Célian & Lowen

XVI

PDV de Célian

"-Oui allô chéri ?"

"-Où es-tu ?! Pourquoi tu m'as laissé seul avec lui ?"

"-J'arrive Wénie ! Tu sais très bien que je ne serai jamais parti comme ça en te laissant l'affronter seul mais la secrétaire est venue me chercher rapidement pour que je bouge la voiture. Je genais celle d'un autre patient."

"-Ah ok ! Oufff, tu m'as fait peur !"

"-A tout de suite chéri... Je me dépêche."

"-OK. A tout de suite."

***

Pascal, le mari de ce Ludovic est parti rapidement après leur séance. Il devait aller travailler nous a t-il dit.

Sans jamais cesser de me tenir la main, Wénie, lui et moi sommes allés tous les trois nous poser dans un café non loin du cabinet de nos psy juste après son départ.

Nous avons commandé des cafés.

Je me suis naturellement assis à coté de Lowen un peu en retrait avec ce Ludovic en face de nous.

-Bien. D'abord merci d'avoir accepté de m'écouter...

Wénie hoche simplement la tête pour lui répondre. Il poursuit donc un brin gêné et nerveux à la fois en touillant son café avec sa petite cuillère.

Il relève la tête l'air pensif comme si certaines images du passé lui revenaient en tête avant de poursuivre.

Je commence à boire doucement mon café car j'aime le boire très chaud. Ce qui n'est pas le cas de mon cher et tendre. Il le boit si tiède parfois que je le taquine en lui proposant un frappé à la place.

-Quand on s'est rencontré à l'époque, il faut que tu saches que j'étais le roi des cons et des égoïstes Lowen. Je m'étais fait plaqué quelques semaines auparavant par un type que j'ai aimé comme un fou. Évidemment, je n'ai pas digéré cette rupture et j'avais envie de me venger d'une manière ou d'une autre mais je n'ai pas eu l'occasion de le faire avec lui. Je me suis donc mis à sortir beaucoup et a couché avec le premier venu. Je m'en fichais du mal que je faisais. Je prenais les mecs puis je les je les jetais simplement sans me préoccuper de savoir ce qu'ils en pensaient. Certains l'ont très mal pris. Je me suis même battu un jour avec l'un d'entre eux croisés en boite aux bras d'un autre. Mais j'ai continué malgré tout mes conneries. J'avais tellement mal que je commençais à prendre des risques inutilement autant en agissant ainsi qu'en couchant certaines fois sans me protéger. En y repensant, qu'est-ce que j'ai honte de moi. Surtout qu'à notre époque le SIDA faisait des ravages. J'ai perdu quelques connaissances à cause de cette foutue maladie.

Il soupire l'air triste en levant les yeux au ciel et des larmes commencent à couler de ses yeux qui se sont mis à rougir légèrement.

Pendant que sous la table, Wénie me presse la main sous le coup de l'émotion. Je la lui caresse en retour.

Puis Ludovic boit quelques gorgées de son café avant de poursuivre.

