Le cœur d'une gardienne

Chapitre 46

La suite des événements a été plus que floue pour moi. J'ai été tout de suite embarquée vers le château du Haut Conseil et tout ça, sans avoir de contact avec les membres de ma maison.

Je suis à présent dans une cellule du Haut Conseil, la culpabilité pour seule compagnie. Mon Parada m'a été retiré. Elle n'a pas le droit d'être avec moi d'ici mon jugement.
J'ai tué un homme. Je suis une meurtrière. Je ne vois pas quelle issue je pourrai avoir hormis la mort. Je ne ferai plus partie de l'ordre, du monde et c'est sûrement mieux ainsi. Je ne suis pas stable, un peu comme une bombe à retardement.

— « Serena Prime. Tu es appelée au jugement. » m'annonce mon garde, me tendant la cape noire des jugés.

Je l'enfile et le laisse me conduire jusqu'à la salle du conseil. C'est celle où j'ai été pour la première fois lors du sommet, celle qui a révélé ma vraie nature de gardienne.
J'avance dans la salle, la tête baissée sous les regards des différentes maisons.

— « Silence ! » s'écrie Bart en me scrutant intensément.

Lui aussi, j'ai dû le décevoir. J'étais la nouvelle élue après tout. Une élue déchue à présent.

— « Nous sommes ici aujourd'hui pour juger le crime de Serena Prime, ayant porté la mort sur Richard Williams, gardien de l'eau de l'ordre. Mademoiselle Prime, admettez-vous les faits ? »

— « Oui. »

Des murmures s'élèvent dans la pièce, commentant mon aveu. Qu'est ce que j'étais censée faire d'autre ? Essayer de me défendre ? Je suis coupable, Richard est mort par ma magie. Il n'y a rien à ajouter.

— « Je demande une enquête. » s'exclame une voix que je reconnais comme celle de mon frère.

Je ferme les yeux, la culpabilité me ronge le cœur. Comment mon frère peut-il encore me défendre après ce que j'ai fait ?
Je me tourne vers celui-ci, un sourire reconnaissant aux lèvres.

— « Je t'en prie, Jules. Tu ne peux pas me défendre dans cette situation. Il... Il est mort par ma faute. Parce que je n'ai pas pu contrôler mon pouvoir. Je... suis une meurtrière. Tu l'as vu et les autres aussi. N'aggrave pas les choses pour notre maison, je t'en supplie. » dis-je en retenant mes sanglots du mieux que je le peux.

— « Serena, ne fais pas ça... »

— « Je suis désolé. Je t'aime, Jules. »

Je reporte mon attention sur Bart, poursuivant sur l'idée que j'ai prise avant d'entrer dans cette foutue salle.

— « Vos honneurs, mon crime est impardonnable mais j'en prends l'entière responsabilité. Et si ma sentence doit être la mort selon le principe du Talion que vous exercez encore, c'est à dire œil pour œil, dent pour dent, je l'accepte et je la respecte. En revanche, je sais que j'ai le droit à une dernière volonté et que celle-ci doit être obligatoirement appliquée. Ma dernière volonté est de blanchir ma maison. Elle n'a rien à avoir avec mes actes et je vous supplie de la garder à l'écart de cette affaire. »

— « Que ta volonté soit faite, mon enfant. » déclare un membre des juges.

Ma possible mort suscite quelques réactions favorables dans l'assemblée. Bart se lève, levant de concert ses deux mains. Je n'ai suivi aucun procès mais si ce que j'ai lu dans les livres est exacte, ce geste doit couper le débat.

— « Serena Prime est une jeune femme de 18 ans. Elle n'est qu'une apprentie et n'est pas consciente de son pouvoir. La maîtrise de celui-ci demande plusieurs années, vous le savez aussi bien que moi. Le crime qu'elle a commis est le plus grave dans notre société mais nous ne pouvons pas sanctionner une personne semblable à un nourrisson. En tant que chef du Haut Conseil, je déclare pour sentence l'excommunication. »