XXXII

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Lowen

*Quarante-cinq ans plus tôt*

-Bonjour Lowen. Je m'appelle Amélie et voici mon mari Laurent. Si tu es d'accord, nous serons tes futurs parents mon chéri.

-Bonjour madame... La petite bouille d'ange timide aux yeux bleus rayonne pour la première fois depuis des mois et des mois dans cet orphelinat spartiate et si peu accueillant. Lowen reste ébahi devant le visage magnifique de sa nouvelle maman très souriante qui sent bon et qui a les joues douces et chaudes.

C'est un jour doublement spécial pour Lowen aujourd'hui. Non seulement il fête ses huit ans mais c'est également aujourd'hui qu'il a trouvé sa nouvelle famille.

Il est orphelin de père et de mère mais ça n'a pas toujours été le cas.

***

Issu d'un milieu modeste, son père est mort quelques mois après sa naissance dans un accident de tracteur dans les champs laissant sa mère et lui dans une détresse financière auquel Brigitte eut beaucoup de mal à faire face. Elle dû quitter à grand regret son milieu rural qu'elle aimait tant et le peu de famille qui lui restait : un oncle et une tante vieillissant avec le peu d'économie qu'elle avait en poche pour gagner la grande ville prometteuse d'une vie meilleure et d'un avenir plus sûr à l'époque qu'était Paris.

Quelques mois après son arrivée dans la capitale, elle peinait toujours à s'en sortir malgré tout. Entre le prix du loyer, le prix de la nourrice pour son fils et celui de quoi s'alimenter décemment, le montant du maigre butin qu'elle empochait en faisant les ménages chez les plus fortunés l'empêchait de manger à sa faim chaque jour et continuait à l'épuiser autant moralement que physiquement.

Un soir, désespérée elle dû se résoudre à vendre ses charmes sous son propre toit pour assurer les finances de son petit foyer. C'était une belle jeune femme à la crinière blonde et aux yeux bleus comme son fils. Les hommes se retournaient sur son passage partout où elle passait mais jusqu'à aujourd'hui, elle n'en jouait pas. Après tout, c'était une femme honnête et fidèle à l'homme qu'elle aimait plus que tout et qu'elle a malheureusement perdu trop tôt. La laissant avec comme unique présent de valeur : leur fils unique.

Une fois la toute première nuit passée avec un parfait inconnu qui lui laissa une liasse de billets impressionnantes, elle se plia à ce nouveau métier bien qu'il lui dégoutait mais une seule hantise la motivait à continuer. Elle ne voulait pas perdre son fils en devenant une mère incapable de l'élever sans l'aide d'un homme dans sa vie que son cœur n'aurait pas choisi.

Elle commença alors cette nouvelle activité de charmes au sept mois de Lowen et s'arrêta à ses 18 mois. Contrainte par les répercussions d'une agression qui la terrifia et laissa son fils en danger un soir. Un client l'avait tabassé après avoir partagé un moment charnel avec elle pour ne pas la payer comme il avait pourtant coutume de faire, la laissant inconsciente, défigurée par les coups reçus et affaiblie à même le sol de sa modeste chambre de bonne.

Elle passa des heures et des heures inconsciente avant d'être réveillée de force par les pleurs stridents et effrayés de son fils. Depuis ce jour, elle se jura de tout arrêter, quitte à enchainer plusieurs petits boulots de préférence pour maintenir les revenus du foyer. Ce qu'elle fit fermement, se tenant à sa promesse et celle faite à son fils.

Hélas les soucis financiers reprirent de plus bel car le quartier où elle logeait prenait de la valeur et le prix des loyers furent quasiment doublés par les tenanciers. Elle se trouvait donc coincée. A telle point qu'elle ne pouvait même plus assurer l'achat des vives de base pour son fils. Comme le lait, le change et les vêtements. Heureusement pour elle, Lowen était un petit bonhomme à la santé robuste lui épargnant de devoir consulter pédiatre et autres médecins spécialisées pour le faire soigner.

Et puis, un matin d'hiver glacial au début du mois de décembre, à l'âge de deux ans, Brigitte emmena la larme à l'œil et le visage fermé par la tristesse et la honte de son geste futur son fils adoré qu'elle aimait plus que tout au monde à l'église de sa ville.