-Et puis un soir je suis tombé sur toi dans cette fameuse boite. Tu m'as sincèrement plu je t'assure alors oui j'ai fait mon petit jeu pour te séduire et comme tu n'étais pas facile à convaincre j'y ai mis le paquet jusqu'à ce que tu tombes vraiment amoureux de moi. Je pensais t'aimer aussi car tu me faisais du bien. Tu étais gentil,sensible, à l'écoute et toujours soucieux de mon bien-être mais plus le temps passait et plus je me rendais compte que j'étais un véritable salaud envers toi qui étais si bon avec moi. Trop bon même. Alors j'ai commencé à paniquer et c'est là où j'ai commencé à te tromper. Je n'avais pas le courage de te parler alors j'ai tout fait pour que tu me quittes. Je n'arrivais plus à me supporter, cet ex m'avait gâché la vie et je ne voyais pas d'issue à mon comportement qui était devenu compulsif. En fait, je suis devenu celui que j'ai tellement détesté. L'ironie totale. Tu as été un énorme dommage collatéral Lowen et je le regrette sincèrement. Tu es d'ailleurs, celui que j'ai regretté le plus depuis toutes ces années et que je n'ai pas réussi à oublier. Mais comment aurais-je pu après tout ça ?! J'étais clairement devenu une grosse merde. Un putain de lâche qui a prit la fuite, faute de pouvoir t'affronter quand tu as découvert mon infidélité. Il aura fallu attendre ma rencontre avec Pascal qui m'a convaincu de commencer une thérapie à l'époque. On s'est rencontré il y a déjà douze ans et on s'est marié il y a trois ans. Aujourd'hui on consulte ensemble car nous avons des soucis de couple à régler. Mais Pascal est un homme bien et j'ai eu beaucoup de chance de le croiser dans ma vie après tout ce que j'ai fait enduré comme mal à tant d'autres. Tout ça pour une peine de cœur. J'ai même réussi à échapper au SIDA. J'ignore pourquoi car je méritais clairement d'être infecté. Alors depuis je ne cherche plus qu'à me racheter. Je suis devenu un pur militant depuis de nombreuses années. Je me sens utile à quelque chose et ça atténue mon sentiment de culpabilité qui ne m'a jamais vraiment lâché. Quelque part, je paie toujours et encore mes erreurs commises. Je fais également pour être un bon mari. Pascal est tout pour moi et je ne veux pas le décevoir. Voilà tu sais tout maintenant.

Il essuie ses larmes du dos de sa main et termine de boire son café qui a dû refroidir depuis.

-Je suis sincèrement désolé Lowen. Je sais que ça n'excusera pas tout le mal que je t'ai fait mais sache au moins que mes excuses sont sincères.

Je vois que mon Wénie est chamboulé et qu'il peine à trouver ses mots mais je ne sens plus de colère en lui. Je ne le quitte pas des yeux. Puis il finit par m'esquisser un sourire auquel je réponds attendri.

-Je suis tout d'abord content que tu t'es excusé car j'en ai vraiment beaucoup souffert. J'en ai même littéralement bavé. Ensuite, de savoir que tu paies encore ton mauvais comportement jusqu'à aujourd'hui me console un peu car à mon avis je ne suis pas le seul à qui tu as fait beaucoup de mal. Mais le principal que je retiens dans tout ça, c'est que tu as fini toi aussi par tourner la page et que tu t'es afféré à devenir une meilleure personne. Si tu as ton mari à tes côtés depuis toutes ses années jusqu'à maintenant, c'est que tu n'es pas qu'une personne mauvaise Ludovic. Tu as eu enfin droit à ta rédemption et tu t'en es plutôt bien sorti finalement. Alors oui continue chaque jour de faire le bien. Il y a assez de mauvaises choses dans cette vie.

-Je suis d'accord avec toi.

Nous ne nous séparons pas tout de suite. Nous poursuivons de bavarder tous les trois comme si nous étions de vieilles connaissances. La tension du début s'est dispersé et mon Wénie et son ex bavardent comme s'ils s'étaient vu la veille. On en oublie les vingt-cinq années passées de silence et de non-dit frustrant pour ces deux-là.

J'espère juste que mon chéri ne va pas vouloir garder contact avec lui. OK, il est marié maintenant et il a changé mais je ne veux pas qu'il fasse parti de sa vie pour autant. Ils ont été amants et ça, je ne l'oublierai jamais. Je connais mon Wénie et gentil comme il est, il serait capable de l'accepter comme ami maintenant.

-Bon et bien nos allons te laisser Ludovic. Déclare Lowen en me pressant la cuisse pour me donner le signal de départ.

Nous nous levons donc tous les trois simultanément et nous nous serrons la main poliment.

Ah enfin...

-Par contre Lowen, j'aimerais bien garder contact avec toi. Il le regarde avec un regard de cocker et je sens Wénie hésitant.

Et merde ! Tout mais pas ça !