Chapitre II

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Noir. Il fait de nouveau noir. Je m'entends plus rien. Mes sens ont comme quitté mon corps. Suis-je morte? Je le crois bien. Si l'enfer est ici, je suis déçue. Ce n'est que du noir pas besoin d'en faire une montagne. La seule chose dont je me souviens, ce sont les murs de cette pièce vide et sombre dans laquelle on m'a souvent jetée. Je sais qu'il y a quelque chose d'autre, un autre élément qui m'échappe mais quoi? Je ne saurais dire. Un objet? Une personne? Impossible de me souvenir. Ma tête est enrobée dans du coton. Ma mémoire est comme compartimentée. Comme une longue ligne dans laquelle on aurait enlevé des fragments. Je sais qu'il y a quelque chose d'autre, je le sens. Des bruits de pas approchent. Pitié non, pas encore. J'aimerais me lever, mais mon corps est plus que jamais à l'agonie. Il ne me reste que ma tête pour parler, que mon imagination pour courir. Tuez-moi, j'ai envie de leur dire, mais pas un son ne franchit la barrière de mes cordes vocales. Je n'en peux plus. Que cela cesse. Au moins, la mort sera peut être plus douce que la vie. Tuez-moi, que mon esprit puisse enfin s'arracher à ce corps trop abimé. Chaque blessure est une morsure vive dans ma chair. Je dois me souvenir mais de quoi? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Tout est flou. Les pas se rapprochent. C'est bizarre, ils sonnent différemment de d'habitude, sont plus...discrets. Comme si les personnes auxquels ils appartiennent ne devaient pas se trouver ici. J'entends du bruit contre la porte. Comme si quelqu'un bidouillait à l'intérieur. Silencieusement, presque en désaccord avec la structure en métal de celle-ci, elle s'ouvre. A nouveau, la lumière agresse mes yeux. Impossible de les ouvrir. Je reste allongée là, trop effrayée de la douleur si je tente un mouvement. La personne entre dans la pièce et se fige net. Je l'entends au silence qu'elle répand.

« Steve! » elle crie.

Sa voix me fait l'effet d'un électrochoc. Je pense que c'est la première voix féminine que j'entends depuis des années. Il n'y avait que des hommes ici avant. Elle est mélodieuse, envoutante. Est-elle là pour m'achever? Comme un pansement avant une dernière danse mortelle? J'entends d'autres pas, plus lourds cette fois-ci. Un homme sûrement.

« Quoi???? » il lui répond en arrivant en courant.

Je les entends bouger, comme s'ils communiquaient en silence. Puis je les sens venir vers moi. Le premier truc qui me frappe, c'est le parfum de la femme. Envoutant, tout comme sa voix. Il me ferait presque l'effet d'un baume. Si c'est l'odeur de la mort, je veux bien accepter mon triste sort. Ils s'agenouillent tous les deux de part et d'autre de moi, mais ne disent toujours rien. Peut être que les mots ne sont pas nécessaires. Peut être connaissent-ils déjà leur but ici. Je tressaille légèrement lorsque je sens deux bras se glisser en dessous de moi. Ca c'est pour le moins inattendu. Elle me soulève délicatement et je me retrouve blottie contre sa poitrine. Le contrat entre le froid de la pièce et sa soudaine chaleur corporelle libère un frisson qui court le long de mon corps et me fait me recroqueviller un peu plus contre elle.

« Ca va aller Nat? Je peux la porter si tu préfères. » l'homme lui demande.

Nat? Ca doit être son prénom. J'aime bien. Il sonne doucement à mes oreilles.

« Non merci Steve je gère. Ouvre la voie au cas où il resterait des agents et rentrons. » lui répond t-elle.

Il s'appelle donc Steve.

« D'accord, rentrons. »

Ils commencent à marcher vers l'extérieur, Nat me tenant toujours contre elle. Je m'attends ce qu'on nous barre la route, mais rien. Pas la moindre voix masculine connue ne vient perturber le silence. Juste sa respiration et le bruit de leurs pas. Avec ma tête contre elle, j'entends les battements de son coeur, c'est rassurant, hypnotisant. Peut être qu'en fin de compte, je ne vais pas mourir aujourd'hui. Ils s'arrêtent tous les deux.
« Démarre le jet » Nat ordonne à Steve.

Mémoire perdue Où les histoires vivent. Découvrez maintenant