe, de course, de gym, de judo, de baseball et de natation. Une fierté pour ses entraîneurs, une angoisse pour Sarah. Si ce type savait autant de choses, elle n'avait pas hâte de le confronter. Suite à cette découverte, motivée aussi par son entrevue avec madame Fetcher, elle était allée acheter une bombe lacrymogène qu'elle gardait bien au chaud dans son sac. Elle lui ruinerait les yeux à défaut de pouvoir faire autre chose. Le vendeur lui avait proposé un pistolet, mais elle avait refusé, prendre des cours aurait été long, cher et incompatible avec ses horaires. À la place la blonde avait pris une matraque télescopique qui tenait compagnie à la bombe lacrymo. Elle n'aurait pas toujours un morceau de tasse sous la main. Cette dernière était bandée de tissus, cicatrisant lentement mais sûrement, autre rappel de pourquoi elle détestait les vieux maintenant. Pour en revenir à Gareth, Sarah avait regardé ses exploits en science, et les résultats étaient tout aussi peu rassurants. Que des bonnes notes. Des A, des vingts sur vingt, des autocollants approbateurs et autres conneries montrant ô combien ce type, en plus d'être invincible physiquement, était aussi une menace intellectuelle. Il était également bon en droit, assez du moins pour s'avérer dangereux. Sarah se souvenait s'être demandée comment un type aussi excellent en était venu à travailler dans un supermarché miteux et à stalker une fille au point de lui voler ses affaires de gamine.

Le bruit des portes s'ouvrant derrière elle ramena la jeune femme à la réalité. Sarah fit volte-face, son cœur bondissant dans sa poitrine, avant de se détendre. C'était Nancy. Elle l'avait appelée, histoire de ne pas être seule cette fois-ci.

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