VOISINS┃j.sancho (✓)

chapitre vingt-deux.

Petra remuait les feuilles de sa salade avec le dos de sa fourchette, le ventre noué. Les rires et le brouhaha des autres clients du restaurant lui semblaient lointain, tandis qu’elle contemplait son assiette encore remplie. En face d’elle, Jacob dardait sur ses cernes et sa mine pâle un regard inquiet. Petra semblait distante depuis qu’il était venu la récupérer chez elle, un peu plus tôt dans la journée. Elle était comme éteinte, et cela le préoccupait. 

— Je te trouve un peu... ailleurs aujourd’hui. Tu es sûre que tout va bien ? 

— Ouais, je suis désolée. J’ai passé une sale nuit, Petra haussa les épaules. 

Elle disait la vérité. Remontée par son altercation avec Jadon, la jeune femme avait été incapable de fermer l’œil de la nuit. Pendant de longues heures, elle avait ressassé les paroles blessantes de son voisin et avait même versé quelques larmes. Petra était si en colère contre lui qu’elle doutait de pouvoir lui pardonner un jour. Elle ne savait même pas si elle en avait envie.

— Oh, Jacob parut surpris, et son visage se teinta d’une expression confuse. Il s’est passé quelque chose ? 

— Je suis un peu stressée, Petra mentit. Les cours me rendent anxieuse, on arrive bientôt à la fin du semestre. 

Petra n’aimait pas dissimuler la vérité, faire semblante jouant un rôle qui n’était pas le sien. C’était quelque chose qu’elle haïssait par dessus tout. Depuis que Jadon était entré dans sa vie, agir comme cela était pourtant devenu monnaie courante. Ce garçon l’avait changé en un laps de temps limité, forcé à remettre en question ses principes et à ignorer ses valeurs. Petra ne pouvait pas non plus l’accuser de tout. En effet, elle avait également une part de responsabilité dans ce changement. Car malgré tout ce qu’il lui avait fait subir, elle ne parvenait pas à le mépriser.

— Tu ne devrais pas, Jacob fit en la couvant d’un regard compréhensif. Il saisit ensuite sa main, d’un geste rassurant. Tu es une fille brillante, je ne doute pas un instant de ta réussite. 

La culpabilité l’étreignit, et Petra voulut pleurer. Jacob saisit sa main avec douceur, percevant sa vulnérabilité. Il était tellement gentil, prévenant et à l’écoute qu’elle se sentait indigne de lui. Elle aurait souhaité lui avouer tout ce qu’elle avait sur le coeur, ses sentiments contradictoires vis-à-vis de Jadon, sa dispute avec lui la nuit dernière et son mal-être quant à cette situation. Sauf Jadon restait son coéquipier. Jacob et lui étaient amis, et Petra savait que c’était une des personnes avec lesquelles son copain s’entendait le mieux dans le vestiaire du Borussia Dortmund. Elle voulait pas risquer de compliquer les choses entre eux, ou risquer de blesser Jacob.

— Merci, Jacob. C’est adorable, Petra murmura, touchée par sa sollicitude.

Le footballeur danois pinça les lèvres tandis qu’elle serrait sa main plus fort contre la sienne. Il hésitait visiblement à lui faire part de quelque chose, mais sa réserve ne dura que quelques secondes, car il se lança bien vite : 

— Petra, je t’aime vraiment beaucoup.

Petra s’immobilisa, sous le choc. Elle ne s’attendait clairement pas à ce genre de déclarations de sa part, surtout à un moment aussi inattendu. Une chaleur étrange se diffusa quand même dans sa poitrine. 

— Je suis sorti avec une fille jusqu’à récemment, c’était ma première copine,Jacob continua, d’un ton qu’il espérait neutre. Elle était restée au Danemark, j’étais très amoureux d’elle. Je pensais que tout allait bien entre nous, je m’investissais pour que notre relation fonctionne. Mais j’ai découvert qu’elle m’avait trompé pendant trois ans, la quasi-totalité de notre relation. Quand je lui ai demandé pourquoi elle avait fait ça, elle m’a répondu que je n’étais qu’une porte de sortie pour elle, et qu’elle attendait que je devienne plus connu pour profiter de mon argent. 

Petra fut indignée, regardant les yeux de Jacob se voiler d’une lueur triste. Elle s’apprêta à prendre la parole,mais en constatant qu’il n’avait pas terminé, elle préféra se taire et attendre. 

— Je… J’ai vraiment eu beaucoup de mal à refaire confiance à quelqu’un après ça. Je voulais te le dire, parce que tu commences à prendre beaucoup d’importance dans ma vie. Tu comptes énormément pour moi. 

Petra se crispa à ces mots. En y repensant, elle n’était pas si différente de l’ex petite amie de Jacob, après tout. Elle s’était tout autant servie de lui, continuait d’ailleurs d’abuser sa confiance étant donné qu’elle était sortie avec lui à la base pour oublier Jadon. Certes, les choses avaient évolué désormais. Petra tenait sincèrement à Jacob. Elle aimait passer du temps en sa compagnie, il la rendait heureuse et lui faisait un bien fou au moral. Elle essayait de faire la même chose pour lui, en retour, et elle appréciait cette dynamique. Cependant, elle n’était pas amoureuse de lui. 

Jacob saisit sa main, et devant son regard débordant d’affection, elle dut quand même se rendre à l’évidence. Il ne la laissait pas indifférente. Alors Petra sourit :

— Tu comptes énormément pour moi aussi, Jacob.