Chapitre VI

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« Est-ce tu as faim? »

Un seul hochement de tête. Non.

« Soif? »

Autre hochement. Non.

Natasha soupire. Voilà ce qu'est devenu son quotidien depuis trois semaines. Deux, trois phrases prononcées par jour, et un silence en retour. Toujours pas un mot, si bien que Nat se demande si Carol a un jour été douée de parole.  Rien de nouveau du coté des marques non plus, puisque Carol refuse catégoriquement que quelqu'un d'autre soit dans la pièce avec elle lorsqu'elle n'est pas intégralement habillée (ce que Natasha comprend totalement, ayant une idée assez certaine de ce que les gardes d'HYDRA ont dû faire subir à la jeune femme en dix ans de captivité. Il ne reste pas moins frustrant de ne pas avancer de ce côté là non plus et Natasha n'ayant jamais été une personne très patiente, elle commence à sérieusement envisager de tout simplement rentrer dans la salle de bain comme bon lui semble et sans prévenir). Donc impossible de regarder la marque. La seule et unique fois où Natasha a tenté de regarder pendant que Carol dormait s'est finie par une crise de panique général et une nuit blanche à calmer Carol, a lui faire comprendre que non, HYDRA n'était pas revenu la chercher et que oui, elle était - est - toujours en sécurité dans la tour. Depuis, chou blanc. Cependant, avec les séances de test programmées par Tony approchant à grand pas, Natasha se sent légèrement mieux. Surement la perspective d'obtenir un minimum de réponse parce qu'honnêtement, même si Tony peut être un chieur de première, si quelqu'un peut trouver des réponses à leur mystère, c'est bien lui.

Voilà donc ce que sont ses journées. Les meetings avec Fury et Maria. Les repas en silence avec Carol. L'entrainement (il n'y a pour l'instant que ça pour l'empêcher de devenir folle). L'attente. Interminable. Mais de quoi? D'un signe, d'un son, de quelque chose qui pourrait lui montrer que Carol va mieux, qu'elle s'ouvre au monde. La fatigue aussi. Natasha n'admettra jamais cela, même pas sous la torture, mais son coeur se serre lorsque l'espoir d'obtenir une réponse après chaque question est réduit à néant. Se brise à chaque fois que Carol se réveille en pleurant la nuit. Se répare à chaque fois que la blonde la laisse se glisser à côté d'elle sous les draps, leurs coeurs battant à l'unisson alors qu'elle laisse Carol placer sa tête contre sa poitrine, parce qu'elle sait que les battements de son coeur apaisent Carol plus que n'importe quelle autre chose. Bondit à chaque fois que les lèvres de Carol se tordent en une mini sourire, un signe qu'elle a appris à interpréter comme un merci.

Natasha a probablement expérimenté plus de sentiments depuis la mission que durant sa vie entière. Et c'est perturbant. La Red Room l'a conditionné pour ne laisser aucune place à l'amour dans sa vie et même si elle a depuis réussi a accepté l'amitié des Avengers et a réussi à en quelque sorte les considérer comme sa famille, les vieilles habitudes ont la vie dure et peu importe le nombre de fois où Steve essaye de la persuader que ses sentiments envers Carol sont plus que de la protection, elle nie tout en bloc.

Sortant de ses pensées, Natasha se concentre de nouveau sur Carol, qui la regarde intensément depuis le lit où elle est allongée. Leurs yeux se croisent et Natasha grogne mentalement lorsqu'elle sent la chaleur désormais familière se diffuser depuis sa poitrine, lui envoyant des frissons le long de sa colonne vertébrale. Carol penche la tête légèrement sur le côté, le regard interrogateur et Natasha secoue la tête, lui signifiant que tout va bien. Elle refuse de laisser son stress gagner la jeune femme. Soudain, Carol tape deux fois de sa main droite sur sa cuisse et Natasha se tend. En deux secondes, elle est auprès de la jeune femme, se glissant à côté d'elle. Immédiatement, celle-ci vient se coller contre la rousse, l'entourant de ses bras et cale sa tête à son endroit habituel, son oreille contre le coeur de Natasha.

Les deux tapes sont l'un des nombreux signes qu'elles ont mis au point pour pouvoir communiquer, Carol refusant d'utiliser ses cordes vocales. Et la liste est longue. Claquer des doigts = je dois aller aux toilettes. Une tape de la main droite = j'ai faim. Une tape de chaque main = j'ai envie de me doucher. Des gestes simples du quotidien, tous transcrits par d'autres gestes. Evidemment, elles ont (enfin Natasha a appris à Carol) mis au point des gestes d'urgence. Claquer des mains = situation inconfortable. Deux claques = Danger. Et bien évidemment, les deux tapes de la main droite signifient une crise d'angoisse pointe le bout de son nez. Et comme à chaque fois, Nat finit avec Carol dans ses bras. Non pas qu'elle s'en plaigne réellement. Cependant, cette fois, quelque chose est différent. Cette fois, le coeur de Carol ne bat pas à mille à l'heure. Natasha fronce les sourcils. Regardant Carol qui a les yeux fermés, elle remarque le sourire... satisfait? de la jeune femme. Et Natasha ne peut s'empêcher de se demander si Carol a senti son stress et est totalement au courant que le câlin l'apaise tout autant qu'il n'apaise la jeune femme. Mais Carol qui la serre un peu plus contre elle lui fait mettre toutes ses interrogations de côté et elle s'endort, bercée par la respiration régulière de l'endormie dans ses bras.

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