Elle confia sa souffrance et sa détresse au Père de la bâtisse qu'elle connaissait bien pour venir à chaque messe du dimanche depuis des mois et des mois déjà.

Elle ne s'en sortait plus et sa santé déclinait. Elle n'avait que 23 ans mais elle en paraissait dix de plus. Cette nouvelle vie de mère célibataire à Paris l'avait littéralement vampirisé dans le mauvais sens du terme.

Tout devenait trop dur pour elle au quotidien et elle ne voulait surtout pas que son fils en vienne à en pâtir un jour. Elle n'avait déjà pas réussi à tenir sa promesse et réussi à être la mère qu'elle rêvait d'être pour son fils. Son petit Lowen. L'amour de sa vie. Alors elle ne voulait surtout pas qu'à cause d'elle et de ses mauvais choix de vie, il en vienne à en souffrir un jour. Elle voyait bien trop grand pour lui.

Elle décida donc à contrecœur de l'abandonner en le confiant au Père à qui elle avait une confiance aveugle pour le remettre à un orphelinat, espérant qu'il puisse y trouver des parents bien sous tous rapports pour en prendre soin pour elle et lui donner le meilleur pour pouvoir lui assurer un avenir serein et sécurisant. Bien meilleur qu'elle avait pu lui offrir jusqu'à maintenant.

Son fils était sa plus grande fierté mais il aura fallu d'une décision capitale comme celle-ci pour qu'il devienne sa plus grande déception.

Avant de le laisser, elle le serrer aussi fort qu'elle le pouvait dans ses bras en priant pour que tout se passe bien pour lui et lui demanda tout bas à l'oreille de lui pardonner pour ce geste infâme d'une mère à son fils. Un geste qui ne devrait pas exister pour les mères comme elle qui aiment à en mourir leur chaire et qui donneraient tout pour rester à leurs côtés si elles le pouvaient.

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*Trente-six ans plus tôt*

Amélie et Laurent, ses parents adoptifs moururent dans un accident de voiture sur le périphérique la veille de Noël laissant leur fils unique Lowen orphelin une deuxième fois à l'âge de dix-sept ans.

Celui-ci demanda son émancipation peu de temps après leur enterrement qu'on lui accorda car il n'avait pas d'autres familles vivantes.

Malin et débrouillard, Lowen était un jeune homme sérieux et responsable. Il travaillait déjà en alternance préparant un CAP Boulanger qu'il réussit à obtenir sans difficulté.

Ce fut son premier métier. D'autres suivirent dont la liste reste exhaustive car Lowen est un curieux qui aiment changer de branche professionnelle quand l'ennui tend à se manifester chez lui.

Ses parents avaient tenu de leur vivant à être incinérés et avaient confié un jour à leur fils qu'ils souhaitaient que celui-ci jette leurs cendres du haut de la Tour Eiffel là où ils s'étaient rencontrés la veille de Noël il y a plus de trente ans comme unique geste d'adieu.

Bon garçon aimant et reconnaissant de la vie qu'ils lui avaient offert, Lowen respecta bien évidemment leur dernier vœu.

Depuis l'année de leur disparition, le jeune homme prit pour habitude de se rendre à la Tour Eiffel la veille de Noël et de fêter dignement cette fête en mémoire de ses merveilleux parents partis malheureusement trop tôt mais qui firent de lui l'homme qu' il est devenu ; restant fidèle à ce qu'il est et qu'il aime faire.

***

Depuis sa rencontre avec Célian, sa famille se compose de son chéri, de Patricia, de son petit Lolo et de sa fiancée Alina qu'il aime plus que tout.

Il a transmis l'amour de cette fête à son entourage depuis si longtemps déjà que chaque année, ils se doivent de se réunir tous pour la fêter comme il se doit.

Bien qu'il ne se souvienne que vaguement de sa mère biologique, jamais il ne lui en voulut de l'avoir abandonner dans cette église. Sans elle et son acte de courage pour certains ou de lâcheté pour d'autres, il n'aurait pas eu les parents qui lui étaient destinés et qui lui offrir une enfance heureuse, le peu de temps qu'elle dura à leur côté mais qui effaça les années peu réjouissantes passées à l'orphelinat.


Célian & LowenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant