•𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 𝟐𝟏•

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C'était comme si l'air chantait. C'était comme si le temps n'avait rien de réel. Ma taille le permettait ; j'enjambais aisément les pas de Red. Nous avions traversé une grotte, aussi large que haute, tapissée de flores délicates. La vue de ces dernières n'avait rien d'angoissant pour ma part, mais comme le démontraient les pupilles légèrement rétrécies du squelette, mon impression n'était pas en concert avec le sien.

Tout n'était que nature. L'herbe était aussi grande que moi et quelques animaux gambadaient tranquillement. Les plus forts ne se faisaient aucun souci, au contraire des plus faibles qui maintenaient une position sécuritaire dans les bruyères. Seul un lapin nous coupa la route. Jurant légèrement, Sans reprit le chemin. Son côté fellien avait vraiment de la peine à faire abstraction du monde, décidemment...

- C'est super grand ici, fis-je remarquer en gardant la tête relevée, détaillant le plafond à la recherche d'une potentiel source de lumière dans ce lieu sombre.

- À c'qu'il parait, le perdant de la dernière guerre devait s'installer ici. Honnêtement, j'aurai bien voulu voir comme les gagnants s'y seraient pris !

Il éclata de rire, ce rire gras et moqueur que je lui connaissais si bien, essuyant même une perle du coin de son orbite.

- J'imagine qu'avec la guerre, la population aurait diminué d'office...

- Même pas !

Je tournai la tête vers lui, mine interrogative. Il recouvra son calme si particulier, riva son regard droit devant lui, et soupira.

- Au tout début de l'humanité, les Hommes et les Monstres étaient sur un même pieds d'égalité. La Terre n'appartenait à personne, et pourtant, nos deux peuples ont décidé de la faire leur. Avec l'évolution, nos divergences n'ont fait que s'accentuer, et finalement, on ne pouvait plus se regarder en face sans y trouver du mépris. Bien que nous vivions ensemble, des règles silencieuses forgeaient nos vies. Pour te donner un autre exemple ; vous, les humains, aviez fait pareil entre vous. Après avoir écarté les Monstres, il a fallu vous diviser par couleur de peau.

Il s'arrêta au bord d'une falaise. Au loin, nous apercevions une douce chaleur lumineuse aux couleurs brûlantes. Si nous y trouvions de la surprise les premiers instants, soucieux de voir un lac de lave au loin, l'inquiétude de mon tuteur disparut bien vite en fumée et il reprit son explication d'une voix sombre.

- Les Hommes et les Monstres se distinguaient sur beaucoup de choses, mais la plus répandue des différences fut nos âmes. Laiteuse, brillante, mate, ce petit cœur retourné est l'essence même de notre constitution. Elle est notre source de magie, là où nous la puisons pour générer un corps matériel qui nous permet de profiter de la vie. L'âme humaine, en revanche, est un bien plus grand mystère. Comment peut-elle contenir autant de détermination ? Comment peut-être survivre à l'extérieur de votre corps ? C'est... C'est insensé...

Nous arrivâmes sur une petite pente, et de l'autre côté d'un rocher, la température s'éleva précipitamment. Si lui ne sembla pas en être dérangé, mon organisme, plus faible que le sien, sonna l'alerte. Essuyant d'un revers de manche la sueur de mon front, je m'encourageai à poursuivre la route.

- Mais cet étrange phénomène est aussi une malédiction. Vous, les humains, n'êtes pas aussi forts que vous vouliez le croire, ricana-t-il en me jetant un bref regard en coin. Votre espérance de vie n'a jamais égalée la nôtre. C'est une raison qui vous pousse à vous reproduire comme des animaux.

- Hé, c'est pas très gentil !

- Mais c'est un fait. C'est pour ça qu'au fil du temps, les générations humaines n'ont fait qu'accroître, et ceux des monstres diminuer. Le Mont Ebott ne pourra jamais contenir tous les Hommes de la Terre. Vous étiez tellement sûrs de gagner que vous n'aviez pas envisagé cette possibilité une seule seconde.

La pire des Familles 【𝓤𝓷𝓭𝓮𝓻𝓯𝓮𝓵𝓵】(Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant