Chapitre 2 - Partie 1

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Chapitre 2Purple Lamborghini

Les jours se succédèrent, un par un, sans que je puisse y faire quelque chose. Dire à mes amis que je ne reviendrai pas, et que je partai à l'autre bout de la capital leur a fait mal. Autant à eux, qu'à moi. Lorsque je leur ai résumé les faits, ils n'ont pas cherché à en savoir plus, voyant que cela m'affectait et m'affecte encore énormément.

Depuis une semaine, mon ventre se compresse et se tord, me procurant d'horribles douleurs au niveau de l'abdomen. Je ne saurais dire à quoi elles sont dues. Le fait de quitter des êtres chers ? Je sais pourtant que je les reverrai. Peut-être pas maintenant, mais plus tard, et ce jour-là, je leur expliquerai tout, le remariage, ma nouvelle famille, ma nouvelle vie et j'approfondirai sur les sujets sensibles comme le déménagement ou le changement d'établissement. Mes crampes s'aggravent, je me tords.

La seule chose qui me vient en tête est un choc émotionnel. Il y a une semaine, j'ai probablement assimilé trop de choses en seulement deux jours. Une vie luxueuse où je ne manquerai de rien. Une vie rêvée, mais que je ne supporte pas. Je me redresse, observant pour la énième fois ma nouvelle chambre.

Mon corps se raidit et retombe nonchalamment sur mon lit. Je ferme les yeux, me concentre sur mes douleurs au ventre, puis réopère les mêmes gestes. Sincèrement, mon inconscient n'accepte pas ces nouveaux changements. Ma chambre est devenue bien trop grande pour une jeune fille comme moi. J'observe de droite à gauche ; mes meubles ont été changés par d'importantes armoires faites d'un matériel coûteux ; l'acajou. Ce bois a été repeint en blanc récemment, les émanations de peinture me chatouille doucement le nez.

D'ailleurs, il faudrait qu'on m'explique le nombre incalculable de nouveaux vêtements tous fabriqués par des créateurs dans cette armoire. J'ai une baie vitrée qui mène tout droit à un balcon, oui, un balcon (celui-ci donne sur le jardin). En face de mon lit double places (parce qu'il faut toujours faire les choses en grand), se trouve un immense bureau blanc, un ordinateur portable dernier cri posé délicatement dessus (attendant gentiment d'être allumé), ainsi que de nombreux tiroirs qui, dans trois ou quatre jours vont se retrouver dans un bordel sans nom. Une télé est placée contre le mur, toujours en face de moi (elle aussi, elle attend patiemment d'être allumée). A ma gauche, la porte menant au troisième étage ; puisque cette maison en possède quatre (en plus du rez-de-chaussée). Des tonnes de livres sont logés dans une bibliothèque importante à droite de ma porte. Mon père a dû expliquer à Rouge qu'une de mes passions étaient la lecture.

Rouge est... Je ne peux pas la qualifier. Tant de bonté et de générosité en une personne est souvent louche, cependant, je le sais, et cela se voit qu'elle reste naturelle et simple. Ce n'est pas une facette qu'elle se donne pour plaire, non ; elle est d'un naturel généreux –trop même.

Pendant une semaine, tout entière, mon père m'a dit, redit, conté et raconté tout ce qu'il savait de Rouge –et croyez-moi, il en sait, des choses. J'ai appris qu'elle travaille en tant que styliste de la marque Criminal, qui est une des plus chères, mais numéro deux en vente dans tous magasins confondus (voilà pourquoi mon armoire est remplie de nouvelles tenues).

Dans son entreprise de fabrication, elle se trouve au sommet d'une hiérarchie difficile d'accès. Apparemment, il y aurait beaucoup de poste à gravir rien que pour être aide en confection et formation du vêtement. Si ma mémoire est bonne, Rouge se doit de donner des thèmes étendus mais précis. Les graphistes dessinent ensuite sur papier et envoie leurs croquis à Rouge. Celle-ci doit sélectionner les idées qui valent d'être exploitées et approfondies. Les dessinateurs retravaillent ensuite leur croquis pour en faire quelque chose de parfaitement abouti. Puis, les dessins finis reviennent une nouvelle fois à Rouge pour qu'elle les juge en fonction des capacités que chacun a mis dedans. Elle argumente ensuite certain petits défauts pour que les acheteurs soient conquis de leurs travaux. Puis, au final, les dessins sont affichés dans une salle de réunion où plusieurs personnes débattent sur les ventes et les chiffres à atteindre. Puis, les dessins améliorés partent en confection.

Ce métier me semble difficile et complexe ; savoir gérer son temps, gérer son stress, être organisé, savoir se montrer autoritaire dans les moments où il le faut, avoir une totale confiance en soi et en l'autre, analyser proprement chaque détail. Tout ce que je ne suis pas.

Ma tête tourne, je fixe l'heure. Mon père ne devrait pas tarder à franchir mon intimité pour me dire les mots « prépare-toi, il est bientôt l'heure ». L'heure de découvrir ce nouveau mode de vie qui me tend joyeusement les mains, mais que je fuirai comme la peste. Je soupire lourdement. Je ne veux pas. Je ne veux pas m'avancer, saisir ces doigts pour me laisser emporter. Aujourd'hui, je vais être obligée de m'approcher légèrement. Mon premier jour dans ce nouveau lycée approche. Il approche à grands pas.

- Ren, il est temps de se lever, murmure mon père au pied de la porte. Prépares-toi.

J'articule mollement un oui bref, neutre et simple. Il referme délicatement la porte. Je me lève, remuant mes cheveux mêlés. Je regarde méticuleusement l'intérieur de mon armoire à la recherche de mon nouvel uniforme. Il sent l'argent à des kilomètres.

Je me déshabille lentement –oui, je suis molle au réveil. J'enfile mes sous-vêtements, puis m'occupe de ma chemise blanche que je boutonne tout aussi doucement. Je ne peux pas m'empêcher d'y songer, mais, même si ces vêtements sont chers, et je m'en fous, seulement, mes mains, mes doigts, mes gestes et mon état d'âme cherchent à ne pas le froisser, ni le salir, ni quelque chose de subtile qui pourrait l'endommager.

J'enfile une cravate bleue, pour ensuite rabattre le col de ma chemise. Mes jambes passent dans la jupe, que je retrousse. Une jupe plissée aux motifs à carreaux bleus qui se dégradent en fonction de sa place. Mes yeux parcourent l'intégralité du miroir qui se trouve à ma gauche. Je rentre ma chemise dans ma jupe. Mes pupilles me fixent une nouvelle fois avant que je me juge prête.

J'enfile le gilet réglementaire crème, ou beige plus grisé. Mes pieds trainent jusqu'à la salle de bain qui m'est réservée à l'horizontale du couloir, en face de ma chambre. Je ne me lave jamais le matin, je trouve ça inconfortable et j'ai de loin une préférence pour mon lit. Une fois devant mon reflet, j'empoigne mon mascara. Je répète des gestes récurants pour que mes cils paraissent plus élégants et rallongés. Je les arrange méticuleusement avec une brosse que je passe plusieurs fois. J'ajoute un léger trait de crayon pour que mes yeux paraissent agrandis.

Pourquoi une femme se pense embellie grâce à des gestes couvrants leurs imperfections ? Je n'en sais rien, puisque j'y crois bêtement. C'est un état d'esprit, du moins je pense. Le maquillage est fait pour embellir.

Je range mon petit bazar, pour ne pas que mon père me le fasse remarquer en rentrant. Je profite de mes dernières minutes pour me vérifier une dernière fois –j'aurais beaucoup fixé le miroir aujourd'hui. Mes doigts manipulent mes cheveux pour qu'ils longent la partie haute de mon corps, puis passent sur mon front pour écarter les mèches rebelles.

Je retourne dans ma chambre pour enfiler une paire de chaussette haute et blanche, pour ensuite mettre les chaussures réglementaires. Il me semble qu'en temps normal, je les changerai quand j'arriverais là-bas.

J'empoigne vivement ma sacoche, profite pour mettre quelques classeurs et feuilles simples pour prendre en note les cours. Mes poumons se remplissent d'un coup, puis, l'air glisse lentement entre mes lèvres. Une fille arrivant peu de temps après la rentrée scolaire ne passera pas inaperçue, enfin, j'espère me tromper.

Je franchis ma porte, descends lentement les plusieurs escaliers jusqu'à me retrouver au rez-de-chaussée où mon père et Rouge discutent paisiblement autour d'une tasse fulminante où s'échappe un nuage de vapeur. Rouge rigole, mon père sourit, et la dévore des yeux. Pas un regard avec des arrières pensés malsaines, mais un regard timide et empli de passion. Sur la table, j'aperçois leur main l'une sur l'autre. Je ne peux pas m'empêcher de sourire futilement.

- Je dois me rendre où pour mon bus ? demandé-je naïvement. (ils semblent surpris, mais se ravisent tout aussi vite).

- Pardon ? Un bus ? Mais Ren, notre chauffeur te conduira tous les jours au lycée, me répond Rouge, comme si tout cela était une évidence.

Ah, ok, ok. Je me presse vers la porte –non sans prendre un biscuit posé irrésistiblement sur la table. Je franchis le seuil de celle-ci, une force décidée et courageuse en moi.

I Hated [Ace x OC, One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant